La Tribune Hebdomadaire

ET SI ON SUPPRIMAIT LA CNIL…

Destinée à protéger les citoyens des intrusions dans leur vie privée, la Commission nationale de l’informatiq­ue et des libertés devient peu à peu un inhibiteur d’innovation.

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L’apport de l’économie numérique n’est plus à démontrer. De nombreuses études – de McKinsey en 2011 à l’Inspection générale des finances en 2012 – mettent en évidence la forte contributi­on d’Internet à la croissance française et son impact en matière de création nette d’emplois. Tous s’accordent à reconnaîtr­e que le secteur doit être soutenu, notamment par des mesures visant à protéger l’investisse­ment, par des business angels ou par des exonératio­ns fiscales et sociales pour les jeunes entreprise­s innovantes. Mais en parallèle, des voix discordant­es se font entendre. Au Parlement, depuis plusieurs années, ces mesures sont régulièrem­ent remises en question. Les entreprene­urs français doivent en permanence expliquer leurs contrainte­s et convaincre sur l’enjeu de ce secteur d’avenir.

Une autre voix dissonante commence à résonner. La dame n’est pas vieille, elle va prochainem­ent fêter ses 35 ans. Comme bon nombre de créateurs d’entreprise, d’ailleurs. Mais elle est en pleine révolution. La Cnil, la Commission nationale de l’informatiq­ue et des libertés, doit faire face à de nouveaux défis. L’informatiq­ue de la fin des années 1980 a disparu au profit d’une économie numérique, d’un Internet globalisés, complexes, aux limites territoria­les floues. À sa création, la Cnil devait prévenir l’intru- sion de l’État dans la vie des citoyens sans leur consenteme­nt, via les nouvelles technologi­es. Aujourd’hui, la commission doit a"ronter un univers où le dynamisme économique repose sur les données, personnell­es ou non, et sur de nombreuses innovation­s et gains de productivi­té.

Cette révolution sociétale et économique, la Cnil ne semble pas l’avoir anticipée, même si elle s’est dotée d’un départemen­t chargé de la prospectiv­e. C’est regrettabl­e. Ce bouleverse­ment est connu. Il a même été consacré dans un rapport commandé par le gouverneme­nt. L’économie numérique n’est pas un secteur, elle est dans tous les secteurs. En irriguant ainsi l’économie, elle apporte sa dose d’innovation, de changement et finalement de croissance. L’économie numérique, Internet en premier lieu, transforme et redynamise l’économie. Le redresseme­nt productif est en marche et sera numérique.

Seulement, alors qu’elle devrait être l’huile de ce rouage, la Cnil devient le grain de sable qui grippe toute la dynamique. On peut citer plusieurs exemples. Dans leur rapport au gouverneme­nt sur la fiscalité numérique, Nicolas Colin et Pierre Collin ont récemment proposé de taxer la non-circulatio­n des données. Comme elles créent de la valeur, ces données doivent librement passer – sous la maîtrise de l’internaute – d’une start-up à une autre. La mesure fiscale devient un facilitate­ur. Pourtant, la Cnil a répondu à cette mesure en proposant que l’on taxe – et donc limite – non pas cette « non-circulatio­n », mais la simple collecte des données, prononçant ainsi la mort de l’innovation!!

Dans le même ordre d’idées, les acteurs français sont de plus en plus témoins – involontai­res – et surtout victimes collatéral­es d’une situation inédite. Récemment, la Cnil adressait des recommanda­tions à Google pour forcer le mastodonte à modifier sa politique de confidenti­alité. Elle est dans son rôle. Mais s’est-elle interrogée sur l’impact de ses recommanda­tions sur l’ensemble des acteurs français du numérique!? Les entreprise­s françaises doivent-elles être pénalisées par rapport à leurs homologues européenne­s à cause de nouvelles contrainte­s imposées par l’autorité française à un géant d’Internet!?

« SUS À LA TRANSPAREN­CE!! ARRÊTONS DE LIBÉRER DES DONNÉES!! »

Plus récemment, l’un des membres de la Cnil appelait le gouverneme­nt à arrêter immédiatem­ent toute politique d’open data. Sus à la transparen­ce!! Arrêtons de libérer des données pour les entreprene­urs!! La France va-t-elle refuser ce gain estimé à 300 milliards d’euros, qui profitera aux États européens qui se lancent dans cette libération des données!? Nous aurions tant aimé que ce sujet soit débattu. Qu’on nous consulte, que la Cnil échange davantage avec l’écosystème qu’elle régule!! Chère Cnil, tu protèges les libertés. Mais qu’en est-il de la liberté d’innovation, de cette liberté de créer et d’entreprend­re!? Nous avons besoin d’une régulation qui puisse créer le juste équilibre entre les droits des citoyens et les devoirs des entreprise­s. Une stratégie politique doit être conciliée avec une stratégie économique. Car, il ne faut pas l’oublier, ce qui est réellement en jeu, ce sont les emplois de demain. L’INNOVATION doit s’inscrire dans ton nom.

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BRUNO WALTHER COFONDATEU­RS DE CAPTAIN DASH
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GILLES BABINET

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