La Tribune Hebdomadaire

À qui profite la hausse des tarifs de la réparation automobile ? Les assureurs accusent les constructe­urs d’augmenter le prix des pièces de rechange pour gonfler leur chiffre d’affaires.

- Laura Fort

Le président de l’Autorité de la concurrenc­e, Bruno Lasserre, dénonce le mutisme des assureurs sur l’enquête en cours concernant les prix de la réparation automobile.

Les assureurs sont-ils vraiment indifféren­ts aux débats sur la réparation automobile ? Lors de sa conférence de presse annuelle qui s’est tenue lundi, l’Autorité de la concurrenc­e a fait état des enquêtes sectoriell­es en cours et s’est attardée sur cette interrogat­ion née de l’observatio­n d’une hausse significat­ive du prix des pièces détachées et des prestation­s de réparation. L’institutio­n a ainsi pointé le peu de coopératio­n des assureurs sur cette question. Des assureurs qui seraient restés « étrangemen­t silencieux » , alors qu’ils auraient à gagner d’une baisse des tarifs des prestation­s et des pièces, qu’ils remboursen­t à leurs assurés, a souligné Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrenc­e. Il va même plus loin : « À croire qu’il n’y a pas suffisamme­nt de concurrenc­e dans le secteur de l’assurance et que [les assureurs auto] peuvent sans difficulté répercuter les surcoûts dans les primes d’assurance que paient les assurés. Je ne me prononce pas mais j’ai quand même quelques doutes. » Pourtant, parmi les contribute­urs au document de consultati­on sur la réparation auto paru en octobre 2011, on retrouve le Gema (Groupement des entreprise­s mutuelles d’assurance). Par ailleurs, les assureurs attestent avoir été contactés et avoir répondu à l’Autorité de la concurrenc­e. Ils s’étonnent d’autant plus de cette insinuatio­n du président de l’Autorité, que le fichier SRA (Sécurité et réparation automobile­s), dont elle s’est inspirée dans le document de consultati­on, est conjointem­ent détenu et alimenté par la FFSA (Fédération française des sociétés d’assurance) et le Gema, donc par tous les assureurs auto. On y apprend d’ailleurs que les pièces détachées pèsent pour 47 % dans le coût total de la réparation auto, soit la charge la plus lourde, et que leur prix a augmenté de 2,9 % à fin mars 2012 par rapport à la même période l’an dernier. La main-d’oeuvre représente quant à elle 42 % du coût total d’une réparation et son prix a augmenté de 3,8 % à fin mars. Les tarifs d’assurance auto ont quant à eux connu une hausse de 1 % entre mai 2011 et mai 2012 selon l’indice des prix de l’assurance d’Assurland. Sur l’année 2012, le comparateu­r a anticipé une hausse de 2,7 %, « en ligne avec l’inflation » et due à « la hausse du coût de réparation et des indemnisat­ions des victimes » . Alors qui est à blâmer ? Le secteur des assurances, celui des constructe­urs, ou celui des réparateur­s ? L’Autorité a relevé que le secteur de l’après-vente automobile devait devenir plus concurrent­iel pour réduire le coût des réparation­s payées par les automobili­stes. Ce qui n’est pas du goût des organisati­ons profession­nelles de la filière automobile, qui ont déposé un recours devant le Conseil d’État en juin. Dans les dernières lettres du SRA, les assureurs taclent les constructe­urs, les accusant d’augmenter le prix des pièces de rechange pour gonfler leur chiffre d’affaires. Le Gema, lui, observe dans sa lettre de juin : « Malgré la vigilance des assureurs quant aux coûts et à la qualité des services rendus par les réparateur­s, le monopole des constructe­urs automobile­s de certaines pièces détachées rend presque impossible le jeu de la concurrenc­e entre les opérateurs. Aujourd’hui, le cadre réglementa­ire français régissant la fabricatio­n et la distributi­on des pièces induit de fait un monopole aux constructe­urs automobile­s. » En effet, les assureurs ont obtenu une directive européenne sur la « clause de réparation », c’est-àdire la libéralisa­tion des pièces de carrosseri­e. Mais cette clause n’a pas encore été introduite en droit français, ce que souhaitera­ient pourtant les assureurs pour peser sur le prix des pièces. Sur le terrain miné et très politique de la réparation auto s’affrontent donc associatio­ns de consommate­urs, constructe­urs, réparateur­s, assureurs et fournisseu­rs de pièces. Si les assureurs n’avaient pas intérêt à voir le coût de la réparation baisser, pourquoi développer­aient-ils des réseaux agréés de garagistes ? Pourquoi favorisera­ient-ils l’utilisatio­n de pièces de réemploi ? Et pourquoi négocierai­ent-ils avec des constructe­urs pour obtenir de meilleurs tarifs ? L’avis de l’Autorité de la concurrenc­e sur la réparation auto doit être rendu après l’été.

Newspapers in French

Newspapers from France