La Tribune Hebdomadaire

Père, mère, enfants, salariés : même combat

Stéphane Richard, Pdg du groupe Orange, est tout autant un patron investi qu’un père engagé. Le matin, dès qu’il le peut, il accompagne ses enfants à l’école. Pour lui, l’égalité profession­nelle ne se fera pas sans l’engagement familial des hommes.

- PAR STÉPHANE RICHARD

Avez-vous des candidatur­es féminines en tête!? C’est ainsi que j’incite mes collaborat­eurs à réfléchir quand ils doivent recruter ou nommer quelqu’un. J’ai ainsi voulu personnell­ement confier les rênes de l’activité d’Orange France (50!% du CA du groupe) à une femme, Delphine Ernotte-Cunci, et, à mon arrivée dans le groupe Orange, j’ai immédiatem­ent pris des engagement­s forts en faveur de l’égalité profession­nelle. J’ai la conviction que la mixité, dans toutes les fonctions et à tous les niveaux, est un gage de succès à la fois pour la performanc­e économique et pour le bien-être des salariés. Ces engagement­s reposent sur trois grands axes : la mixité des équipes (en particulie­r dans les fonctions techniques), l’accès des femmes à des postes à responsabi­lité avec un objectif ambitieux de 35!% de femmes dans les équipes dirigeante­s à horizon 2015, et l’équilibre vie privée-vie profession­nelle. Concernant ces deux derniers points, je suis intimement persuadé que la clé se trouve dans les mains des hommes. C’est par leur implicatio­n dans ces sujets que nous viendrons à bout des nombreux stéréotype­s culturels sur les rôles respectifs des hommes et des femmes, qui sont bien souvent à l’origine des déséquilib­res dans les taux de féminisati­on des instances dirigeante­s. Il faut que les mentalités évoluent!; les femmes, elles, y sont prêtes. C’est aux hommes qu’il appartient désormais de déverrouil­ler ce blocage en cassant l’image de l’homme qui ne trouverait un équilibre qu’à travers sa carrière et la réalisatio­n de son ambition, sans pouvoir aussi s’épanouir dans sa vie personnell­e et familiale. C’est comme cela que nous ferons réellement exister l’égalité profession­nelle. L’entreprise, quant à elle, se doit de ne pas faire de di"érence entre hommes et femmes sur la question de la parentalit­é – du moins en dehors des périodes de grossesse. Elle doit permettre aux hommes d’être davantage présents auprès de leurs enfants pour que les femmes puissent progresser profession­nellement. Sur ce sujet, nous devons rattraper le retard que nous avons en France par rapport aux Espagnols et aux Anglo-saxons, qui, eux, abordent avec beaucoup plus de spontanéit­é et de naturel ces questions d’équilibre de vie, qui restent presque taboues dans les entreprise­s françaises qui cultivent le présentéis­me. Ainsi, supprimer les réunions tard le soir et tôt le matin n’est pas une mesure uniquement destinée aux femmes : elle s’adresse aussi aux hommes, pour leur permettre au même titre que les femmes d’accompagne­r leurs enfants à l’école. Personnell­ement, je suis attentif quotidienn­ement à l’équilibre vie profession­nelle-vie privée de mes collaborat­eurs, ainsi qu’au mien. J’ai la chance d’avoir cinq enfants. J’ai conscience des problémati­ques d’éducation car ce rôle de père est très important dans ma vie et il me procure un équilibre indispensa­ble. Comme tous les parents qui travaillen­t beaucoup, je culpabilis­e car je ne consacre pas su#samment de temps à mes enfants. J’essaie néanmoins de les voir ou de leur parler tous les jours. Je suis d’assez près leur scolarité et leurs activités personnell­es, en particulie­r la musique dont j’aimerais leur communi-

« L’image de l’homme qui ne trouverait un équilibre qu’à travers sa carrière doit être cassée. »

quer la passion. Ces moments de partage me sont précieux. Enfin, quand je suis avec mes enfants, je m’oblige à l’être vraiment, c’est-à-dire que j’essaie de ne pas regarder mon portable et je tente de me couper réellement de l’univers profession­nel. J’ai autant envie d’être un patron engagé auprès de ses salariés qu’un papa attentif à l’épanouisse­ment de ses enfants. C’est une discipline de chaque instant et tous les parents qui travaillen­t le savent bien. Ce temps où les hommes étaient uniquement dévolus au travail et les femmes à la vie familiale et domestique est révolu. Je suis convaincu que c’est une très bonne chose : pour les pères, pour les mères, pour les enfants, et pour les entreprise­s!! C’est en s’impliquant véritablem­ent dans leur vie familiale que les hommes contribuer­ont à construire le cadre de l’égalité profession­nelle. Puisqu’il paraît que les hommes aiment relever les défis, en voilà un très beau qui leur est soumis!!

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Père de cinq enfants, Stéphane Richard invite les entreprene­urs à relever le défi de la parentalit­é.

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