En juillet, François Hollande a décidé d’ajouter 12!Mds d’euros au grand emprunt de 35 Mds lancé en 2010 par Nicolas Sarkozy.
majorité ont sans doute commis une erreur. À force de décrier les réformes « de droite » de 1993, 2003, 2008 et 2010, et notamment l’augmentation de la durée de cotisation, les socialistes, alors dans l’opposition, avaient laissé entendre, qu’une fois au pouvoir, ils proposeraient une « vraie » réforme structurelle et systémique. De surcroît, une fois revenu aux commandes, le même PS a martelé durant plus de douze! mois que la prochaine réforme des retraites serait « La Réforme » définitive. Résultat, les annonces de Jean-Marc Ayrault ont fait « pschitt »"! Rien sur l’ébauche d’un grand régime unifié englobant tout le monde : fonctionnaires, salariés du privé et du public, indépendants, commerçants… Au contraire, la future réforme prend bien soin d’épar- gner (sauf s’agissant de l’allongement de la durée de cotisation et des revalorisations des cotisations) les régimes spéciaux et celui des fonctionnaires. O#ciellement, pour laisser le temps à la réforme Sarkozy de 2008 les concernant de produire totalement ses e$ets.
Certes, mais les Français se disent, encore une fois, que ce sont toujours les mêmes « qui trinquent ». Pis, le projet Ayrault entérine la réforme SarkozyWoerth de 2010. Non seulement en actant les augmentations de durée de cotisation prévues jusqu’en 2020 – un trimestre supplémentaire tous les trois ans! –, mais surtout en prolongeant le mouvement… jusqu’en 2035. Une véritable trahison pour beaucoup d’électeurs.
Et pourtant, si elle manque d’ampleur par rapport à ce qui avait été annoncé, la réforme ne manque pourtant pas de subtilité (lire page 11). Elle partage les e$orts nécessaires entre salariés, retraités et entreprises"; elle ne bride pas outrageusement le pouvoir d’achat"; elle s’attaque à des dossiers restés jusqu’ici fermés, comme la prise en compte de la pénibilité ou les inégalités hommes-femmes. D’ailleurs, pour l’instant les organisations patronales ne se sont pas arc-boutées plus que de raison en attendant la baisse du coût du travail promise en compensation.
Dans le camp syndical, les opposants à la réforme (CGT, FO et Solidaires) ne semblent pas non plus vouloir « se battre » jusqu’au bout. Certes, elles organisent une journée d’action ce 10 septembre. Mais, il s’agit davantage, à ce stade, d’un test sur leur capacité à mobiliser. On ne sent pas venir une lame de fond. Attention cependant, la prévision sociale est une science bien difficile. Une allumette peut toujours mettre le feu aux poudres. C’est d’ailleurs pour ça que François Hollande et JeanMarc Ayrault ont concentré leurs efforts sur le r é g i me g é néral d e s retraites du privé. En cette période de morosité économique, il ne faudrait pas brusquer les gros bataillons des fonctionnaires – déjà concernés par le gel du point d’indice – ou des salariés du public. Quitte à un peu perdre son âme.
On reconnaît bien là le style de François Hollande, apôtre de la réforme tranquille et cherchant toujours à renoncer à tout ce qui peut faire réellement polémique.
IMPÔTS : LA « PAUSE FISCALE »… SURTOUT POUR LES ENTREPRISES
François Hollande a agi, cette fois, plus en politique qu’en expert économique. Face à la montée du thème du ras-le-bol fiscal, il a décrété la « pause ». Les nouvelles hausses d’impôts seraient donc plus faibles que prévu (6 milliards d’euros supplémentaires étaient programmés pour 2014). «!Pause!», le terme est ambigu. Cela signifiet-il qu’elles repartiront ensuite de plus belle"? Ce n’est sans doute pas ce qu’a voulu dire le chef de l’État, mais, après le coup de massue fiscal de 2012-2013 (plus de 30 milliards d’euros de hausses d’impôts, soit 1,5! point de PIB, après un montant équivalent décidé sous Nicolas Sarkozy), le doute est évidemment dans tous les esprits.
En outre, qui dit pause, ne veut pas dire stabilisation de tous les prélèvements obligatoires. JeanMarc Ayrault vient d’annoncer une hausse de 0,3!point des cotisations retraite, à échéance 2017. Une hausse qui concernera aussi bien les salariés que l es employeurs. Pour ces derniers, le gouvernement s’y est engagé, cette augmentation de charges serait compensée par une baisse équivalente des cotisations familiales. Depuis le tournant du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), à la fin de 2012, l’exécutif cherche avant tout à doper la compétitivité des entreprises.
