Réforme de la protection sociale : qui paiera ?
Le financement de la protection sociale sera réformé en 2013, a annoncé Jean-Marc Ayrault. Objectif : baisser le coût du travail. Une réforme qui devra se faire à coût constant pour les finances publiques.
La hausse de la CSG, pour quand? Le bruit médiatique peut donner l’impression que la décision est prise, ou presque. Mais le gouvernement a son calendrier : le Haut Conseil du financement de la protection sociale sera saisi du sujet en septembre et remettra son rapport au premier trimestre, a annoncé le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, en clôture de la conférence sociale, mardi. Alors, « le gouvernement engagera une concertation avec pour objectif une réforme législative en 2013 » . Autrement dit, la CSG, si elle est augmentée, ne le sera pas avant la mi-2013. François Hollande, devant cette conférence sociale, n’a pas prononcé les trois fameuses lettres, CSG, qui occupent l’actualité et l’appel de Louis Gallois (l’ancien patron d’EADS s’est vu confier une mission sur la compétitivité des entreprises) à un transfert important des cotisations sociales sur cette contribution, suivi de l’approbation prudente de Pierre Moscovici. Mais le président a redit son souhait d’une réforme du financement de la protection sociale. Une réforme visant à faire moins reposer le financement de la protection sociale sur le seul travail, qui inclurait donc la hausse de la CSG. Le 26 avril, sur France 2, le candidat socialiste avait évoqué l’idée de « taxer les machines ». « Quand on embauche un salarié, on paie des cotisations supplémentaires, avait-il souligné. Mais si on le remplace par une machine, on ne paie plus rien. Il ne faut plus que ce soit le cas. » C’est là l’idée d’instaurer une contribution assise sur la valeur ajoutée, en lieu et place d’une partie des cotisations patronales assises sur les seuls salaires. Autant de pistes qui soulèvent de nombreuses questions. Sachant qu’un principe de base a été affirmé par le gouvernement : la réforme de la protection sociale aura lieu à rendement constant pour les finances publiques. Autrement dit, tout ce que certains acteurs paieront en moins, à l’issue de la révision du système, d’autres devront l’assumer. Qui paiera, finalement ? « Jamais le gouvernement n’augmentera la CSG sur les retraités. L’opération CSG compétitivité, qui repose sur une augmentation de leur contribution, fera donc un flop » , estime un expert proche de la droite. De fait, la question des revenus des retraités est politiquement ultrasensible. Olivier Ferrand, le fondateur de Terra Nova décédé récemment, ne s’était pas fait que des amis au PS en préconisant une augmentation de la CSG sur les revenus des personnes âgées. Il avait des arguments : les retraités, gros consommateurs de soins, bénéficient d’une CSG – finançant pour l’essentiel l’assurance-maladie – d’un taux minoré. Elle est de 6,7 % si l’on inclut la CRDS, contre 8 % pour les salariés et les autres actifs. Les retraités non redevables de l’impôt sur le revenu ont droit à un taux encore plus faible, de 3,8 %. Mais les arguments d’Olivier Ferrand n’ont jamais réussi à passer la barrière de la décision politique… Comment, dans ce cas, mettre en oeuvre une CSG compétitivité ? L’idée est de baisser les cotisations payées par les employeurs, afin de relancer la compétitivité des entreprises, et d’augmenter en contrepartie la CSG. Mais les salariés ne seraient pas impactés, via un nouveau système de calcul des prélèvements sociaux. Qui financerait, alors la baisse des cotisations patronales ? Les revenus du capital représentent 11,3 % des recettes de CSG ; les revenus de remplacement (retraites et certaines allocations chômage) 17,9 %, selon le dernier rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale. La base principale de cet impôt reste donc les salaires et autres revenus d’activité, à hauteur de 70,2 %. Si un mécanisme est mis en place pour que les salariés ne financent pas la réforme, ce sont donc les retraités et ceux qui perçoivent des revenus du capital qui paieraient. Il s’agit donc là d’une base relativement étroite, ne représentant que 29,2 % de l’assiette de la CSG. Ces deux catégories de revenus seraient fortement impactées. L’obstacle politique, s’agissant surtout des retraités, est d’autant plus important. Et il semble impossible de faire reposer toute la réforme sur la seule hausse de la taxation des revenus de l’épargne. S’agissant de la création d’une contribution sur la valeur ajoutée, les économistes soulignent à quel point elle risque d’avoir des effets négatifs. À court terme, le fait de moins taxer les salaires pourrait avoir un effet bénéfique sur l’emploi. Mais à moyen terme, la taxation accrue du capital productif nuirait à l’investissement et pénaliserait l’industrie, gourmande en capital. Difficile à envisager aujourd’hui…&