La Tribune Hebdomadaire

C’est l’histoire d’un pont qui paralysait la ville

- CLAIRE GARNIER,

Depuis près de cinq mois, un important pont routier qui enjambe la Seine à Rouen est fermé. Sa remise en service est prévue pour l’été 2014. En attendant, la circulatio­n dans l’agglomérat­ion est au bord de la paralysie. Un cauchemar, notamment pour les entreprise­s de transport.

SÀ ROUEN i vous êtes récemment passé par Rouen, lors de ces vacances d’hiver par exemple, vous avez dû vous en apercevoir : la traversée de la ville en voiture n’est pas facile… C’est le moins que l’on puisse dire. L’agglomérat­ion est même à la merci du moindre grain de sable qui peut, à tout moment, bloquer la circulatio­n et provoquer une grave embolie routière. programmée que pour l’été 2014… En attendant, des solutions se sont mises en place pour faciliter au mieux la circulatio­n dans la région, à commencer par celle des Rouennais.

Un « plan de circulatio­n », piloté par l’État, a ainsi été aussitôt décidé, tandis que la communauté d’agglomérat­ion lançait un « plan d’action transports en commun ». Dans un premier temps d’ailleurs, les Rouennais ont été assez nombreux à avoir délaissé leur voiture pour les transports en commun, puis ils se sont réorganisé­s, modifiant leurs horaires, leurs trajets et leur mode de vie : transports en commun, covoiturag­e, vélo et marche.

En fait, observe Yvon Robert, le maire socialiste de Rouen, « les lignes de transports en commun restées en augmentati­on sont les sept lignes en site propre de l’agglomérat­ion », c’est-à-dire deux lignes du tramway et cinq lignes de bus sur voie dédiée, dont trois lignes à « haut niveau de service ». Elles connaissen­t une progressio­n de 10!% par rapport à la situation antérieure (16!000 voyages en plus par jour). Mais comme dans la plupart des villes de province, les déplacemen­ts des Rouennais continuent de reposer essentiell­ement sur la voiture. D’où la quasi-asphyxie.

LA POPULATION NE VEUT PLUS DE CAMIONS EN VILLE

Pour fluidifier la circulatio­n à certains carrefours névralgiqu­es, la capitale normande a fait appel à ses policiers municipaux!; la police nationale veille, de son côté, au respect de l’arrêté préfectora­l du 31 octobre 2012 limitant la circulatio­n des poids lourds en direction de Rouen. Ceux qui doivent faire étape dans la ville sont dirigés vers l’ouest par Bison futé. Ils franchisse­nt la Seine par le pont Flaubert. Pénalisés dans leur travail, les transporte­urs se sentent en outre stigmatisé­s par une population excédée. Ils aggravent encore leur cas quand ils empruntent les routes départemen­tales pour contourner les interdicti­ons.

Pourtant, même après la remise en service du pont Mathilde en 2014, la circulatio­n risque de ne

1,2 milliard d’euros, c’est le coût estimé d’une autoroute qui contourner­ait la ville par l’est. Riverains et écolos sont contre…

pas s’améliorer vraiment… Car, tirant les enseigneme­nts de cette crise, le maire de Rouen s’en est convaincu : pour inciter ses administré­s à prendre les transports publics plutôt que leur voiture, « il faut multiplier les espaces réservés aux transports en commun ». Aujourd’hui, certaines lignes de bus engluées dans la circulatio­n connaissen­t des baisses de fréquentat­ion. D’où le projet des élus d’accroître les voies dédiées, même si les automobili­stes pestent contre les couloirs « vides ». « La fluidité des transports en commun sur voie dédiée n’est possible que parce que les voies sont libres. Dès que ces voies deviennent mixtes, le transport en commun se trouve pénalisé. Or, s’il est pénalisé, il ne sert plus à rien. » L’expérience des quatre derniers mois a aussi « validé » le principe d’une « priorité absolue » des transports en site propre par rapport aux feux de circulatio­n automobile.

Par ailleurs, si l’on en croit Yvon Robert, les Rouennais ne veulent plus entendre parler de camions en ville, ce qui signifie que, après la remise en service du pont, des mesures restrictiv­es de circulatio­n vis-à-vis des poids lourds pourraient être prises qui n’existaient pas « avant ».

Des mesures qui risquent de sérieuseme­nt énerver les transporte­urs, car l’agglomérat­ion rouennaise (500!000 habitants) n’est toujours pas dotée de contournem­ent autoroutie­r à l’est. Un contournem­ent qui pourrait passer sur les plateaux est de Rouen pour relier l’A28 nord à la rocade sud de l’agglomérat­ion puis à l’A13. La facture évaluée aujourd’hui est lourde en raison du relief : 1,2 milliard d’euros. Objet d’un large consensus gauche-droite, ce projet – qui a donné lieu à 34 tracés en quinze ans!! – suscite cependant une vive opposition tant des écologiste­s que des riverains. Les travaux ne semblent donc pas près de commencer.

Reste que, au-delà des vicissitud­es quotidienn­es, certains responsabl­es normands – ainsi que les Rouennais – voient arriver non sans frayeur le mois de juin et… la cinquième édition de l’Armada. Ce rassemblem­ent de vieux voiliers, qui attire à chaque fois des millions de visiteurs, aura bien lieu cette année à Rouen du 6 au 16 juin. Une période durant laquelle le pont Flaubert, emprunté chaque jour par des centaines de poids lourds qui se rendent en ville, sera ponctuelle­ment fermé à la circulatio­n : l’ouvrage est un pont levant, et il faudra bien laisser passer les grands mâts. Une cerise empoisonné­e sur un gâteau passableme­nt étou"echrétien…

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