Plans sociaux dans le mobile : et si Free avait bon dos ?
SFR et Bouygues Telecom préparent des plans de départs volontaires, justifiés par la baisse des prix et les pertes de clients dues à l’arrivée de Free mobile.
Restaurer ou sauvegarder la « compétitivité » . C’est l’expression employée par la direction de SFR et par celle de Bouygues Telecom pour justifier les plans sociaux que les deux opérateurs vont mettre en oeuvre dans les mois à venir après l’arrivée tonitruante de Free Mobile. La filiale de Bouygues a présenté mardi en comité central d’entreprise un plan de départs volontaires portant sur 556 postes et s’est engagée à ne procéder à « aucun licenciement » . Le troisième opérateur mobile français qui emploie 9 800 personnes, rappelle dans un communiqué qu’il « avait déjà annoncé que le développement des offres “low cost” et la guerre des prix rendue possible par les conditions offertes au 4e opérateur [Free Mobile] conduiraient à une baisse de son chiffre d’affaires, une dégradation de sa rentabilité et de son cash-flow » . Discours quasi identique chez SFR. Le nouveau PDG de SFR, Stéphane Roussel, a expliqué mardi aux représentants du personnel en comité d’entreprise « qu’une transformation en profondeur était nécessaire pour restaurer la compétitivité de l’entreprise » , raconte un cadre de l’opérateur. Un plan de départs volontaires est, selon Stéphane Roussel, « inéluctable » , en raison du « séisme Free » . « Il paraît que nous avons perdu 1 million de clients, en brut sans doute, quand on nous disait 600 000 il y a trois semaines », rapporte un délégué syndical. « Les chiffres présentés nous rendent un peu plus pessimistes sur les suppressions d’emploi, nous allons revoir nos estimations, largement au-delà de 500 » , explique Olivier Lelong, de la CFDT. Stéphane Roussel a promis que ce plan social, dont il n’a pas précisé l’ampleur et qui ne sera présenté qu’en novembre, serait « exemplaire » . Les syndicats redoutent un impact de l’ordre de 10 % des effectifs (10 245 à fin 2011).
Aux yeux de la CGT de SFR, « ce projet de plan est infondé et dangereux non seulement pour les salariés mais aussi pour la performance de l’entreprise et au-delà le développement des télécoms en France » . S’ils considèrent que « SFR traverse une tempête » , ils relèvent que « l’arrivée de Free n’est qu’une anecdote » dans l’histoire de l’opérateur, martelant que « le problème de l’entreprise et du secteur » est la distribution de « dividendes supérieurs aux bénéfices ». Free Mobile est-il finalement le prétexte invoqué pour une réorganisation qui serait arrivée tôt ou tard ? « Ce plan de départ est fait pour des raisons d’affichage, car commercialement, on ne souffre pas tant que ça » , relève un cadre de SFR. La direction aurait-elle noirci le tableau, alors que, selon le discours officiel, la « vague » Free est retombée ? « Il y a un peu d’effet d’aubaine, tout n’est pas dû à Free Mobile. Ce dernier a cassé le confort dans lequel on vivait » , glisse une source syndicale. Certains analystes financiers s’interrogent eux aussi : et si Free Mobile servait de prétexte à un dégraissage envisagé depuis des mois dans un marché devenu mature et surtout de moyen de pression sur le gouvernement pour obtenir des allégements fiscaux ou réglementaires ? Chez Bouygues, l’heure est à la dramatisation : « Il faut assurer la pérennité de l’entreprise, sa situation économique s’est profondément dégradée, vous verrez lors de la publication des résultats semestriels fin août » , prévient un cadre de l’opérateur. Pourtant, le 15 mai, Bouygues affirmait n’avoir perdu que 210 000 abonnés au premier trimestre. Et, en février dernier, Martin Bouygues lui-même avait souligné que les charges de personnel ne représentaient que 12 % des coûts de l’opérateur. Un plan d’économies de 300 millions d’euros avait été alors engagé, axé sur les coûts commerciaux et les charges externes . Il ne sera ne semble-t-il pas suffisant. Bouygues Telecom précise uniquement que « les centres de relations clients et les boutiques » ne seront pas concernés par le plan de départs volontaires, « afin de maintenir le niveau de service à l’ensemble des clients » .