La Tribune Hebdomadaire

Les vraies leçons du modèle scandinave

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Le modèle scandinave n’est pas vraiment un modèle en soi, c’est plutôt une suite expériment­ale d’essais et d’erreurs. C’est le résultat de l’augmentati­on des droits sociaux, qui a débuté dans les années 1970, selon un modèle utopique qui autorisait la progressio­n de transferts sociaux financés par des impôts toujours plus élevés. Ce modèle a échoué sous le poids des impôts et du chômage au début des années 1980 ; la réponse à cet échec a été une compétitio­n plus forte, des taux d’emprunts plus faibles et – dans le cas du Danemark – un régime de change restrictif. Ce fut l’histoire des années 1990 et 2000 en Scandinavi­e qui a permis à nos pays d’arriver devant la crise financière de 2007 avec des comptes publics excédentai­res et une dette publique de seulement 45 % du PIB. Cette crise a été un défi pour le modèle scandinave, mais ce qui restait de transferts sociaux a permis d’atténuer la hausse du chômage, et les excédents ont autorisé les États à mettre en place des plans de relance. Tout cela apparaît comme une politique très responsabl­e avant, pendant et après la crise. Mais il est aussi essentiel de prendre conscience des causes et des effets de celle-ci. Le modèle originel de l’État providence scandinave a échoué en raison de son fondement sur les transferts sociaux. Cette version de départ, ce modèle qui a échoué, est aujourd’hui celui qui règne en France, en Italie et en Espagne. Au regard de l’expérience scandinave, le «C lub Med » auquel la France appartient aujourd’hui est, à mon sens, sur le point d’échouer parce qu’il utilise le mauvais modèle – et non le modèle survivant. Lorsque ces modèles européens échoueront, et ils échoueront, il faudra avancer vers plus de compétitio­n, plus de privatisat­ions et vers un contrôle accru des dépenses publiques. Tout cela est de bon sens. Sauf évidemment si vous êtes syndicalis­te français ou président français. Lorsque vous regardez la Scandinavi­e, n’oubliez pas de regarder l’évolution du modèle et son résultat final. Mais ne pensez pas pour autant que le modèle actuel est à l’abri. Les pays nordiques vivent une bulle immobilièr­e massive, des déficits budgétaire­s qui se creusent et une absence de réformes supplément­aires. Nos pays et nos monnaies sont vus comme des havres de sécurités, ce qui abaisse les taux et renforce les monnaies à des niveaux qui ne sont pas soutenable­s à long terme. Cela va entretenir la bulle immobilièr­e et freiner les réformes structurel­les, puisque les déficits publics peuvent être financés à des prix artificiel­lement bas. Le plus important dans tout cela demeure peut-être l’utilisatio­n et le sens du mot bien-être (« welfare » ). Demandez à 100 personnes ce qu’il signifie et vous obtiendrez 101 réponses. Les politicien­s aiment promettre plus de bien-être sans le définir. Et les électeurs aussi en souhaitent plus, sans s’accorder sur son sens. Certains souhaitent même payer plus d’impôts pour le maintenir ou l’accroître, ce qui est étrange alors que les services publics ne cessent de se dégrader. L’Europe, tout comme la Scandinavi­e, a retourné la célèbre phrase du président Kennedy lors de son discours d’inaugurati­on et qui est devenue : « Ne vous demandez pas ce que vous pouvez faire pour votre pays, demandez ce que votre pays peut faire pour vous. » L’Europe est désormais une région où trop de personnes bénéficien­t des transferts sociaux, et sur la base d’un concept, appelé welfare, qui a échoué.

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