Même avec la «!pause fiscale!» décrétée, les ménages, eux, vont devoir payer plus d’impôts. Ce ne serait pas le cas de l’impôt sur le revenu, dont le barème serait, en 2014, revalorisé selon l’inflation prévisionnelle, ce qui éviterait une troisième année d’augmentation de la pression fiscale via ce mécanisme détourné. En revanche, pas de pause en vue pour les hausses de TVA, dont le taux normal passera le 1er!janvier de 19,6"% à 20"%, voire plus. Car, quand François Hollande décide de stopper la frénésie fiscale, il pense aux projets en débat. Et non aux augmentations de prélèvements déjà votées, mais non encore appliquées.
Pour les Français, la hausse de TVA est, avec celle des cotisations retraite, bel et bien à venir. Le taux normal de TVA pourrait dépasser les 20"% à partir de janvier, en raison de débats sur le taux intermédiaire qui passera de 7"% à 10"%. Le gouvernement explique que ce taux concerne surtout la restauration et les travaux de rénovation à domicile. Mais il touche aussi le logement social, les transports collectifs, les cantines… Autant de secteurs qui verraient donc leur taux de TVA quasiment doubler par rapport au niveau de la fin de 2011 (il était alors de 5,5"%). C’est acté, le logement social ne sera pas concerné. Mais pour chaque secteur épargné, Bercy exige que le taux normal soit relevé à due concurrence, afin que soit assurée une recette de plus de 6!milliards d’euros.
Reste enfin la mystérieuse contribution énergie-climat, annoncée par Philippe Martin, le ministre de l’Écologie. Depuis, le gouvernement a promis que cette nouvelle taxe carbone se fera à prélèvements constants, par le « verdissement » de taxes existantes. Mais cela reste un des sujets les plus épineux de la rentrée. Sujet rejeté par les Français selon notre sondage (voir en pages!4 et 5).
PRÉPARER L’AVENIR SANS SACRIFIER LE PRÉSENT
Plus d’an an après son élection, François Hollande et son gouvernement restent confrontés au même problème : comment indiquer clairement aux Français une stratégie pour préparer l’avenir.
Pour rassurer les Français, l’exécutif multiplie les « coups ». En juillet, François Hollande a décidé de prolonger le grand emprunt de 35 milliards lancé en 2010 par Nicolas Sarkozy. Douze milliards supplémentaires viennent s’ajouter aux 5,5 milliards qui n’avaient pas encore été consommés. À quoi servira cette rallonge"? À financer la montée en gamme de l’économie française, via des investissements dans les filières du futur (biotechnologies, énergies, santé…), en valorisant la recherche issue des partenariats entre les acteurs publics et privés, en favorisant le développement de l’économie numérique et en modernisant les infrastructures de transport.
Des chantiers que devraient compléter les travaux de la Commission Lauvergeon « Innovation 2030 » chargée d’identifier une poignée de secteurs d’avenir. Leur présentation à Matignon est imminente. Ce n’est pas tout. Au ministère du Redressement productif, Arnaud Montebourg dévoilera le 12 septembre les 34!plans stratégiques des grandes filières industrielles afin de mettre en place une nouvelle révolution industrielle fondée sur la transition énergétique.
Tout cela s’inscrit dans le cadre du séminaire «! France 2025! » réuni à la fin d’août et pour lequel chaque ministre a remis un projet stratégique. Le commissaire général à la prospective, Jean PisaniFerry, doit présenter un rapport à la fin de l’année pour donner une feuille de route plus complète sur la transition de l’économie française vers les années 2020. Une démarche d’anticipation qu’a reprise à son compte le Medef, qui a lancé une commission «!France 2020!» sous la houlette de son nouveau président, Pierre Gattaz. Un des rendez-vous clés sera, les 20 et 21 septembre, la conférence de clôture du débat sur la transition énergétique, qui fait espérer aux optimistes 1 million d’emplois, mais reste encore très nébuleuse…
Ces initiatives, ainsi que toutes les mesures capables de stimuler l’innovation et la R&D, sont les bienvenues. Car il y a urgence. Incapable de concurrencer les pays émergents sur les produits à faible valeur ajoutée, produits dont le contenu technologique ne cesse d’ailleurs d’augmenter, la France peine aussi à rivaliser avec les pays industrialisés, notamment l’Allemagne, exportateurs de biens à fort contenu technologique. Ses industries autrefois phares s’essou%ent, en témoignent les di#cultés des constructeurs automobiles.
Résultat, la part de la France dans le commerce mondial ne cesse de reculer. Si elle s’élevait à 4,7"% en 2000, elle est tombée à 3,1"% en 2012, selon l’Insee. Quand l’Allemagne a#chait en 2012 un excédent commercial de 188 milliards d’euros, la France déplorait toujours un déficit de 67 milliards. Pour mettre le cap sur 2025, l’entreprise France va devoir mettre surtout le cap sur le monde…!