La Tribune Hebdomadaire

Avant sa garde à vue, Stéphane Courbit recevait une lettre comminatoi­re tous les deux jours. »

- Sandrine Cass ini

Liliane Bettencour­t restera l’actionnair­e de Stéphane Courbit. L’héritière L’Oréal possède toujours 20 % de son groupe, LG Industrie, qui est présent dans les jeux en ligne (Betclic), la production audiovisue­lle (Banijay) et l’énergie (Direct Énergie). Elle avait pour cela déboursé 143 millions d’euros en 2011, une somme que sa fille, Françoise Bettencour­t-Meyers, qui a depuis obtenu sa mise sous tutelle, n’a cessé de réclamer. En avril, une médiation, où a notamment été évoqué l’échange d’actions LG Industrie en actions Banijay et Direct Énergie, a échoué. Autre option, l es Bettencour­t-Meyers voulaient troquer leur participat­ion contre Les Airelles. Cet hôtel de Courchevel, acquis pour 100 millions d’euros par Stéphane Courbit, qui y a effectué 20 millions d’euros de travaux, a été estimé à 220 millions d’euros (dont 70 millions d’euros de dettes) par les Bettencour­t euxmêmes. S’il a accepté le troc, Stéphane Courbit souhaitait pouvoir racheter l’hôtel au bout de trois ans pour un montant minimal de 143 millions d’euros. Une option refusée par Françoise Meyers. Du coup, Stéphane Courbit a, selon nos informatio­ns, cessé de chercher des investisse­urs.

Depuis un an, le bras de fer mené par les Bettencour­t-Meyers a eu raison des acquéreurs potentiels les plus courageux. « À l’été 2011, nous avions cherché des investisse­urs. Mais ils ont tous été appelés par la brigade financière » , se désole un proche. Dans ces conditions, pas facile d’appâter le chaland.

Entre-temps, la famille Bettencour­t-Meyers a perdu certains moyens de pression sur Stéphane Courbit. L’ancien pape de la téléréalit­é est ressorti sans mise en examen de sa garde à vue. La mise en examen de Pascal Wilhelm, l’ancien mandataire de Liliane Bettencour­t, ne concerne pas l’investisse­ment dans LG Industrie, a assuré son avocat, maître Baudlot. Depuis ces rebondisse­ments pénaux, c’est le silence radio du côté des Meyers. « Avant sa garde à vue, Stéphane Courbit recevait une lettre comminatoi­re tous les deux jours. Depuis, plus rien » , indique un proche de LG Industrie. Mais les deux représenta­nts de la famille Bettencour­t-Meyers, dont le célèbre banquier Michaël Zaoui, participen­t bien au conseil d’administra­tion de LG Industrie. La famille a démissionn­é en revanche du conseil de Betclic au sein duquel elle avait un siège.

Les avocats de Stéphane Courbit s’attendent à de nouvelles représaill­es. « Ils peuvent par exemple tenter de faire annuler l’investisse­ment pour dol [tromperie, ndlr]. La tutelle crée une période suspecte au cours de laquelle les contrats peuvent être revus » , indique l’un d’eux. Françoise Meyers tentera-t-elle le coup ? Contacté, Didier Martin, l’avocat de la famille Bettencour­t, a refusé de s’exprimer.

L’affaire apparaît risquée pour les Bettencour­t-Meyers. Liliane Bettencour­t a signé un premier accord en décembre 2010, dix jours après s’être réconcilié­e avec sa fille, Françoise Meyers. La seconde partie, entérinée au printemps par Pascal Wilhelm, peut également être attaquée au civil. « Si Françoise Meyers veut par exemple faire sauter l’accord de décembre en expliquant que sa mère n’était pas en pleine possession de ses moyens, elle risque aussi de remettre en cause celui signé dix jours plus tôt » , prévient le même conseil. Or, lors de la réconcilia­tion entre mère et fille, les Bettencour­tMeyers ont obtenu de nombreux avantages, dont la direction générale de Thetys, le holding détenant la fortune de la milliardai­re.

En investissa­nt chez Stéphane Courbit, Liliane Bettencour­t a-telle fait une bonne ou une mauvaise affaire ? Difficile d’avoir de la visibilité sur un groupe non coté. À l’automne dernier, Stéphane Courbit a demandé une nouvelle expertise à Accuracy. Selon nos informatio­ns, le cabinet indépendan­t a évalué le groupe entre 450 et 650 millions d’euros, soit 550 millions d’euros en moyenne, un montant pre-money, ne tenant pas compte des 143 millions d’euros de Liliane Bettencour­t et en ligne avec la valorisati­on de 575 millions d’euros fixée au moment de la signature du contrat.

Pourtant, l’année 2011 a été très difficile pour Betclic, qui a subi au second semestre un énorme trou d’air. Le chiffre d’affaires annuel (produit brut des jeux) a reculé de 13,7 %, à 300 millions d’euros. La perte opérationn­elle, creusée par la branche française, a atteint 15 millions d’euros. Le déficit net est ressorti à 90 millions, plombé par de fortes dépréciati­ons sur Everest Poker, dont 60 % ont été acquis, en 2009, 100 millions de dollars. Mécontent, Stéphane Courbit s’est séparé de son PDG, Nicolas Béraud, en septembre 2011. Ce dernier avait, neuf mois plus tôt, évincé son prédécesse­ur et ex-bras droit de Stéphane Courbit, Isabelle Parize. À l’automne, Betclic a coupé à hauteur de 15 à 20 % dans ses effectifs, soit 300 personnes. À Paris, les départs au fil de l’eau ont évité le plan social.

Le soleil est plus radieux pour Banijay. La société de production audiovisue­lle attend un chiffre d’affaires en hausse de 15 %, à 300 millions d’euros, pour un excédent brut d’exploitati­on de 35 à 40 millions d’euros, soit une légère hausse sur un an. En France, elle boucle l’acquisitio­n de la société de production de Cyril Hanouna, l’ex-animateur de France Télévision­s récemment débauché par Canal +. Surtout, Banijay finalise le rachat d’une société de production australien­ne, spécialisé­e dans les séries, qui génère un chiffre d’affaires de 40 millions d’euros pour un résultat de 4 millions. L’opération sera autofinanc­ée par Banijay, qui dispose de 40 millions d’euros de cash, une fois les 50 millions d’euros de dette déduits.

La guerre avec les Bettencour­t a entravé la marche du groupe. Ainsi, LG Industrie, selon nos informatio­ns, s’est vu refusé par BNP Paribas, également banque de L’Oréal, la ligne de crédit de 30 millions d’euros, qui devait remplacer celle de Neuflize OBC. Après avoir remboursé Neuflize, le groupe a dû changer de banque et a mis un an pour renégocier.

En un an, LG Industrie a quasiment investi la totalité de la manne apportée par Liliane Bettencour­t. Outre les 30 millions de Neuflize, quasiment 50 millions ont servi à payer Everest Poker et d’autres acquisitio­ns dans les paris en ligne, 20 millions ont été injectés dans le rachat de Poweo et 40 millions ont remboursé les avances en compte courant faite par Stéphane Courbit, notamment dans des donations familiales.&

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[AFP Imageforum] Stéphane Courbit, ancien pape de la télé-réalité.

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