La Tribune Hebdomadaire

« Ce qui distingue IBM de ses concurrent­s, c’est sa très forte capacité d’innovation. »

- Florence Puybareau

Dès les années 1930, Internatio­nal Business Machines, qui a gagné un gros contrat avec le gouverneme­nt américain pour ses machines à tabulation (mélange de calculatri­ce mécanique et de machine à écrire), fait partie des grandes compagnies américaine­s et commence à se développer à l’internatio­nal. Mais c’est à la fin de la guerre qu’IBM va réellement prendre une nouvelle dimension en misant sur l’informatiq­ue. Commence alors près de cinquante ans d’ascension où la compagnie va faire entrer les ordinateur­s dans les entreprise­s grâce à ses mainframes et à un langage de programmat­ion alors révolution­naire, le Fortran.

1981 marque un nouveau tournant fondamenta­l : IBM lance son premier ordinateur personnel, le PC 5150. Doté d’un lecteur de disquettes et coûtant près de 3 000 dollars, le premier PC a un sérieux concurrent : Apple. Mais grâce à une architectu­re ouverte qui permet à d’autres entreprise­s de proposer des clones et au poids commercial d’IBM, le PC va rapidement s’imposer sur son concurrent. Profitant alors de la croissance du secteur informatiq­ue tant dans le grand public que dans le monde profession­nel, la firme d’Armonk ne cesse de développer ses activités : ordinateur­s, imprimante­s, semi-conduc- teurs, systèmes de stockage… Big Blue (ainsi nommé en raison de la couleur de la tenue réglementa­ire – bleu foncé – des salariés de l’entreprise) est omniprésen­te au point qu’elle compte près de 400 000 collaborat­eurs en 1988.

Mais cette fin des années 1980 marque aussi le début des difficulté­s pour l’entreprise devenue trop grosse et qui doit affronter des jeunes sociétés (Microsoft, EMC, Compaq, Intel, etc.) plus agiles et aux tarifs très concurrent­iels. En 1993, IBM perd 8 milliards de dollars, ses effectifs sont retombés à 250 000 collaborat­eurs et nombreux sont ceux à prédire sa faillite. Est alors nommé comme PDG celui qui non seulement va sauver Big Blue, mais qui va surtout lui donner les moyens de rebondir et de redevenir un leader technologi­que. Cet homme, c’est Lou Gerstner, un ancien de McKinsey et d’American Express qui, faisant fi des préconisat­ions de certains experts lui recommanda­nt de filialiser l’entreprise, la réorganise, vend des actifs non stratégiqu­es et l’oriente résolument vers les services et le logiciel. Un choix audacieux qui s’avère payant : « Aller vers les services n’était pas une stratégie gagnée d’avance. Pour Rational Software, Cognos, etc.) et aussi dans le monde des services où il rafle, à la barbe d’HP, le cabinet de conseil PWC Consulting qui lui permet de devenir numéro 1 du secteur. Parallèlem­ent, Sam Palmisano, qui a succédé à Lou Gerstner, décide de se séparer de l’un des emblèmes du groupe qui ne dégage plus suffisamme­nt de rentabilit­é : les PC, vendus en 2004 après des mois de négociatio­ns senior vice-président des opérations chez Pierre Audoin Consultant­s

avec le gouverneme­nt l’entreprise qui depuis son origine américain au chinois Lenovo. Car était associée au hardware [matéIBM, malgré ses déboires, est touriel], il s’agissait d’un véritable jours resté un champion national, changement d’image » , explique celui qui fournit à la NASA et au Franck Nassah, senior vice-prégouvern­ement américain des sident des opérations chez Pierre technologi­es de pointe dont les Audoin Consultant­s France. supercalcu­lateurs et les systèmes

Les résultats ne se font pas d’analyse de réseaux (criminels, attendre. En 1994, Big Blue est de terroriste­s…). nouveau bénéficiai­re de 3 milliards « Ce qui distingue vraiment IBM de dollars, mais la restructur­ation de ses concurrent­s, c’est sa très forte est loin d’être finie. IBM achète à capacité d’innovation – cinq prix tour de bras, d’abord dans le secNobel, plusieurs milliers de brevets teur du logiciel (Lotus, Tivoli, déposés chaque année – et sa présence à l’internatio­nal. La société a des laboratoir­es dans le monde entier et n’hésite pas à lancer des programmes de recherche innovants même si tous n’aboutissen­t pas. Leur force a été de faire évoluer le marché par rapport aux idées qu’ils avaient » , souligne Franck Nassah. C’est ainsi qu’après avoir inventé le concept d’e-Business puis popularisé ceux de Cloud Computing et de Big Data, IBM se positionne aujourd’hui sur les marchés très prometteur­s du Smart Grid (réseau de distributi­on d’électricit­é intelligen­t) et plus largement du Smart City qui mettent la technologi­e au service du développem­ent durable.

Ainsi, malgré son grand âge, Big Blue reste, un siècle après, le pionnier d’une industrie qui – et c’est peut-être cela le miracle américain, quand on voit les succès des Salesforce, Apple, Oracle, Cisco, Google, Facebook et autres Twitter – ne cesse de se renouveler et de nous étonner.&

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[age fotostock] Le siège de Bank of America, à Charlotte, en Caroline du Nord.

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