L’australie sera probablement le premier producteur mondial de gaz liquéfié d’ici une quinzaine d’années, à la place du Qatar. »
Elles sont importantes, notamment pour les pays producteurs de gaz, qui sont loin des centres de consommation. Une unité de production de GTL a déjà été construite par Technip au Qatar, avec Qatar Petroleum et la compagnie sud-africaine Sasol, et produit 33 000 barils/jour ; Shell vient d’y construire une usine d’une capacité de 140 000 barils/jour. On voit bien que les gaz de schistes ouvrent de nouvelles opportunités, que ce soit pour exporter le gaz sous forme de GNL (gaz naturel liquéfié), pour le transformer en GTL, pour diminuer les coûts de production de l’industrie pétrochimique, pour avoir accès à une énergie pas chère. Ces gaz de schistes ont permis la création de 600000 emplois aux États-Unis. En outre, dans certaines zones, ces schistes contiennent du pétrole, dont la production commence à se développer de façon significative. En partie grâce à ce pétrole de schistes, entre 2008 et 2011, la production de pétrole aux états Unis a augmenté de plus de 1,3 million de barils/jour.
vous néanmoins que les défenseurs de l’environnement soient inquiets devant la perspective d’exploiter le gaz de schiste en France ?
Naturellement. Mais il faut préciser plusieurs choses. La première, c’est que les accidents dont on a beaucoup parlé aux États-Unis ont concerné de très petites compagnies, dont l’expérience technique n’était pas suffisante. Vous remarquerez que, dans la très grande majorité des cas, l’exploitation de gaz de schistes aux États-Unis se réalise dans des c onditi ons s a t i s f a i s a nt e s . Concernant la France, il ne faut pas minorer les difficultés tech- niques que pose l’exploitation de ce gaz. Mais parlons-en, regardons le problème de façon objective. Ce n’est pas le patron de Technip qui vous parle, car notre groupe n’intervient pas dans cette étape de la chaîne, c’est le géologue. Mettons-nous autour d’une table. Examinons les exemples positifs, regardons à tête reposée s’il ne faut pas rénover le droit minier français et imaginer de nouvelles répartitions des revenus entre l’État, les sociétés exploitantes et les collectivités locales. Mais nous n’avons pas le droit d’ignorer ce sujet, qui peut nous donner accès à des ressources de long terme, moins polluantes, capables de redynamiser notre industrie. Nous avons intérêt à la diversification et à l’innovation.
tendances de fond observez-vous plus généralement dans l’industrie du gaz ?
La tendance la plus évidente est l’augmentation de la demande pour le gaz, notamment pour le GNL, particulièrement en Asie et en partie sous l’effet de la catastrophe de Fukushima. Cela modifie les perspectives pour un certain nombre de pays. Ainsi, l’Australie sera probablement le premier producteur mondial de gaz liquéfié d’ici une quinzaine d’années à la place du Qatar. Aujourd’hui, le Qatar produit environ 77 millions de tonnes de GNL par an, dans des unités dont un certain nombre ont été construites par Technip, au point qu’à un moment, nous avons employé plus de 72 000 personnes sur ces chantiers. En Australie, la logique est différente : il s’agit de développer des plates-formes flottantes de production de GNL, car les réserves sont éloignées des côtés et les coûts salariaux à terre sont élevés. Nous construisons aujourd’hui pour Shell la première unité flottante de GNL au monde : une plate-forme de 600 000 tonnes, soit plus de quinze fois le tonnage du Charles-de-Gaulle, de 488 mètres de long et de 80 mètres de large. Elle sera installée à 200 kilomètres des côtes et les méthaniers viendront s’y arrimer pour charger le GNL. Ce sera le plus grand objet flottant jamais ima- giné par l’homme, d’une technologie complexe puisqu’associant les techniques sous-marines d’exploitation du gaz au processus de liquéfaction et de stockage en surface. Une véritable révolution pour l’industrie de l’énergie ! C’est un coût de 5 à 6 milliards de dollars pour la seule partie flottante, et plus de 650 de nos ingénieurs travaillent aujourd’hui sur ce projet qui permettra, à horizon 2016-2017 de créer une capacité de production de 3,5 millions de tonnes de GNL par an. Et nous travaillons sur un deuxième projet que nous venons de remporter en Malaisie, avec la compagnie Petronas, pour produire environ 1,2 million de tonnes de GNL/an, à partir de gisements off-shore malaisiens.
signifie-t-il que le gaz est en train de changer de statut dans l’équilibre énergétique mondial ?
Je le crois. Autrefois, le gaz naturel était considéré comme une énergie d’appoint ou de transition, entre le pétrole et le nucléaire ou le nucléaire et les énergies renouvelables. Aujourd’hui, il devient une source d’énergie considérable. Depuis cinq ans, les réserves ont augmenté. En outre, elles sont réparties dans le monde de façon plus aléatoire que le pétrole, avec l’apparition dans le paysage de pays nouveaux comme l’Australie, que l’on peut considérer comme une zone géopolitiquement stable. Vous remarquerez que le nombre de pays producteurs augmente – nous sommes passés de 93 à 102 pays –, et qu’émergent des pays comme le Ghana ou le Mozambique.
Technip se positionne dans ce nouvel univers ?
Notre chemin est clair : nous prenons position en amont des projets, en apportant un contenu technologique fort, dans toute la filière énergétique, qu’il s’agisse de l’off-shore, de la pose de pipe-lines, de la fabrication de conduites flexibles, des technologies aval du raffinage et de la pétrochimie, et même plus récemment sur l’éolien en mer. En même temps, nous visons une implantation locale dans les pays où existent de forts enjeux énergétiques. Nous sommes un groupe multilocal, ce qui, pour moi, n’est pas synonyme de groupe multinational. Nous employons ainsi 3500 personnes au Brésil aujourd’hui, qui devient au pays majeur dans le domaine de la production de pétrole et de gaz grâce à ses gisements off-shore. Nous voulons constituer une colonne vertébrale de technologies mais rester dans un portefeuille de projets assez large (nous en avons plus de 3 000 aujourd’hui). Et nous sommes rassérénés de voir que l’ensemble de nos clients veut aller toujours plus loin avec nous…