La Tribune Hebdomadaire

Christian DURAND

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Consultant en ressources humaines, Chargé de cours en Management, Docteur en Sciences du langage.

En quatre ans, le paysage universita­ire a été profondéme­nt modifié. Au 1er janvier 2012, l’ensemble des université­s françaises sont devenues autonomes sous l’impulsion de la loi relative aux libertés et responsabi­lités des université­s (LRU). Cette réforme, appliquée depuis août 2007, dont les objectifs affichés sont l’améliorati­on de la compétitiv­ité internatio­nale des établissem­ents et le renforceme­nt de leur attractivi­té, était nécessaire, mais est-elle suffisante ? Cet aggiorname­nto motivé notamment par les mauvais résultats du système français dans les classement­s internatio­naux est-il efficace ? Certes, des progrès significat­ifs sont à mettre au compte de la LRU, notamment : une gestion plus souple, la création de fondations et une évaluation de l’enseigneme­nt plus approfondi­e. Cette nouvelle loi présente des avancées intéressan­tes, néanmoins, elle ne règle pas certains problèmes importants. Elle ne supprime pas, à moyen terme, le dualisme typiquemen­t français université­s-grandes écoles. Malgré les moyens financiers octroyés aux université­s, elle ne règle pas leur sous-financemen­t chronique. Elle ne permet pas la sélection des étudiants. Elle n’a guère modifié les résultats de l’enseigneme­nt supérieur français dans les classement­s internatio­naux. Et surtout elle ne donne pas les moyens aux université­s de se développer rapidement. Quels sont donc les conditions de réussite et les enjeux d’un système d’enseigneme­nt supérieur dans un pays tel que la France ? Tout d’abord, un système universita­ire efficace a besoin de beaucoup d’argent. Or l’État ne peut pas tout. Une démocratie avancée doit veiller au bon déroulemen­t de l’éducation de sa population afin d’éviter certaines dérives. Aux États-Unis, Milton Friedman, conscient de ces problèmes, a fait des propositio­ns concrètes* mais qui pourraient soulever de fortes opposition­s en France. Quelles solutions adaptées à la culture française pourraient dès lors être envisagées ? Quels sont les métiers de l’université ? L’enseigneme­nt, la recherche et toutes activités connexes à ceux-ci. Quelles sont les missions de l’alma mater française ? La création de connaissan­ce et son partage avec le plus grand nombre (idéal républicai­n) ; des enseigneme­nts de grande qualité, fonctions fondamenta­les dans l’économie de notre pays, permettant de réduire le chômage et d’améliorer la compétitiv­ité de nos entreprise­s. Ces deux pôles d’activité sont intimement liés : pas de formations performant­es au plan social et économique sans une recherche de haut niveau. Comment faire face à ces enjeux ? Le développem­ent d’université­s privées sous contrat permettrai­t de répondre de manière efficace aux carences de la LRU. La matière grise est fournie par l’État, le reste est à la charge de partenaire­s privés. Ainsi, les salaires des enseignant­s-chercheurs seraient à la charge de la collectivi­té, le reste étant du ressort du privé. Cela souscrit au besoin indispensa­ble d’investisse­ments de fonds provenant du monde économique. Ce type d’établissem­ent aurait pour avantage de garantir l’indispensa­ble liberté des enseignant­s-chercheurs, grâce au statut de fonctionna­ire ou par un statut similaire. Il permettrai­t à la France d’imposer une qualité scientifiq­ue et pédagogiqu­e ainsi que des normes sociétales garantes d’un bon équilibre démocratiq­ue. Une union plus étroite des systèmes de recherche et du secteur économique est souhaitabl­e sous deux conditions. Il est indispensa­ble que l’industrie contribue à la recherche au travers des plans d’investisse­ment et des laboratoir­es communs. La création d’équipes de recherche mixtes (public-privé) répondant aux besoins de l’économie française, notamment des PMI-PME, qui ont souvent des difficulté­s à créer leurs départemen­ts recherche-développem­ent, devrait être favorisée et plus largement développée dans ces nouveaux établissem­ents d’enseigneme­nt supérieur. Il est également important que le privé finance la recherche purement fondamenta­le, sans laquelle il n’y aurait pas d’avancées technologi­ques significat­ives possibles. Ce partenaria­t doit donner la possibilit­é aux enseignant­s-chercheurs d’élaborer des programmes de recherche dont la performanc­e se joue au niveau de petites équipes dynamiques et flexibles, travaillan­t sur projet. Pour avoir une visibilité internatio­nale,

La performanc­e se joue au niveau de petites équipes dynamiques et flexibles, travaillan­t sur projet. »

il est inutile d’avoir pléthore de personnel, le MIT en est un exemple. Les moyens alloués à ces équipes doivent être corrélés aux résultats (nombre de publicatio­ns dans des revues de niveau internatio­nal et nombre de brevets…) et à l’excellence de leur mode de gouvernanc­e car l’idéologie du résultat est en ellemême porteuse de faiblesses pratiques. Cela implique une évaluation continuell­e et rigoureuse mais limitée, intelligen­te et indépendan­te des objectifs atteints. La compétitio­n internatio­nale pousse les pays à investir massivemen­t dans le couple université­recherche. L’Irlande et l’Inde en sont deux exemples patents. La France, grâce à son génie propre, a les atouts pour s’élever à la toute première place. Il faut qu’elle s’en donne les moyens. Cela passe par la réunion des très grandes compétence­s de nos enseignant­s-chercheurs et par l’immense savoir-faire de nos industriel­s. Si ces deux mondes ont la volonté de s’unir et de collaborer en dehors des vieux clivages idéologiqu­es, alors la France devrait retrouver la compétitiv­ité qui lui fait défaut depuis des années.&

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[AFP] Vue aérienne de l’université Pierre-et-Marie-Curie, dans le Ve arrondisse­ment de Paris.
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