America is (presque) back…
Il y a quelques années, on ne donnait pas cher de l’Amérique. Engluée dans deux guerres interminables, en Irak et en Afghanistan, submergée par un déficit abyssal, concurrencée par les produits venant de Chine, pénalisée par des coûts de l’énergie très élevés, dépendante du gaz et du pétrole arabes et africains, tenue en respect par la Chine dans le bassin pacifique, travaillée par des courants politiques protectionnistes et ultraconservateurs, l’Amérique allait au tapis. La Corporate America elle-même était frappée au coeur de deux industries qui étaient pourtant le symbole de sa puissance et de son rayonnement, la banque et l’automobile. Pendant ce temps, de l’autre côté du Pacifique, l’étoile de la Chine montait au firmament et se préparait tranquillement à devenir, d’ici quelques années, la première puissance économique de la planète. Ainsi parlaient les prévisionnistes. Depuis quelques mois, voici venue l’heure des doutes sur ce scénario. Sur très longue période, qu’observet-on ? Les pays occidentaux n’arrivent à la hauteur de la zone Asie en termes de PIB (l’Inde et la Chine essentiellement) que dans la seconde moitié du xixe siècle, sous l’effet de la mécanisation et des apports de la rente coloniale. Puis ils dominent la scène jusqu’au début des années 2000, avec une très grande stabilité des États-Unis entre 1960 et 2000. Depuis le milieu de la décennie 1990, le poids de la Chine augmente au détriment de celle de l’Occident mais aussi du Japon. Ce sont des observations de longue période. Des signes commencent à montrer que le déclin de l’Ouest, et singulièrement des ÉtatsUnis, n’est pas aussi inéluctable qu’on le pensait. Certes, il y a le problème de la dette, 15 895 milliards
*** de dollars, soit plus de 100 % du PIB, qui a valu aux États-Unis la perte de son AAA l’année dernière. Mais pour le moment, malgré le fait que la Chine ait stabilisé ses achats, cette dette ne semble pas difficile à financer, si l’on en juge par le niveau des taux sur les bons du Trésor américains. En termes de gestion macroéconomique, elle représente néanmoins un handicap de poids, car elle limite le montant des incitations à l’activité que le gouvernement pourrait déployer. Or ce soutien est nécessaire pour combattre un chômage chronique qui atteint un niveau que les États-Unis ont rarement connu. Pour autant, cette situation budgétaire, pour aussi dégradée qu’elle soit, n’est pas le seul critère à prendre en compte pour juger du potentiel de redressement de l’économie américaine. Comme le montre notre enquête, depuis la crise de 2008, 2009, la Corporate America a entrepris un vigoureux effort de restructu-