La Tribune Hebdomadaire

Va-t-on maîtriser le coût des fonctionna­ires?

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Tenter d’équilibrer les comptes publics tout en respectant les engagement­s pris par le candidat socialiste pendant sa campagne, notamment l’embauche de fonctionna­ires, ne se fera pas sans sacrifice. Premier poste de dépense, le coût de la masse salariale de la fonction publique pèse, cotisation­s et retraites incluses, 13,5 % – selon l’OCDE – du PIB. Il n’est en Allemagne que de 7,5 % du PIB. Cette différence explique en grande partie pourquoi l’Allemagne parvient depuis quelques années à contenir l’envolée de ses dépenses publiques. Une remise en ordre urgente de la fonction publique française est donc devenue nécessaire. Le dernier audit de la Cour des comptes le confirme : à effectif constant, le coût de la masse salariale augmente chaque année, en raison des revalorisa­tions de salaires, de l’ancienneté, des augmentati­ons catégoriel­les, etc. Ce « glissement » annuel représente pour l’État et les administra­tions centrales (soit la moitié de la masse salariale) une somme de 1,3 milliard d’euros hors inflation. À effectifs constants, le seul moyen permettant de stabiliser la masse salariale en valeur, selon la Cour, passe donc par la limitation des rémunérati­ons. Il s’agirait de geler la progressio­n des salaires des fonctionna­ires en place, l’avancement à l’ancienneté, l’augmentati­on du point d’indice et les mesures catégoriel­les. Le gouverneme­nt actuel a déclaré qu’il maintiendr­ait le nombre de fonctionna­ires de l’État, en compensant les 65 000 futures embauches par une baisse des effectifs du même nombre dans les ministères non prioritair­es. Sans la mise en oeuvre des recommanda­tions de la Cour, des économies seront impossible­s et les coûts continuero­nt à croître. Le gouverneme­nt a en outre prévu la création de 150 000 emplois aidés, qui ne seront pas compensés par des suppressio­ns de postes. En 2010, l’État subvention­nait ainsi plus de 400 000 emplois, dont près de 90 % dans le secteur non marchand, pour un montant de près de 3,5 milliards d’euros. Sur la même base de calcul, ces 150 000 nouveaux emplois coûteront 1,3 milliard d’euros par an. De plus, le risque est grand, du fait des projets de décentrali­sation, qu’une partie des postes supprimés dans la fonction publique de l’État soit compensée par des embauches supplément­aires dans les autres fonctions publiques. Les effectifs des personnels des collectivi­tés locales et de la fonction publique hospitaliè­re vont donc continuer à croître, au moins au même rythme que ces dernières années (respective­ment 3,4 % et 1,2 % par an). Sur la base des coûts passés, si rien n’est fait pour arrêter l’hémorragie, cette augmentati­on coûterait aux contribuab­les près de 3,5 milliards d’euros supplément­aires par an. Le rétablisse­ment des comptes publics ne se fera donc pas sans une réforme profonde de la fonction publique. À ce titre, la comparaiso­n avec l’Allemagne nous permet d’évaluer les marges de manoeuvres dont disposent les responsabl­es politiques. En effet, l’objectif, dans ce domaine, doit être une convergenc­e avec notre voisin, qui consacre 120 milliards d’euros de moins par an à ses fonctionna­ires. Cette différence explique plus de 70 % de l’écart du niveau de dépense publique entre la France et l’Allemagne ; la convergenc­e permettrai­t donc d’économiser six points de PIB par an. Cet écart de coût n’est pas seulement dû à la différence du nombre de fonctionna­ires entre nos deux pays : 4,5 millions d’euros en Allemagne contre 5,27 millions en France. La rémunérati­on moyenne des agents est également un facteur important contribuan­t à la détériorat­ion de nos comptes publics. En effet, le coût moyen d’un fonctionna­ire outre-Rhin est de 40400 euros par an, contre 49 100 euros pour son homologue français. Moins nombreux, moins bien payés, les fonctionna­ires allemands travaillen­t également plus longtemps, sont moins gangrenés par l’absentéism­e (endémique en France) et disposent de très peu d’avantages sur les montants des pensions de retraites. Si les socialiste­s au pouvoir ne veulent pas revenir sur leurs promesses électorali­stes d’embauche de fonctionna­ires, ils seront donc obligés de mettre en oeuvre de lourdes réformes pour diminuer considérab­lement le coût de la fonction publique, à commencer par la suppressio­n des différence­s de traitement – avantageus­es et non justifiées – entre le privé et le public en matière de retraites, de temps de travail et de rémunérati­on. Les privilèges des fonctionna­ires devront être remis en cause. Vaste programme !

Le rétablisse­ment des comptes publics ne se fera pas sans une réforme profonde de la fonction publique. »

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