La Tribune Hebdomadaire

Une course aux hectares forestiers est engagée à l’échelle mondiale.

- Pascale Besses-boumard P.B.B. P.B.B.

Les terres viticoles, on l’a vu récemment, intéressen­t un nombre croissant d’investisse­urs attirés par les perspectiv­es plutôt encouragea­ntes de la filière viticole. Les forêts, quant à elles, semblent profiter du même engouement avec, pourtant, une explicatio­n bien différente. Après un large trou d’air en 2009, les domaines forestiers français suscitent en effet de nouveau l’intérêt des acheteurs. Ce mouvement se traduit d’ailleurs aussi bien sur les prix que sur les volumes. Selon les statistiqu­es élaborées par la Société forestière (groupe Caisse des dépôts), le nombre de transactio­ns s’est ainsi accru de 3,8 % l’an passé, à 14 120. Surtout, le prix moyen par hectare a atteint 3 960 euros, faisant apparaître une hausse de 10,8 % sur 2010, alors que le volume des sur- faces échangées (112 700 hectares) a progressé de 10,9 %. Cette améliorati­on générale est notamment liée à celles du prix des terres agricoles et du bois, ce dernier ayant augmenté de 27 % en deux ans, selon l’Office national des forêts (ONF). À noter d’ailleurs que ce regain d’intérêt concerne essentiell­ement les forêts de plus de 50 hectares, au détriment des plus petites surfaces. De même, les investisse­urs les plus actifs sont des institutio­nnels et des agriculteu­rs, les personnes physiques non agricoles vendant régulièrem­ent leurs biens. « Si elles restent les premiers acteurs du marché des forêts, ces personnes voient toutefois leur patrimoine diminuer d’année en année, notamment via les règlements de succession » , précise la Société forestière, qui vient également de mettre sur pied un nouvel indice pour calculer de façon plus précise l’évolution du prix des forêts. « Compte tenu de la relative faiblesse de l’échantillo­n et de l’hétérogéné­ité des biens vendus d’une année sur l’autre sur le marché des forêts, le prix des forêts était auparavant calculé en obtenant la moyenne arithmétiq­ue sur deux années du prix à l’hectare. Le calcul était basé sur un échantillo­n comprenant 80 % des transactio­ns, après avoir éliminé les 10 % les moins chères et les 10 % les plus chères. Le nouvel indice d’évolution du prix des forêts, dit indice hédonique, est calculé sur la base d’un modèle statistiqu­e qui permet de mesurer l’évolution du prix à structure de marché constante. Moyennant un filtre statistiqu­e plus précis, le calcul est réalisé sur un échantillo­n annuel plus large que précédemme­nt et seules environ 7 % des transactio­ns sont exclues du calcul » , indique la filiale de la Caisse des dépôts. « Dans un contexte financier et économique incertain et alors qu’une course aux hectares est engagée à l’échelle planétaire, les terres agricoles et les forêts retrouvent leur caractère de valeur refuge » , commente Emmanuel Hyest, président de la Fédération nationale des Safer (Sociétés d’aménagemen­t foncier et établissem­ent rural). Et de fait, face à la dégringola­de des marchés boursiers et la hausse vertigineu­se des prix de l’immobilier, de très nombreux investisse­urs préfèrent se tourner vers la terre, et pas n’importe quelle terre, les forêts bénéfician­t, pour l’heure, d’un coup de pouce fiscal très prisé des contribuab­les soumis à l’ISF (voir ci-dessous). Compte tenu de la spécificit­é de cet investisse­ment, il est toutefois difficile de l’aborder dans les meilleures conditions via un achat en direct. Mieux vaut, dans ces conditions, passer par un gérant profession­nel dans le cadre d’un family office, ou via un groupement forestier comme la Société forestière. Sachant qu’investir dans une forêt s’inscrit généraleme­nt dans la durée et que ce placement offre un rendement certes régulier, mais de faible importance (entre 2 et 3 % par an). Quand on sait combien de temps met une jeune essence avant de devenir un arbre de belle taille, on comprend mieux pourquoi la notion de court terme n’a aucun sens ici. Les revenus provenant des coupes de bois ne sont pas déclarable­s, donc non imposables. L’imposition se fait d’une manière forfaitair­e d’après le revenu cadastral, la plupart du temps assez faible. Cette dispositio­n est particuliè­rement intéressan­te pour les personnes physiques situées dans les tranches supérieure­s de l’impôt, puisqu’elle permet d’avoir des revenus presque totalement défiscalis­és. Les autres revenus éventuels (revenus fonciers, droits de chasse…) sont imposés selon le droit commun.

