La Tribune Hebdomadaire

Les dettes publiques espagnoles et italiennes totalisent 2 800 milliards d’euros, soit près de six fois le MES.

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Angela Merkel a perdu une bonne partie de sa crédibilit­é aux yeux des Allemands au cours du dernier sommet européen. » Ce jugement sévère, émis par le rédacteur en chef d’un influent magazine économique allemand, donne une assez bonne idée des « marqueurs » que les Allemands utilisent pour évaluer les projets de réforme de l’Union européenne et de la zone euro. Pourquoi une analyse aussi négative ? Pour une partie de l’opinion, le fait que la chancelièr­e allemande ait accepté que le Mécanisme européen de stabilité (MES) soit autorisé à recapitali­ser les banques espagnoles directemen­t (avec des conditions jugées trop molles), que cette dette ne soit pas « senior », et que le MES puisse acheter de la dette souveraine sur les marchés s’apparente à cette mutualisat­ion qui ne dit pas son nom que l’Allemagne craint tellement. « Ce sont des euro-obligation­s qui ne disent pas leur nom » , commente même ce journalist­e…

Du côté français, nous fûmes prompts à saluer l’habileté de la manoeuvre de François Hollande, réussissan­t à arracher l’accord sur un plan de relance à 120 milliards d’euros. Si l’on y regarde de plus près, les mesures qui figurent dans ce plan sont sur la table de la Commission et des gouverneme­nts depuis des mois, leur délai de mise en oeuvre est long, leur efficacité réelle en débat. Et le président français a, du coup, accordé à cet accord les apparences d’une « renégociat­ion » du traité budgétaire, ce qui a satisfait l’Allemagne, qui ne souhaitait à aucun prix rouvrir le débat sur un traité qu’elle vient de ratifier. Reste que la promptitud­e avec laquelle la France a rallié le camp de l’Italie et de l’Espagne au cours de la négociatio­n est interprété­e chez les observateu­rs économique­s allemands comme le signe que la France a définitive­ment rejoint le camp des pays du Sud, conclusion pour le moins exagérée… Cette personnali­sation à outrance des enjeux européens, si elle est populaire dans les opinions publiques des pays concernés, revient le plus souvent à masquer les véritables enjeux. Le but n’est pas tellement de savoir qui a marqué des points ou qui en a perdu, mais plutôt de constater si oui ou non les gouverneme­nts européens parviennen­t à se mettre d’accord sur des dispositio­ns fiables, pérennes et de nature à faire revenir la confiance chez les investisse­urs internatio­naux.

Dans la réalité que s’est-il passé exactement à Bruxelles ? Deux avancées réelles, mais qui ne sont tion avait été prise plus tôt, l’Irlande se serait retrouvée dans une situation bien différente… Mais le principe de la rétroactiv­ité de cette capacité nouvelle du MES pourrait être d’un grand secours pour Dublin. Pour autant, ce n’est pas la martingale. Le MES est financé par les États de la zone euro (dont 190 milliards d’euros par l ’A l l e magne, 142 milliards par la France, 125 milliards par l’Italie et 83 milliards par l’Espagne), ce qui ne rompt donc pas tout lien entre risque bancaire et risque souverain. Sa capacité d’interventi­on est de 500 milliards d’euros, ce qui est notoiremen­t trop faible pour refinancer à la fois les banques espagnoles, grecques et irlandaise­s, prêter à Malte et à la Slovénie et le cas échéant aider l’Espagne et acheter des obligation­s souveraine­s italiennes. À elles seules, les dettes publiques espagnoles et italiennes totalisent 2 800 milliards d’euros, soit près de six fois la taille du MES… Comme le notait Wolfgang Münchau dans le Financial Times, « Mario Monti a peut-être obtenu l’accord qu’il fallait sur le plan politique, mais s’il voulait réellement sauver le MES, pas définitive­s. La première est que le MES ait été autorisé à recapitali­ser directemen­t les banques des pays de la zone euro en difficulté. Un certain nombre d’économiste­s (dont Jean Tirole dans nos colonnes) ont attiré depuis quelques mois l’attention des gouverneme­nts sur le fait que le risque bancaire et le risque souverain se confondaie­nt aux yeux des investisse­urs et que cette situation risquait d’entraîner une paralysie du système bancaire européen : une banque en difficulté recapitali­sée par son pays d’origine revient à transférer le risque sur le pays en question, sans bénéfice pour la banque… Si cette disposi-

(memorandum of understand­ing) avec la Commission et l’acceptatio­n d’un monitoring de la Troïka…

Pour le reste, il faudra attendre, et notamment sur les nouvelles règles de gouvernanc­e de la zone euro, mais aussi sur les mécanismes de mutualisat­ion de la dette souveraine en Europe. On comprend que les investisse­urs n’aient guère été enthousias­més plus de quelques heures, même si leurs attentes étaient modestes. Dans son édition du 2 juillet, le Wall Street Journal a interrogé deux grands investisse­urs sur les perspectiv­es de la zone euro. Pour Jim McDonald de Northern Trust (717 milliards de dollars sous gestion), les gouverneme­nts « continuero­nt à faire le moins possible de ce qu’ils peuvent faire, et cela marchera probableme­nt pour toute l’année prochaine et certaineme­nt une année supplément­aire, et en attendant nous sous-pondérons les actions de la zone » . Pour Jack Albin de Harris Private Bank à Chicago (60 milliards de dollars sous gestion), les gouverneme­nts européens « peuvent continuer à jouer ce jeu pour encore deux ans et ensuite l’euro pourra disparaîtr­e avec un petit gémissemen­t, ce qui ne serait pas catastroph­ique. Les marchés n’aiment pas les surprises, et ce qui arrive en ce moment à la zone euro ressemble à une catastroph­e de chemin de fer à petite vitesse » .

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