Effet Free Mobile : Orange « ne croit pas à la consolidation »
Stéphane Richard, le PDG de l’opérateur historique, se dit « très sceptique » sur d’éventuels rapprochements dans le secteur, un an après l’arrivée du nouvel entrant. Il défend le choix du contrat d’itinérance signé avec Free Mobile mais hausse le ton sur les engagements de couverture de ce dernier.
« La consolidation du marché de la téléphonie mobile en France, je n’y crois pas », a confié cette semaine Stéphane Richard, le PDG de France Télécom-Orange. S’il estime que « la tentation peut être forte pour Free d’utiliser sa valorisation boursière élevée pour obtenir par acquisition ce qu’il n’a pas, un réseau mobile qu’il doit démarrer de zéro », il déclare être « très sceptique » sur d’éventuels rapprochements dans le secteur, convaincu que l’Arcep, le régulateur des télécoms, et surtout l’Autorité de la Concurrence, ne permettraient pas une réduction du nombre d’opérateurs. « Je ne crois pas qu’aujourd’hui, un an après l’arrivée d’un quatrième opérateur, qui nous a valu dix ans de débat, on accepte le passage de 4 à 3 opérateurs mobiles », a-t-il fait valoir, soulignant que la ministre Fleur Pellerin ellemême venait d’affirmer qu’ « il y a de la place pour quatre opérateurs. Le gouvernement souhaite que le marché trouve son équilibre à quatre acteurs » à nos confrères des Échos.
« plein les poches avec l’itinérance de Free »
Le président de l’Autorité de la Concurrence, Bruno Lasserre, a fait savoir qu’une fusion SFRFree ne serait pas possible et Stéphane Richard « ne [voit] pas quelle autre combinaison » pourrait fonctionner : « une fusion Bouygues-Free, je ne le sens pas tellement », a-t-il lâché dans un sourire. L’opérateur historique, lui-même trop « gros » pour se marier avec quiconque en France, a d’ailleurs révélé que si Free venait à s’allier ou se marier à un autre opérateur et remettait en cause l’accord d’itinérance qu’il a signé avec Orange, la partie fixe de ce contrat resterait due, au minimum pendant les trois ans d’exclusivité. Attaqué par SFR et Bouygues Telecom sur ce contrat d’itinérance, Stéphane Richard a répété que les conditions accordées ne donnaient pas un avantage concurrentiel à Free : « On n’est pas assez idiot pour aller faire un cadeau à celui qui nous taille des croupières. Les chiffres le démontreront clairement, entre nos recettes de l’itinérance et leur nombre d’abonnés, il suffira de faire une division, on ne brade pas l’Internet mobile. » Martelant qu’il assume la décision de signer ce contrat, Stéphane Richard a lancé : « Oui, on s’en met plein les poches avec l’itinérance de Free. C’est une décision prise dans l’intérêt des actionnaires de France Télécom. Nous sommes une entreprise commerciale privée, pas la direction générale des télécoms… »
Quant à l’Autorité de la Concurrence qui est chargée de fixer une éventuelle date butoir à ce contrat, le patron de France Télécom a relevé que Telefonica, l ’o pérateur hi st ori que e n Espagne, a un tel accord avec Yoigo dont il écoule encore 50 % du trafic cinq ans après « et tout le monde trouve cela normal ». Il ne serait « pas choqué » qu’il y ait une fin à ce contrat mais « si on dit qu’on arrête au bout de cinq ans et que, techniquement, Free n’est pas en mesure d’assurer un réseau complet, on verra bien, si on coupe le robinet, que diront les millions de Français abonnés à Free Mobile ? »
Les risques de tirer sur «l’éléphant » google
Pour autant, Stéphane Richard ne s’est pas privé d’égratigner son partenaire Free. Interrogé sur le retard de déploiement de Free Mobile pointé par la ministre Fleur Pellerin, le PDG de France Télécom a estimé qu’il n’est « pas surprenant » que le nouvel entrant rencontre des difficultés à déployer son réseau, alors que tous les opérateurs ont du mal à trouver des points hauts pour installer des antennes et qu’une nouvelle proposition de loi, celle de la députée écologiste Laurence Abeille, visant à réduire l’exposition aux ondes électromagnétiques, veut encadrer davantage ces implantations.
Cependant, « est-ce acceptable que Free ne respecte pas ses engagements ? Non. Tout le monde vivrait assez mal qu’il y ait une mansuétude des pouvoirs publics » à l’égard de Free Mobile, même s’il ne s’agit pas des obligations prévues dans la licence, mais d’objectifs annoncés par les dirigeants de la maison mère, Iliad, en mars dernier : « À fin 2012, Free Mobile disposera de plus de 2 500 sites actifs ». Or l’Agence nationale des fréquences en a relevé 1 779, et lui a accordé 2 277 autorisations dans son observatoire des déploiements. « S’il ne tient pas ses engagements, il faut qu’il soit sanctionné. Et là, il y a un problème », selon le patron de France Télécom. Réglementairement, le prochain contrôle de couverture prévu dans la licence de Free Mobile est fixé à janvier 2015 (à savoir 75 % de la population contre 27 % au lancement).
Décidément très en verve, Stéphane Richard a aussi raillé le « Free AdGate », la polémique provoquée en début d’année par l’introduction d’un dispositif de blocage des publicités en ligne par Free, retiré quelques jours plus tard à la demande de la ministre Fleur Pellerin. « C’était une menace de papier, rapidement mise à la poubelle. Fourbir son arme puis la retirer deux jours après, la queue entre les jambes… » Le patron d’Orange a souligné l’existence d’un « écosystème numérique, tous les fournisseurs de contenus notamment : c’est comme tirer sur l’éléphant Google et risquer de tuer tous les animaux autour. Ce n’était pas forcément une très bonne réponse à une vraie bonne question, sur le financement des réseaux ».
Mais sur ce sujet, le PDG de France Télécom, qui militait pour une contribution des géants des services Internet, semble avoir changé d’avis, arguant qu’ « il y a des flux financiers entre Google et Orange, et d’autres comme Deutsche Telekom. » Se déclarant à la fois en compétition et en coopération avec le géant de l’Internet, il se rallie à la vision de ce dernier : « Google dit que ses services sont très populaires, les gens ne peuvent s’en passer, et nous ont permis, opérateurs, de vendre plus d’accès, fixes et mobiles. Il faut être honnête et lucide, c’est vrai. » Il se dit « plus choqué de voir Google ne pas payer d’impôt en France que ne pas contribuer au financement des réseaux » .