La Tribune Hebdomadaire

Le bon vent de l’innovation souffle sur La Nouvelle-orléans

- Delphine Iweins,

Près de huit ans après le passage ravageur de l’ouragan Katrina, la capitale de la Louisiane, toujours en reconstruc­tion, continue de panser ses plaies. Mais les aides fédérales et les avantages fiscaux accordés aux entreprise­s ont permis de relancer une économie aujourd’hui florissant­e, qui attire nombre de start-up.

Sà la nouvelle-orléans ouvenez-vous : c’était le 29 août 2005, à 11 heures du matin (heure locale). Katrina frappe les côtes de Louisiane près de Biloxi et de La Nouvelle-Orléans. Avec ses 650 km de rayon, des vents qui atteignent les 280 km/h et un oeil large de 40 km, c’est l’un des ouragans les plus étendus qui ait jamais atteint les États-Unis. Il se révélera le plus meurtrier… 1 836 personnes périssent, victimes notamment des fortes inondation­s.

Mal protégés par des digues de 4 mètres de haut, certains quartiers de la capitale de l’État se retrouvent jusqu’à 6 mètres sous le niveau de la mer. Les dégâts – 49 quartiers dévastés, 200 000 maisons détruites – ont été estimés à plus de 81 milliards de dollars. Les sinistrés se comptent par dizaines de milliers. Les autorités locales et fédérales de l’époque sont montrées du doigt pour leur très mauvaise gestion de la crise. Lentement, parfois maladroite­ment, les programmes de secours puis de reconstruc­tion se mettent alors en place. Aujourd’hui La Nouvelle-Orléans commence à vraiment tourner la page.

Réparties sur plusieurs années, les aides fédérales ont représenté, sous diverses formes (dont des cré- dits d’impôts), 51 milliards de dollars par an au cours des quatre années post-Katrina, dont 14 milliards de dollars rien que pour les travaux de protection et de réparation des digues, selon la Federal Emergency Management Agency. Les start-up, les entreprene­urs et autres investisse­urs ont pris le relais et profité de cet « esprit pionnier » de reconstruc­tion.

La démographi­e est redevenue positive

C’est ainsi que Veolia Transdev, déjà implanté en Californie, est devenu opérateur des transports publics de la ville, mettant en place l’une des premières délégation­s de services publics à la française. Sous la houlette de Justin Augustine, démocrate proche du maire actuel, Mitch Landrieu, et directeur de la Regional Transporta­tion Authority (RTA) de La NouvelleOr­léans, le tramway, emblème de la ville depuis 1923, a été restauré prioritair­ement, tout en conservant ses caractéris­tiques historique­s. « La priorité de la mairie a été le tourisme, une activité indispensa­ble pour la survie de la ville, explique en effet Julien Meyer, avocat de la municipali­té. Le système éducatif public a ensuite commencé à être restructur­é, non sans mal. Aujourd’hui, nous misons sur les industries d’avenir, telles que la recherche médicale et les médias numériques. »

Les aides fédérales ont donc d’abord été dirigées vers la reconstruc­tion de la ville : le port, le parc de la ville, les hôtels, les université­s et plus largement les écoles et collèges. « Nous avons très vite remarqué des changement­s aussi bien dans notre quartier – les parcs et les rues ont été rénovés par exemple – que dans notre vie quotidienn­e » , raconte Melody Matthews, qui vit à La NouvelleOr­léans depuis longtemps.

Aujourd’hui, le taux de chômage de ville (6,6 % à la fin de 2012) est d’ailleurs inférieur au taux fédéral (7,7 %). Après le passage de l’ouragan, il avait atteint 17,5 %. Autre point encouragea­nt : depuis deux ans, la démographi­e est redevenue positive et la ville a récupéré la majeure partie de sa population, en grande partie évacuée avant l’arrivée de Katrina. Toutefois, environ 100 000 personnes ne sont toujours pas revenues.

« Aujourd’hui, nous n’en sommes plus tout à fait au stade de la reconstruc­tion, l’économie a réellement redémarré et cela va continuer au moins jusqu’en 2015 » , insiste Eric Belin, président de la Chambre de commerce franco-américaine de La Nouvelle-Orléans. Ainsi, de nombreux projets immobilier­s (hôpitaux, centres commerciau­x, etc.) sont à l’étude dans l’est de la ville où se trouvent les quartiers les plus touchés par l’ouragan.

la renaiss ance de « South Hollywood »

Mais le plus gros « boost » de ce sursaut économique aura été donné par les programmes fédéraux de crédits d’impôts. Dont un des premiers bénéficiai­res a été l’industrie cinématogr­aphique. Depuis 2006, plusieurs blockbuste­rs ont ainsi été produits en Louisiane et à La NouvelleOr­léans, que ses habitants surnomment désormais « South Hollywood ». Mais il a fallu attendre 2012, et le conte philosophi­que Beasts of the Southern Wild, du réalisateu­r américain Benh Zeitlin (Caméra d’Or au Festival de Cannes), et surtout Django Unchained, dernier film de Quentin Tarantino (dans les salles françaises depuis le 16 janvier) tourné dans une plantation louisianai­se, pour que La NouvelleOr­léans retrouve toute sa place dans le cinéma internatio­nal.

Avec les crédits d’impôts les plus généreux de tous les États-Unis, la Louisiane a aussi attiré nombre

Grâce à des crédits d’impôts les plus généreux des ÉtatsUnis, la Louisiane attire les investisse­urs.

d’investisse­urs étrangers. Comme les français Air Liquide, Sodexho ou GameLoft, le leader des jeux télécharge­ables pour mobiles, déjà implanté à New York et San Francisco. D’autres groupes, tels que CMA-CGM, spécialist­e du transport maritime conteneuri­sé, qui avaient fui La Nouvelle-Orléans en 2005, reviennent aujourd’hui pour investir dans de nouveaux projets.

« Au cours de ces deux dernières années, la ville est devenue une plaque tournante des start-up et des investisse­urs étrangers. La Nouvelle-Orléans offre un climat propice aux affaires et, de toute évidence, le monde en prend bonne note » , se réjouit le maire démocrate Mitch Landrieu, élu en 2010.

Cela a généré un effet boule de neige vertueux, puisque nombre de sociétés américaine­s choisissen­t la Louisiane pour s’implanter au détriment d’autres États. « Les Américains extérieurs à la Louisiane trouvent ici un terreau d’innovation important et décident de venir. », confirme Gabriel Matthews, avocat d’affaires.

En 2012, selon le Wall Street Journal, La Nouvelle-Orléans s’est classée 33e (sur 102) parmi les villes américaine­s les plus attractive­s pour les nouveaux entreprene­urs. Sept ans après Katrina, la ville entend bien devenir un nouvel eldorado, avec la promesse faite à ses habitants d’une qualité de vie à l’européenne.

Newspapers in French

Newspapers from France