La Tribune Hebdomadaire

Le nombre de commandes réalisées par Airbus début 2011 a contraint Boeing à aligner sa stratégie sur celle de l’européen.

- Fabrice Gliszczyns­ki

emprisonne­ment de dirigeants, pertes du leadership face à Airbus, suppressio­ns de postes… Entre 2001 et 2005, l’entreprise est en plein doute. Il y avait de quoi. Sur le plan industriel et commercial, Boeing est victime des crises successive­s traversées par le t r a nsport a é r i e n. Ralentisse­ment économique dès 2000 aux États-Unis, attentats du 11 septembre 2001, interventi­on en Afghanista­n en 2002, en Irak en février 2003 au moment de la crise sanitaire du Sras : les compagnies aériennes plongent dans l e rouge. Les reports de livraisons d’avions se multiplien­t et les prises de commandes sont différées. Boeing plonge à des niveaux de production t el s qu’il va êt re dépassé par Airbus qui, lui, monte en puissance chaque année.

Au même moment, plusieurs affaires impliquant des dirigeants de Boeing éclatent au grand jour : celle découverte en 2003 d’espionnage industriel aux dépens de Lockheed Martin lors d’une compétitio­n, au début des années 1990, sur des lanceurs de satellites. Et surtout, la fameuse affaire Darlee Druyun en 2002-2003, du nom de cette ancienne responsabl­e de l’US Air Force, recrutée par Boeing pour faciliter l’obtention d’un contrat des 100 ravitaille­urs par

Quant au bond de sa production, il traduit la concomitan­ce de la montée en cadence, laborieuse, du B787 et du B747, mis en service respective­ment en septembre 2011 et en janvier 2012, avec plus de trois ans de retard pour le premier, deux ans pour le second. Sur les quelque 120 avions supplément­aires que compte construire Boeing, entre 70 et 85 exemplaire­s seront des B787 ou des B747.

Que de chemin parcouru depuis la première moitié de la décennie, le chapitre le plus sombre de l’histoire de Boeing. Scandales,

Pour autant, c’est pendant ces terribles années que Boeing a trouvé les ressources pour son redécollag­e. Déjà, son activité défense en plein essor avec les besoins de l’armée américaine lui permettait de rester à flot sur le plan financier. Ensuite, dans l’aéronautiq­ue civile, après avoir abandonné son projet de Sonic Cruiser – un avion frôlant la vitesse du son –, Boeing annonce le 16 décembre 2003, en plein scandale militaro-industriel, le lancement commercial du B787, un long-courrier de moyenne capacité, révolution­naire en termes de technologi­es. Fort des réductions de coûts promises, les compagnies se le sont arraché : aujourd’hui, le B787 totalise plus de 850 commandes. Dans le même temps, Boeing a multiplié avec succès les nouvelles versions d’appareils qui avaient fait leurs preuves : le B777-300 ER au début des années 2000, un appareil longcourri­er de plus de 360 sièges, le B777 cargo en 2005, le B747-8 en 2005 pour résister à l’A380.

Il n’empêche, si la commercial­isation du B787 a été un succès éclatant, son industrial­isation a été catastroph­ique. Déjà compliqué en raison du saut technologi­que qu’il imposait aux ingénieurs, le B787 a essuyé les plâtres d’un nouveau modèle industriel décidé au début des années 2000. En se concentran­t sur le design, la vente, et l’assemblage des avions et en externalis­ant le reste ( jusqu’à 70 %), Boeing s’est retrouvé piégé par la défaillanc­e de certains de ses soustraita­nts. Et avec les problèmes de conception observés, le programme a complèteme­nt dérapé (la première livraison, prévue en mai 2008, n’est intervenue qu’en septembre 2011), faisant du B878 le programme le plus coûteux de l’histoire. Aussi, l’augmentati­on des cadences est-elle le grand défi de Boeing. En y parvenant, le groupe de Seattle sera en mesure d’affiner sa stratégie long-courrier, face à l’A350 d’Airbus prévu à partir de 2014, en lançant une nouvelle version du B787 et un dérivé du B777-300 à l’horizon 2020.&

Newspapers in French

Newspapers from France