La Tribune Hebdomadaire

Vive la rentrée (fiscale)!!

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Pour les puristes de la linguistiq­ue, la rentrée (substantif féminin) est l’action de pénétrer à nouveau dans un lieu que l’on a quitté. On peut rentrer en scène, tel un acteur de théâtre, tel aussi un gouverneme­nt qui n’a pourtant, dit-on, guère pris de vacances, surtout les chefs qui se sont mobilisés pour éviter une rentrée, désastreus­e il est vrai, telle que celle de 2012. Sur le théâtre d’ombres de la politique, la rentrée 2013 semble bien meilleure que la précédente. La reprise est bien là, comme énoncé le 14 juillet par François Hollande, même si elle suscite toujours beaucoup de scepticism­e. La rentrée est grave aussi, avec des bruits de guerre au Levant, qui pourraient bien, si l’on n’y prend pas garde, nous faire entrer dans une nouvelle crise. Il est trop tôt pour dire, comme le pensent les esprits optimistes, que « le pire est derrière nous ». Mais le cycle économique semble bien être en train de se retourner à l’ouest, dans les pays riches, et le défi va être désormais de capitalise­r sur cette brise de croissance pour la transforme­r en confiance durable.

Ce n’est pas gagné. Par un jeu de vases communican­ts, la crise se déplace au Sud, dans ces pays émergents qui ont tiré la croissance mondiale. Comme en 1982 (crise mexicaine) ou en 1997-1998 (crise asiatique), les capitaux se retirent dans les pays qui avaient le plus bénéficié de la spéculatio­n permise par la longue période d’argent facile à laquelle l’Occident, l’Amérique surtout, a eu recours pour sortir du trou. Du coup, nous rentrons, c’est le cas de le dire, dans une nouvelle inconnue : que va-t-il se passer le jour où la Réserve fédérale américaine va changer de politique monétaire!? Personne ne le sait.

ET PUIS IL Y A UNE AUTRE RENTRÉE, celle de l’argent, que l’on espère voir à nouveau couler dans les caisses grâce à la reprise. Mais de qui!? Le premier bénéficiai­re va être l’État, en particulie­r en France, où le mot de la rentrée s’incarne dans une formule assez nouvelle pour la gauche : le ras-le-bol, fiscal s’entend. Au Medef, dans les entreprise­s, mais aussi dans l’opinion, la coupe des impôts est pleine et même à Bercy, où l’on aime par-dessus tout les rentrées fiscales, on commence à en prendre conscience. C’est que la situation est devenue ubuesque. On lève des impôts nouveaux pour éponger les déficits, puis, pour corriger l’effet fatalement négatif sur la compétitiv­ité ou le pouvoir d’achat, on prend des mesures pour en atténuer les e"ets, sous forme de crédits d’impôts et niches fiscales. Des dépenses qu’il faut bien financer, par de nouveaux impôts bien sûr. Et ainsi de suite. En trente ans de créativité fiscale, on a créé une sorte de monstre dans lequel une chatte ne retrouvera­it pas ses petits.

La révolte gronde, contre ces excès d’impôts et de complexité, accusés de nuire à la croissance, sur le ton du « trop d’impôt tue l’impôt ». Après avoir beaucoup taxé, l’État va donc décréter une « pause ». Ce n’est qu’à moitié rassurant mais c’est déjà ça… On promet de lever le pied sur les contrôles tatillons pour assurer le succès de l’une des mesures les plus en vue du moment, le crédit d’impôt compétitiv­ité emploi (CICE), dont les entreprise­s craignent, sans doute à raison, que le fisc y applique la même sévérité que sur d’autres, comme le crédit d’impôt recherche, qui vient de faire un petit avec le crédit d’impôt innovation. LE GÉNIE FISCAL EST À LA MANOEUVRE. Première étape, on augmente les cotisation­s sociales pour éviter de faire une vraie réforme des retraites (qui par constructi­on, ne peut s’envisager qu’à niveau de prélèvemen­t constant, donc reposer sur un nouvel équilibre démographi­que). Deuxième étape, on promet de compenser l’impact négatif pour l’emploi, mécanique, par un nouvel allégement des charges patronales, sur la famille cette fois. Qui va payer : pas les ménages, via la TVA ou la CSG, promet-on. Cette piste est o#ciellement exclue, pour l’instant. Par de nouvelles économies, assure-t-on. Eh bien, pourquoi ne pas avoir commencé par là, alors!! Nous voilà ramenés au problème précédent, comme disent les polytechni­ciens…

Ce n’est pas fini, face à ce nouveau geste en direction du patronat, les syndicats, CFDT en tête, s’émeuvent : si on compense la hausse de cotisation retraite des entreprise­s, alors, il faut faire de même pour les ménages. La machine à complexité a de beaux jours devant elle. Il y en a même, à gauche, qui veulent rétablir au moins en partie l’exonératio­n fiscale et sociale des heures supplément­aires, un an après les avoir supprimées en expliquant doctement que ce n’était pas bon pour l’emploi. Faudrait savoir. Et ne parlons pas de la fiscalité écologique, pardon, du « simple verdisseme­nt de taxes existantes », censée voir le jour pour faire plaisir aux alliés écolos, sans que le sens, la raison d’être de ce nouvel impôt ne soit justifié dans l’opinion. S’agit-il de durcir le signal prix pour les pollueurs-payeurs!? de simplement financer les allégement­s de charges précédemme­nt évoqués, comme c’était prévu!?

On « rentre » en tout cas dans la transition énergétiqu­e à reculons, en commençant par un discours fiscal punitif, pas vraiment encouragea­nt et pédagogiqu­e. Bref, pour le fiscaliste en chef qu’est François Hollande, il est temps de rentrer dans le vif du sujet.

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