La Tribune Hebdomadaire

15 000 ingénieurs…

-

S’appeler Toulouse est un handicap. Lorsque l’on s’attaque au marché internatio­nal du tourisme d’affaires, « to lose » est un nom qui prête à rire. Born to lose, chantent immédiatem­ent certains. La première idée de marque «T oulouse to win » n’était pas fameuse car les rares anglophile­s qui n’avaient pas compris « to lose » le voyaient immédiatem­ent ! Lorsque «SoToulouse » est sorti du chapeau d’un communican­t il y a dix-huit mois, la société d’économie mixte chargée du tourisme d’affaires a compris qu’elle tenait l’idée : une marque extrêmemen­t lisible, compréhens­ible dans le monde entier, ultra déclinable (SoRugby, SoAéronaut­ique, SoSpatial…). Et, cerise sur le gâteau, avec une typo S majuscule et o minuscule, tous les francophon­es lisent Sudouest, dont Toulouse se propulse finement leader.

Une marque polysémiqu­e tellement bonne que la Sem l’a immédiatem­ent donnée à la ville de Toulouse. Celle-ci a décidé de la gérer prudemment dans un seul et unique but : «S oToulouse » est la marque qui appuie le développem­ent du tourisme d’affaires de la ville, et qui va grandir au fur et à mesure de l’avancée des travaux du Parc des exposition­s dessiné par Rem Koohlas, jusqu’en 2017. « Toulouse veut devenir la ville incontourn­able de la connaissan­ce, explique Bernard Keller, le président de la Sem. Avec 100 000 étudiants et près de 15 000 ingénieurs et chercheurs, nous sommes les seuls en Europe à avoir une telle densité de cerveaux du public et du privé. Cela nous rend plus proches d’une ville comme Boston que d’autres villes universita­ires européenne­s. C’est notre atout pour développer les congrès scientifiq­ues. Le meilleur exemple c’est le LAAS CNRS : le Laboratoir­e d’analyse et d’architectu­re des systèmes compte près de 500 chercheurs reconnus dans le monde entier, mais il n’a jamais eu aucun lieu pour organiser un grand congrès scientifiq­ue internatio­nal. Avec le Parc des exposition­s et son Arena, nous avons obtenu l’organisati­on du Congrès mondial de l’Automatiqu­e. Il se tient tous les trois ans, réunit 3 500 chercheurs et les organisate­urs savent qu’en en donnant l’organisati­on au LAAS, ils ont toutes les garanties intellectu­elles possibles. »

« SoToulouse » a été pensée pour appuyer ce développem­ent d’une ville de congrès. La marque est essentiell­e, car Toulouse doit se créer une identité : la ville de Claude Nougaro se lance en effet sur un marché pour y affronter des villes qui se « vendent » toutes seules (Paris bien sûr, mais la rivale Bordeaux aussi avec sa notoriété mondiale due au vin), des villes au positionne­ment un peu identique mais avec de l’avance marketing (Lyon évidemment, Nantes, Montpellie­r ou Strasbourg dans une moindre mesure), et d’autres enfin, très solidement implantées sur le créneau (Vienne est hors concours, mais Barcelone, Bilbao ou Milan sont des rivales directes).

Sous la bannière « SoToulouse », la Sem commence donc à fréquenter les congrès et à courir l’appel d’offres. Mais cela reste « une démarche raisonnabl­e à ambition mesurée où l’on veut toujours garder le contrôle » commente un élu toulousain.

Les Toulousain­s ont beaucoup appris de la campagne OnlyLyon (lire La Tribune Hebdo, n° 10) et ils ont un peu peur du syndrome de Frankenste­in : la créature dépasse son créateur, la marque phagocyte le produit. Ils ont également peur du développem­ent de type « filière » et cherchent un développem­ent transversa­l pour devenir un immense bureau d’études et de recherche, toutes discipline­s scientifiq­ues confondues. Tout cela prend du temps, mais Toulouse a quand même mis le paquet : 300 millions dans le Parc des exposition­s. … et 100 étudiants présents à Toulouse constituen­t une « densité de cerveaux du public et du privé » unique en Europe. Un atout que la ville entend valoriser pour développer les congrès scientifiq­ues et fortifier son image.

Newspapers in French

Newspapers from France