Rassurante durant les sommets, la chancelière flattait dans les réunions électorales la mauvaise humeur des conservateurs.
Depuis les premières heures de la crise européenne, la question de la politique intérieure allemande est au coeur de la stratégie d’Angela Merkel. Dans sa route, qui apparaît parfois chaotique aux observateurs extérieurs, la chancelière tente en réalité de maintenir un équilibre difficile entre les exigences de la gestion de la crise et sa propre survie promettre que « pas un euro allemand n’irait en Grèce » . Une attitude qui a conduit à un blocage de l’aide européenne pendant plusieurs mois de l’année 2010 et à la contagion de la crise à l’Espagne et au Portugal.
Pour comprendre la politique européenne de la chancelière, il faut donc saisir sa situation politique intérieure. Or, actuellement, la chancelière semble affaiblie. La lourde défaite de son parti, la CDU, dans le Land le plus peuplé du pays, la Rhénaniedu-Nord-Westphalie le 13 mai dernier, le redressement spectaculaire du SPD dans les sondages, donné désormais souvent à près de 30 % des voix contre 23 % en 2009, les difficultés de son partenaire de coalition libéral, pas certain d’obtenir des sièges aux élections fédérales de septembre 2013, enfin les éternelles tensions au sein de la coalition gouvernementale, tout semble concourir à alourdir la pression sur la chancelière.
« Il s’agit cependant surtout d’une question d’atmosphère » , souligne Ursula Münch, présidente de l’A cadémie des politique. Ces deux pôles sont donc loin d’être indépendants. On se souvient combien la campagne de l’élection régionale de 2010 en Rhénanie-du-NordWestphalie a influencé la position allemande. Rassurante durant les sommets européens, Angela Merkel flattait dans les réunions électorales la mauvaise humeur des militants conservateurs, allant jusqu’à sciences politiques de Tutzing, en Bavière. « La défaite électorale de la CDU ne change pas la donne au Bundesrat, où l’opposition avait déjà la majorité, et les sondages restent stables pour la chancelière et son parti » , constate-t-elle.
Il n’empêche, la chancelière est sur la corde raide, notamment avec ses propres amis. Et, comme le remarque Ursula Münch, « la question européenne joue un rôle considérable dans les tensions au sein de la coalition » . Tout simplement parce que l’opinion publique allemande est très inquiète.
Un récent sondage relevait qu’un tiers des Allemands souhaitaient le retour au mark, contre seulement un cinquième voici un an. Une autre enquête affirmait que plus de la moitié des citoyens de la RFA étaient favorables à l’exclusion de la Grèce de la zone euro.
Et il n’y a pas que les journaux populaires comme Bild Zeitung qui chauffent l’opinion à blanc sur la question. Le très sérieux quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung ne manque pas une occasion de souligner les dangers inflationnistes de la politique de la BCE, les risques du système de paiement intereuropéen Target-2, ou de mettre en garde contre la création d’une « union des transferts ». Voici deux semaines, Die Zeit, jugé plus modéré, s’indignait : « Le monde entier veut notre argent. » Rien d’étonnant donc à ce que le livre du polémiste Thilo Sarrazin, intitulé Europa braucht den Euro nicht («L ’Europe n’a pas besoin de l’euro »), s’est affiché, quelques jours après sa sortie, en tête des ventes outre-Rhin.
Face à ce courant d’opinion, la droite allemande cherche à ne pas se couper d’une partie de l’électorat conservateur qui verse dans l’euroscepticisme. Et beaucoup n’hésitent donc plus à critiquer la politique européenne d’Angela Merkel qui est, depuis 2011, fondée sur cet axiome : « Si l’euro échoue, c’est l’Europe qui échoue ». La CSU, la soeur bavaroise de la CDU, mène souvent la fronde. Mais des élus FDP, et parfois même CDU, ne sont pas en reste.
Mais si Angela Merkel doit chaque jour combattre pour rétablir la discipline dans son camp, elle bénéficie de plusieurs