La Tribune Hebdomadaire

FAUT-IL SE MÉFIER DES (MAUVAIS) GÉNIES DE L’ARGENT!?

Face à la pénurie de garanties pour appuyer les appels aux marchés financiers, certains « docteurs Folamour » de la finance ressortent la « réhypothéc­ation », qui permettrai­t d’utiliser une seconde fois une même garantie… D’autres banques proposerai­ent à

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Le rapport entre la taille de l’économie (que l’on a désormais curieuseme­nt coutume de dénommer « l’économie réelle ») et le volume de la sphère financière serait de plus de un à dix, si l’on en croit McKinsey. Et l’écart ne cesserait de se creuser, la croissance de l’économie étant inférieure à celle de l’activité financière, un phénomène qui date de la dérégulati­on financière des années 1980. Il a fallu trouver une solution pour équilibrer cet édifice en forme de pyramide renversée, car les actifs financiers reposent en dernière instance sur l’économie. On a cru trouver la solution avec la titrisatio­n, cette technique de transforma­tion des créances en actifs financiers qui aboutit à garantir de la dette par d’autres dettes. La théorie voulait qu’il en résulte une dilution du risque – le problème était ainsi résolu puisqu’il était supprimé. D’autant que, parallèlem­ent, la pratique permettait de sortir ce risque des bilans des émetteurs de titres de dette lorsque ces derniers étaient cédés!! Il est arrivé ce que l’on sait, et les tentatives de relancer le marché de la titrisatio­n n’ont, depuis, obtenu que des résultats limités, la confiance des investisse­urs continuant d’être ébranlée.

Entre-temps, la demande d’actifs considérés sans risque a considérab­lement augmenté et les exigences concernant leur qualité se sont renforcées. Tant à la recherche de protection qu’en applicatio­n de nouvelles réglementa­tions, du collatéral (autrement dit tous les actifs, titres ou liquidités qui peuvent servir de garantie) est appelé de tous côtés : par les investisse­urs qui souscriven­t aux émissions d’obligation­s sécurisées des banques, par les banques centrales dans le cadre de leurs émissions de liquidités, ainsi que par les futures chambres de compensati­on des produits dérivés en appui de leurs appels de marge… La délicate estimation du déficit en collatéral de qualité varie entre 500 milliards et 10!000 milliards de dollars, cette énorme imprécisio­n résultant à la fois des inconnues réglementa­ires qui subsistent et du caractère opaque d’une large partie de l’activité financière. Autrement dit, les financiers manquent cruellemen­t de garanties solides.

Une rumeur a commencé à se répandre, selon laquelle une sous-collatéral­isation et une pénurie de collatéral pourraient en résulter, aboutissan­t à ce que les génies de la finance se penchent sur la question. Déjà, la réhypothéc­ation, qui permet d’utiliser dans certaines conditions une seconde fois un même collatéral, dont l’encadremen­t fait débat, mettrait de l’huile dans les engrenages.

D’autres techniques s’apprêtent à prendre le relais sous le nom de collateral transforma­tion, car elle ne permet pas de répondre aux besoins. Sous l’appellatio­n anodine de gestion du collatéral, un nouveau business qui l’est moins est en passe de démarrer sous les auspices de grandes banques internatio­nales. Il consiste à proposer aux clients, moyennant rémunérati­on, du collatéral de qualité en contrepart­ie d’actifs recalés par la réglementa­tion en raison de leur trop faible qualité. Une décote est appliquée sur ceuxci lors de cet échange, mais elle résulte de l’applicatio­n des modèles internes de calcul du risque des banques, bien que ceuxci soient aujourd’hui mis en cause. Afin d’optimiser leur propre risque, les banques qui s’engagent dans cette activité prévoient de n’être que des intermédia­ires entre leurs clients investisse­urs et les fonds de pension, qui à l’autre bout de la chaîne pourraient fournir le collatéral de qualité en contrepart­ie d’une rémunérati­on destinée à améliorer leurs résultats, car leur équilibre est menacé par le niveau des taux obligatair­es. C’est potentiell­ement un nouveau schéma de tous les dangers…

La demande d’actifs sans risque a augmenté et les exigences concernant leur qualité se sont renforcées. »

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FRANÇOIS LECLERC ANCIEN CONSEILLER AU DÉVELOPPEM­ENT DE L’AGENCE FRANCE-PRESSE Il tient la chronique de « L’actualité de demain » sur le blog de Paul Jorion. Il est l’auteur de La crise n’est pas une fatalité (éditions Osez la République sociale !,...

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