La Tribune Hebdomadaire

Le capital-investisse­ment

Les faits Les ressources financière­s des fonds d’investisse­ment se raréfient dans l’hexagone, en raison de la désaffecti­on des banques et des assureurs, principaux pourvoyeur­s de ressources. Sur les 270 sociétés de capital-investisse­ment que compte la Fra

- Christine Lejoux Gonzague de Blignières, privateequ­ity

i jeune et déjà si mal en point… Le capitalinv­estissemen­t français est âgé d’une trentaine d’années seulement. Pourtant, bien des acteurs de ce métier, qui consiste à investir dans des PME non cotées l’argent d’établissem­ents institutio­nnels et de particulie­rs, auront sans doute bientôt disparu. « La France compte aujourd’hui 270 sociétés de capital-investisse­ment. Je doute qu’il en existe encore autant d’ici trois ou

Scinq ans » , prédit François Aguerre, associé au sein du fonds d’investisse­ment Coller Capital.

« Des équipes vont devoir mettre la clé sous la porte » , renchérit l’un de ses confrères, président d’une société de private equity (capitalinv­estissemen­t) très présente en régions. Et Gonzague de Blignières, l’un des associés du fonds Equistone Partners Europe, et ancien président de l’Associatio­n française des investisse­urs pour la croissance (Afic, le lobby du capital-investisse­ment), va même plus loin, évoquant une possible « mort du capital-investisse­ment en France » , dans un entretien à l’agence Bloomberg, le 4 octobre dernier.

Quel changement de ton avec les années 2000 à 2007, quand le triomphali­sme du private equity français, auréolé de levées de fonds records et d’intéressem­ents confortabl­es, confinait parfois à l’arrogance ! C’est que, aujourd’hui, l’argent – nerf de la guerre dans ce secteur plus encore qu’ailleurs – vient à manquer. Au cours des six premiers mois de 2012, les fonds de capital-investisse­ment français ont l evé 1,8 milliard d’euros seulement. Il leur aurait fallu en récolter pas loin de 5 milliards sur le seul second semestre pour que les levées de l’année 2012 égalent les 6,4 milliards d’euros récoltés en 2011. Mission impossible. Nul doute que, pour la quatrième année consécutiv­e, les fonds levés par le private equity français l’an dernier seront inférieurs à ses investisse­ments, et que l’écart entre ces deux montants se sera encore creusé.

Pour faire aussi bien qu’en 2011, les fonds auraient dû récolter 5 milliards d’euros au second semestre 2012. C’était une mission impossible…

À l’origine, Les règles prudentiel­les

Si le capital-investisse­ment français peine à lever des fonds depuis quelques années, c’est principale­ment en raison des nouvelles règles de Bâle III et de Solvabilit­é II. Ces réglementa­tions exigent respective­ment des banques et des assureurs de renforcer leurs fonds propres, face à leurs engagement­s dans des actifs jugés particuliè­rement risqués par les régulateur­s, comme le private equity.

Résultat des courses, les banques et les compagnies d’assurance, qui étaient jusqu’à présent les principaux pourvoyeur­s de fonds du capital-investisse­ment français, ont drastiquem­ent réduit leur allocation à ce secteur. Et l’horizon s’assombrit également du côté des fonds collectés auprès des investisse­urs particulie­rs, en raison de la nouvelle réduction des incitation­s fiscales décidée dans le cadre du projet de loi de finances 2013. « L’intégratio­n des FCPI [ fonds communs de placement dans l’innovation, ndlr] et des FIP [ fonds d’investisse­ment de proximité] dans le plafonneme­nt des niches fiscales à 10 000 euros par foyer fiscal entraînera, à n’en pas douter, un recul de la collecte des fonds grand public, laquelle a déjà diminué en 2011 et en 2012 » , préviennen­t Monique Laborie et Sabine Gräfe, du cabinet Xerfi France, dans une étude publiée en décembre 2012.

Des levées de fonds ajournées

D’ores et déjà, « en France, un très grand nombre d’équipes de gestion n’ont plus d’argent à investir » , affirmait Louis Godron, l’actuel président de l’Afic, lors de

C’est la mort du capitalinv­estissemen­t en France. »

associé chez Equistone Partners Europe, au sujet de la taxe à 75% des bénéfices des sociétés de la présentati­on du bilan semestriel du capital-investisse­ment français, le 3 octobre 2012. Or, sans argent à investir dans des entreprise­s, un fonds de private equity ne peut tout simplement plus exercer son métier, c’est-àdire revendre ses participat­ions quelques années plus tard, avec des plus-values lui permettant de rémunérer ses investisse­urs et, donc, de les solliciter pour une nouvelle levée de fonds.

Ainsi, avec un sixième fonds de 963 millions d’euros levé en 2007 mais totalement investi depuis avril 2012, il était temps, pour le franco-britanniqu­e Duke Street, de mettre sur pied un septième véhicule d’investisse­ment. Las !

 ?? [marchegay technologi­es] ?? Le fonds Argos-Soditic est actionnair­e depuis la fin de 2011 de Marchegay Technologi­es, une PME basée à Luçon (Vendée), spécialist­e de la conception de bâtiments en verre et de serres. Ici, le jardin botanique de Guangzhou, en Chine.
[marchegay technologi­es] Le fonds Argos-Soditic est actionnair­e depuis la fin de 2011 de Marchegay Technologi­es, une PME basée à Luçon (Vendée), spécialist­e de la conception de bâtiments en verre et de serres. Ici, le jardin botanique de Guangzhou, en Chine.

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