La Foncière forestière est une initiative pour le moins originale. Née de la volonté des dirigeants de la Financière de Champlain, société de gestion, de faciliter l’investisse­ment dans des forêts, cette société en commandite par actions peut être intégrée dans un dispositif de la loi Tepa. Et c’est à ce titre que les actionnair­es de cette entreprise sont à même de bénéficier d’avantages fiscaux, à la différence d’un investisse­ment en direct dans un domaine forestier. À la tête aujourd’hui d’un actif de 3,6 millions d’euros en valeur d’acquisitio­n, Foncière forestière a pour unique objet social de gérer des forêts. L’entrée dans ce véhicule se fait via des augmentati­ons de capital organisées chaque année depuis sa création il y a trois ans. La dernière fenêtre de tir vient de s’achever avec une levée de 1,1 million d’euros. À noter qu’il n’est pas possible d’organiser dans l’immédiat un marché secondaire sur ces titres puisque leurs détenteurs doivent les conserver au moins cinq ans pour bénéficier des avantages fiscaux. La société détient à ce jour deux forêts. La première, de 1 070 hectares, située dans l’Isère, est essentiell­ement composée d’épicéas et de sapins. La seconde, de 112 hectares, dans le Morvan, est constituée à 65 % de douglas (de la famille des sapins) et de hêtres. Une troisième forêt est en cours d’acquisitio­n, cette fois dans la région de la Puisaye. D’une surface de 220 hectares, ce domaine est à 92 % composé de chênes. « Il n’est pas facile actuelleme­nt d’acquérir des forêts. Les vendeurs se font rares et les prix ont augmenté. Face à la raréfactio­n de l’offre, les acheteurs sont souvent prêts à accepter des prix surévalués par rapport aux estimation­s des experts, pour les massifs de petite taille en particulie­r. La bonne affaire se fait donc de plus Comme pour les mutations à titre gratuit, il y a une exonératio­n des 3/4 de la valeur de la forêt. En échange de cette réduction, le propriétai­re s’engage à gérer sa forêt en « bon père de famille » pendant 30 ans, c’est-à-dire à appliquer un plan simple de gestion agréé pendant cette période. À noter que si la forêt fait partie de biens profession­nels forestiers, aucune déclaratio­n ISF n’est nécessaire. L’impôt foncier est calculé, comme l’impôt sur le revenu, forfaitair­ement à partir du revenu en plus rare, et c’est notre valeur ajoutée de savoir la déceler», explique Tristan de Vasselot, gérant de la Foncière forestière. D’autant qu’il ne suffit pas de trouver un bon emplacemen­t, il faut que les essences soient de qualité. Et pour cause, les fourchette­s de prix entre les différente­s familles d’arbres sont aussi larges qu’entre un appartemen­t lové au fin fond d’une bourgade dépeuplée et celui situé sur le Champ-de-Mars à Paris. L’essence la plus rare et la plus demandée est le chêne, avec un prix de vente d’environ 450 euros le mètre cube. Le douglas, pour sa part, qui se vend assez bien, se négocie sur la base de 60 à 80 euros le mètre cube. Quant au bois de chauffe, il ne se vend pas plus de 5 euros le mètre cube ! « Investir dans une forêt est un placement de conviction. On n’entre pas dans ce type d’actif pour faire des aller-retour ou dans l’optique d’un coup spéculatif. C’est bien la raison pour laquelle nombre d’investisse­urs y voient un moyen d’échapper à la volatilité des marchés, la forêt retrouvant son caractère défensif au même titre que l’or », assure Tristan de Vasselot, qui fait bien remarquer que les revenus ne dépassent guère 2,5 % l’an mais avec une progressio­n régulière du prix de l’actif à l’hectare. Placement de long terme et valeur refuge, certes. Mais il ne faut pas oublier que le premier levier poussant les Français à investir dans ce type d’actif est fiscal. Comme en convient le patron de la Foncière forestière qui s’inquiète des possibles modificati­ons concernant la loi Tepa. « Depuis la création de notre société, trois modificati­ons fiscales sont déjà intervenue­s. Si l’exonératio­n prévue dans le cadre actuel est remise en question, nous devrons nous adapter comme nous l’avons fait l’an dernier», prévient Tristan de Vasselot. Resterait juste la perspectiv­e de plus-value par rapport au prix d’acquisitio­n du terrain. Mais là encore, le gain risquerait d’être faible compte tenu de l’inflation de ces dernières années. cadastral. Il est en général très faible (de 2 à 20 €/ha). Une exonératio­n de 10 à 30 ans est accordée aux forêts jeunes. Une réduction d’impôts a été décidée pour les personnes physiques qui réalisent un investisse­ment forestier dans le cadre de leur patrimoine privé. Un investisse­ment forestier entraîne une réduction de 25 % de l’investisse­ment, plafonné à 5 700 €/an pour un célibatair­e (11 400 € pour un couple) pour l’achat d’une propriété boisée d’une surface comprise entre 10 et 25 hectares.

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