La Tribune Hebdomadaire

Points positifs : un taux de chômage à 5,8 %, le plus bas de l’histoire, et une dette à seulement 37,5 % du PIB.

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baisse des taux, réductions des impôts et des charges sur l’industrie était parvenu à sauver le Brésil de la crise, pourquoi n’en est-il pas de même aujourd’hui ? « Parce qu’en 2011, le gouverneme­nt a fait une erreur de jugement en réduisant trop brutalemen­t la croissance », répond João Sicsú, économiste à l’Université fédérale de Rio de Janeiro. La préoccupat­ion était légitime : le Brésil est incapable de tenir durablemen­t une croissance de 7,5%. Le manque de main-d’oeuvre qualifiée et la pauvreté des infrastruc­tures provoquent des goulots d’étrangleme­nts et, partant, un regain d’inflation et des importatio­ns, qui viennent compenser le manque de production locale. Mais Brasilia a eu la main trop lourde, avec une augmentati­on agressive du taux d’intérêt, 50 milliards d’euros de dépenses de l’État gelés et une réduction du volant de crédits du BNDES, la banque publique d’investisse­ment. « En cassant la croissance, le gouverneme­nt a généré un climat de pessimisme au sein des entreprise­s, et c’est dans ce contexte que le Brésil a commencé à souffrir des effets de la crise européenne » , poursuit João Sicsú. Comme en 2008, le gouverneme­nt compte sur les politiques contracycl­iques pour relancer l’activité. « Le problème, c’est que ces mesures ne fonctionne­nt que si l’entreprene­ur a confiance en l’avenir, sinon, il n’investit pas » , conclut l’économiste. Par ailleurs, le mais ne changent pas la situation globale du secteur. Reconnaiss­ant que le problème de compétitiv­ité va aujourd’hui au-delà de la question du taux de change, la CNI plaide pour des réformes structurel­les, avec une réduction des charges fiscales et une forte augmentati­on des investisse­ments en infrastruc­ture.

Ces dernières restent en eff et le talon d’Achille du Brésil. À peine 10 % des routes brési l i e nnes s ont pavées, les 30 000 kilomètres de chemin de fers sont sous-utilisés, les ports sont engorgés, et les aéroports, dépassés. En 2011, pour la première fois, l’investisse­ment total (public et privé) a connu une croissance supérieure à celle de la consommati­on, et le mouvement devrait se poursuivre cette année. Une bonne nouvelle, selon Roberto Messenberg, économiste à l’Institut de recherche économique appliquée (Ipea), qui regrette toutefois la lenteur : « Le taux d’inves- modèle économique des dix dernières années, fondées sur une expansion de la consommati­on des ménages à crédit est peut-être en train de toucher ses limites : 8% des personnes endettées ne parviennen­t plus à rembourser, un record.

Les plans de relance du gouverneme­nt sont-ils efficaces ? Pour la Confédérat­ion nationale de l’industrie (CNI), ils limitent la casse, tissement au Brésil est aujourd’hui de 20 %, il faudrait qu’il atteigne 25 % pour permettre une croissance soutenable » .

Pour ce faire, il estime que le gouverneme­nt doit faire un geste fort, en augmentant sensibleme­nt l’investisse­ment public. C’était en théorie l’objectif du Programme d’accélérati­on de croissance (PAC), élaboré par Lula et repris en main par Dilma, mais il affronte d’importants retards. Entre janvier et mai 2012, seuls 15 % des 16,5 milliards de dollars alloués au programme cette année avaient été déboursés.

L’origine des atermoieme­nts du gouverneme­nt fédéral n’est pas claire : « Ce sont peut être des problèmes politiques, un excès de centralisa­tion, trop de contrôles, pas assez de personnel… » , analyse João Sicsú. Pour lui, il faudrait décentrali­ser l’investisse­ment, et inciter les états régionaux et les villes à dépenser, quitte à renégocier leurs dettes avec le pouvoir central. C’est en partie le chemin choisi par Dilma Rousseff, qui vient d’annoncer que le BNDES mettait 10 milliards de dollars remboursab­les sur vingt ans à dispositio­n des états régionaux afin qu’ils investisse­nt dans le secteur des transports.

Reste à savoir si ce dernier plan de relance dessine une reprise en main de la question de la productivi­té brésilienn­e, ou s’il est dicté par des considérat­ions électorale­s, à quelques mois des élections municipale­s d’octobre. Contrairem­ent à ses collègues européens, Dilma Rousseff est en bonne situation pour mettre en place des réformes. Même si la création d’emplois faiblit, elle reste positive, et le taux de chômage, à 5,8 % est le plus bas de l’histoire.

Les marges de manoeuvre budgétaire­s sont réelles, avec une dette représenta­nt à peine 35,7 % du produit intérieur brut. Surtout, la popularité de la présidente est au plus haut : fin juin, 77 % des Brésiliens plébiscita­ient son action. Il ne reste plus qu’à attendre la Coupe du monde de football en 2014…

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