Fficile Transition
comité des experts. Une baisse de la consommation de 10% par an suffirait à neutraliser cette hausse, sauf en situation de précarité », ajoutet‑il. À ce sujet, la « facilitatrice » du débat, Laurence Tubiana, fondatrice de l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales), précise : « La précarité énergétique – qui frappe 3,8 millions de foyers consacrant au moins 10 % de leur budget à l’énergie – relève de la solidarité nationale et de la lutte contre la pauvreté ; il ne revient pas à la transition énergétique de la solutionner. »
Pour d’autres, au contraire, en se privant d’une énergie produite par des centrales nucléaires amorties de longue date, en imposant aux réseaux de transport et de distribution de s’adapter à la production décentralisée et intermittente des énergies renouvelables et en soutenant ces dernières à coups de tarifs de rachat, c’est précisément la transition énergétique qui va faire grimper les prix. L’exemple de l’Allemagne, qui a déjà entamé sa transition énergétique ( lire page 6), apporte de l’eau à leur moulin. L’énergie y est nettement plus chère qu’en France en raison du soutien aux
Définir le nouveau mix énergétique
Autre difficulté, l’extrême focalisation des médias et de l’opinion publique sur la production : quelle place laisser au nucléaire ? Pour ou contre les gaz de schiste, l’éolien, etc. ? Or la méthode choisie par le gouvernement est inverse. Il s’agit d’étudier différents scénarios de maîtrise de la consommation, de chiffrer les investissements correspondants, puis d’imaginer le meilleur mix énergétique pour répondre à cette demande en respectant les prérequis posés par François Hollande : une part du nucléaire dans la production d’électricité réduite de 75% à 50% en 2025, une augmentation de la part des énergies renouvelables et le respect des engagements de diviser par quatre les émissions nationales de gaz à effet de serre entre 1990 et 2020.
Un tel raisonnement devrait notamment éviter de surdimensionner les réseaux (et les investissements), comme c’est aujourd’hui le cas. En raison de la généralisation du chauffage électrique, les pics de consommation sont particulièrement élevés en France : pour une puissance moyenne consommée de 56 gigawatts (GW), ils peuvent atteindre 102 GW, record historique enregistré lors d’une vague de froid en février 2012. L’équilibre entre l’offre et la demande se fait alors surtout grâce aux échanges avec les pays limitrophes, mais les réseaux sont prévus pour transporter et distribuer des volumes qui ne sont consommés que quelques jours par an.
Mais ce parti pris de la sobriété et de l’efficacité énergétique, consistant à étudier toutes les pistes pour réduire les consommations, suscite les foudres des énergéticiens. Certes, ils sont en principe tenus (notamment par le biais du mécanisme des certificats d’économie d’énergie) d’aider leurs clients à réaliser des économies, et sont soumis au plafonnement de leurs émissions dans le cadre du marché européen d’échange de quotas de CO2. Mais, sous l’effet conjugué de surallocations et de la crise économique, le cours de la tonne de CO2 a perdu 90 % en cinq ans et 49 % pour la seule année 2012. Il y a quelques jours, Bruxelles a dû renoncer à des enchères de quotas faute d’acheteurs !
Les énergéticiens ont ainsi toujours intérêt à maximiser les volumes vendus. Dans le cadre du débat français, ils contestent donc toute projection d’une baisse de la consommation, dans laquelle ils ne voient qu’une illustration des théories décroissantes chères aux écolos. « Le problème n’est pas de faire baisser les consommations, mais d’anticiper la croissance de la demande », insiste Jean-François Raux, délégué général de l’UFE (Union française de l’électricité). « Le gouvernement entend réindustrialiser la France, il doit tenir compte des conséquences de cette décision, car je ne crois pas du tout au découplage [permettant de diminuer la consommation d’énergie pour un point de PIB créé, ndlr]. » Selon lui, « la transition énergétique n’est pas urgente en France, on émet deux fois moins de CO2 que l’Allemagne par unité de PIB. On aurait le temps de faire évoluer le réseau tranquillement. L’énergie française est très compétitive, la transition ne doit pas la dégrader, notamment à l’export ».
Mobiliser des industriels aux intérêts divergents
Cet argument fait évidemment florès du côté des industries les plus consommatrices en énergie, qui craignent une augmentation de leurs coûts due à une hausse des prix. Certains se disent néanmoins prêts à l’absorber à condition de la compenser, par exemple, par une réduction des taxes sur le travail qui préserverait leur compétitivité. En face, les professionnels de l’efficacité énergétique, qui proposent des solutions pour contenir la facture grâce à une baisse des volumes, sont divisés. Les spécialistes de l’efficacité active (par pilotage de la consommation grâce à des compteurs intelligents, par exemple), permettant des économies rapidement rentables mais limitées, s’op-