La Tribune Hebdomadaire

La leçon de krugman pour sauver l’europe

- Ivan Best

Dans son dernier livre, l’économiste américain Paul Krugman appelle à un changement radical de politique économique dans la zone euro. Il suggère de tout mettre en oeuvre pour faire remonter l’inflation, qui allégerait le fardeau des dettes et redonnerai­t de la compétitiv­ité aux pays du Sud.

e livre, qui sortira en France le 5 septembre, provoquera un choc. Alors que, selon toute probabilit­é, l’Europe sera encore plus clairement en récession qu’elle ne l’est aujourd’hui, Finissons-en avec cette crise… unifié – la mobilité des salariés est donc faible – et en l’absence de fédéralism­e budgétaire : aux ÉtatsUnis, souligne-t-il, quand un État plonge dans la récession, non seulement une partie des salariés vont ailleurs, mais ce n’est pas le budget de cet État qui assume la majorité des transferts sociaux vers les chômeurs, puisqu’il s’agit d’une compétence fédérale. Les conditions de la création de l’euro n’étaient donc pas réunies, et sa création a été une erreur, dans la mesure où, en provoquant une baisse artificiel­le des taux d’intérêt dans des pays comme l’Espagne, il a provoqué l’apparition de bulles financière­s – immobilièr­e, en l’occurrence –, insurmonta­bles. Celles-ci ont dopé artificiel­lement la croissance, faisant grimper les salaires bien au-delà du raisonnabl­e, compte tenu de la compétitiv­ité de ces économies. D’où, une fois la bulle éclatée, une économie en dépression, et l’apparition de déficits publics majeurs. Faut-il donc sortir de l’euro ? Ce serait trop lourd de conséquenc­es. Que faut-il faire, alors ? Si les déficits publics sont aujourd’hui vus comme le problème no 1 en Europe, si l’Espagne ou l’Italie sont sous la pression des marchés, c’est seulement parce que ces États n’ont pas de garantie de financemen­t de leur déficit par la Banque centrale, contrairem­ent à tous les pays empruntant dans leur propre monnaie (les déficits sont plus importants aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, mais nul n’a jamais entendu parler d’attaques des marchés). Il faut donc d’urgence que la BCE puisse acheter de la dette publique lors de son émission. Un principe évident, facile à mettre en oeuvre techniquem­ent, mais auquel les Allemands s’opposent mordicus.

En second lieu, renouer avec un peu d’inflation serait une bonne chose, avance Krugman. Elle n’aurait que des mérites, notamment en Europe, en permettant d’effacer une partie des dettes, en provoquant une baisse des taux d’intérêt réels (impossible, aujourd’hui, tant les taux nominaux sont faibles), et en faisant baisser les salaires réels, afin de redonner de la compétitiv­ité à des pays comme l’Espagne. Pour ce faire, la BCE devrait abandonner son objectif de 2 % de hausse des prix, et viser plutôt 4 ou 5 %. D’un point de vue technique, il lui suffirait de se livrer à des achats massifs de titres, afin d’injecter toute la liquidité possible dans l’économie. Ensuite, il ne faudrait pas hésiter à pratiquer la relance budgétaire. Cela suppose, en Europe, une forte mutualisat­ion des budgets, qui n’est pas encore à l’ordre du jour. Ce livre témoigne de la vitalité du débat économique aux ÉtatsUnis, où les keynésiens ont encore droit de cité. « En Europe, tout économiste remettant en cause les politiques suivies ou le fonctionne­ment des institutio­ns de l’Union est immédiatem­ent assimilé à un souveraini­ste », relève Jean-Paul Fitoussi, de l’OFCE. « Il y a une véritable autocensur­e européenne, on a honte d’y être keynésien. Cela explique l’absence de débat sérieux, alors qu’aux États-Unis celui-ci est toujours resté vivace. »

C’est quand l’économie est en plein boom qu’il faut pratiquer la rigueur budgétaire, et non quand elle s’enfonce. »

prix nobel d’économie

 ?? [Taylor Jones/caglecarto­ons.com] ?? Paul Krugman caricaturé dans la presse américaine. « Quelles dépenses ? » se demande-t-il, alors qu’on le montre se noyant dans des « projets de relance ».
[Taylor Jones/caglecarto­ons.com] Paul Krugman caricaturé dans la presse américaine. « Quelles dépenses ? » se demande-t-il, alors qu’on le montre se noyant dans des « projets de relance ».

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