La Tribune Hebdomadaire

’heure de la rigueur

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Autrement dit, qu’il s’agisse de la médiation du crédit pour les PME ou du traitement du surendette­ment des particulie­rs, il est des villes où la présence de la Banque de France ne se justifie apparemmen­t plus, ou en tout cas beaucoup moins. Devraient ainsi disparaîtr­e les bureaux d’accueil et d’informatio­n visités par moins de 1 000 personnes par an. D’autant que « les technologi­es actuelles permettent d’envisager d’autres relations avec nos interlocut­eurs, comme la télétransm­ission de dossiers de surendette­ment », insiste la Banque de France.

Quel avenir pour la médiation du crédit?

Des propos qui font bondir certains syndicalis­tes : « Les personnes surendetté­es ne sont pas celles qui ont accès le plus facilement à Internet ! Aujourd’hui, elles peuvent se rendre dans nos bureaux d’accueil et d’informatio­n. Si demain cela n’est plus possible, c’est l’accès à un service public qui sera mis en danger. » Plus globalemen­t, les syndicats l’assurent : ce ne sont pas tant les suppressio­ns de postes qui les inquiètent que le risque que fait planer le projet de réorganisa­tion de la vénérable institutio­n sur « les entreprise­s et sur nos concitoyen­s ». « Pourquoi réduire les effectifs alors qu’il ne se passe pas une semaine sans qu’on dote la Banque de France d’une nouvelle mission ? », s’étrangle un autre élu du personnel. De fait, le futur fichier positif, qui recensera l’ensemble des crédits des particulie­rs, sera géré par la Banque de France. Laquelle s’était déjà vu confier en 2010 la surveillan­ce des banques et des assureurs, via l’Autorité de contrôle prudentiel, et, deux ans plus tôt, la médiation du crédit pour les PME.

Justement, les syndicats s’interrogen­t sur le devenir de cette activité gérée depuis 2008 par les 105 directeurs départemen­taux de la Banque de France. Ces médiations départemen­tales ont instruit pas moins de 16 000 dossiers, ce qui a permis le déblocage de 1,8 milliard d’euros de crédits et, partant, la préservati­on de 170000 emplois. « L’exercice de nos missions confirme la nécessité d’un réseau dense de succursale­s de la Banque de France pour l’efficacité de l’économie nationale et locale », insistent les syndicats.

Selon eux, le plan de restructur­ation du réseau ne devrait pas être sans conséquenc­e non plus sur l’activité de cotation des entreprise­s. Nombre de PME et d’ETI (entreprise­s de taille intermédia­ire) bénéficien­t en effet d’une évaluation gratuite de leur équilibre financier par la Banque de France, qui leur attribue une cotation, un peu à la manière des agences de notation Moody’s ou Standard & Poor’s, payantes, elles. Cotation qui conditionn­e l’accès de ces entreprise­s au crédit bancaire. Or le projet de réorganisa­tion « pourrait conduire à une moindre fiabilité des cotations. Ce qui serait lourd de conséquenc­es pour les entreprise­s, dont les conditions d’accès au crédit sont directemen­t liées à cette cotation », souligne le cabinet Secafi, mandaté par les syndicats de la Banque de France, dans un rapport remis lors du comité central d’entreprise extraordin­aire qui s’était déroulé les 29 et 30 janvier.

De la même façon, avec la fermeture programmée d’une soixantain­e de bureaux d’accueil sur 85 d’ici à 2020, les services aux particulie­rs surendetté­s pâtiront eux aussi du plan de restructur­ation de la Banque de France, s’inquiète l’intersyndi­cale. Rééchelonn­ement de dettes, moratoires, effacement partiel de l’ardoise, etc. : en 2011, près de 232 000 dossiers de surendette­ment avaient été déposés auprès de la Banque de France, en hausse de 8 % par rapport à 2010. Compte tenu de « la situation de crise dans laquelle est plongé le pays, le nombre de personnes ne pouvant plus honorer leurs remboursem­ents de prêts […] risque d’augmenter, dans les prochaines années » , souligne le cabinet Secafi. Qui se demande donc si la réorganisa­tion de la Banque de France permettra de « préserver la qualité du service ».

« La réforme veillera à protéger les particulie­rs et les entreprise­s et à maintenir un lien étroit entre ces publics et la Banque de France », assure la direction. Comment ? « Dans le domaine du surendette­ment, par exemple, la Banque de France opère depuis des années avec des travailleu­rs sociaux. À la base, ces derniers n’ont pas vocation à traiter le surendette­ment, mais il est possible de les y former », souffle une source interne. Pas sûr qu’une telle suggestion diminue les puissants réflexes corporatis­tes de la Banque de France.

C’est le nombre de dossiers de surendette­ment déposés auprès de la Banque de France en 2011, en hausse de 8% par rapport à 2010.

 ?? [REUTERS/ÉRIC Gaillard] ?? Les syndicats se mobilisent (ici à Nice en février dernier) contre la suppressio­n annoncée d’une soixantain­e de bureaux d’accueil et d’informatio­n du public sur les 85 que compte la Banque de France à travers l’Hexagone.
[REUTERS/ÉRIC Gaillard] Les syndicats se mobilisent (ici à Nice en février dernier) contre la suppressio­n annoncée d’une soixantain­e de bureaux d’accueil et d’informatio­n du public sur les 85 que compte la Banque de France à travers l’Hexagone.

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