La Tribune Hebdomadaire

L’ALLEMAGNE, UNE PUI

LES FAITS Le 22 septembre, les Allemands renouvelle­nt leur Parlement, le Bundestag. Compte tenu de la puissance acquise par la République fédérale depuis le début de la crise européenne en 2010, cette élection donnera le ton à l’Europe pour les quatre pro

- ROMARIC GODIN

Oubliez les élections européenne­s de 2014!! Le vrai scrutin, celui qui déterminer­a l’avenir de l’Europe pour les cinq prochaines années, se déroule le 22 septembre prochain. Ce jourlà, 61,8 millions d’Allemands seront invités à renouveler leur Parlement, le Bundestag. Or, l’Allemagne est désormais devenue, c’est un fait, le seul vrai centre de décision de l’Europe en crise. La nouvelle architectu­re institutio­nnelle qui en résulte est d’inspiratio­n allemande. Pour s’en convaincre, il su"t de regarder le pacte budgétaire, inspiré de la « règle d’or » inscrite en 2009 dans la constituti­on allemande, mais aussi le « two-pack », le « sixpack » ou les « programmes d’ajustement » du Fonds européen de stabilité financière (FESF) et du Mécanisme européen de stabilité (MES). Plus globalemen­t, la réforme à marche forcée des économies dites « périphériq­ues » autour d’un modèle centré sur les exportatio­ns, axé sur un faible coût du travail et la consolidat­ion budgétaire, n’est rien d’autre que l’applicatio­n de la recette du succès allemand. Le seul qui trouve grâce à ses yeux.

Rien n’a jamais pu se faire en Europe sans l’Allemagne, première économie européenne et source de la confiance des marchés dans l’euro. Ce qui est nouveau, c’est l’autonomie du pouvoir allemand. Là où, auparavant, il fallait trouver des compromis, il faut désormais attendre les choix – d’aucuns disent le diktat – de Berlin. Le recul de l’influence française, la crise qui frappe les pays du Sud, l’alignement des pays du Nord sur l’Allemagne, tout a conduit à cette puissance nouvelle. Ainsi, les euro-obligation­s, rejetées catégoriqu­ement par Berlin, ontelles rapidement disparu des options crédibles pour résoudre la crise de la dette.

À l’inverse, il faut reconnaîtr­e que pour sauver la zone euro, l’Allemagne a rendu possible ce qu’elle décrétait jusqu’alors comme inacceptab­le, à l’image du programme OMT de rachat illimité d’obligation­s souveraine­s par la BCE, qui n’a pu voir le jour en septembre 2012 que parce qu’Angela Merkel, en juillet, avait donné son feu vert sous la pression des marchés. Ce fut aussi le cas de l’union bancaire. Mais à chaque fois, ces dispositif­s ont été adaptés aux exigences allemandes. Bref, l’Europe

4 pages sur 150 consacrées à l’Europe dans le programme du SPD!; 1 seule page dans celui de la CDU.

peut encore proposer, mais c’est l’Allemagne qui dispose. Le Bundestag lui-même a acquis avec la crise un pouvoir inédit. Au point qu’il apparaît comme le seul véritable Parlement de la zone euro qui puisse réellement peser en Europe. Alors que les Européens e#acent par des menaces un vote négatif du Parlement chypriote, ils frémissent devant les votes du Bundestag qui sont capables de bloquer les décisions collégiale­s. Les décisions de la Cour constituti­onnelle de Karlsruhe depuis 2009 ont en permanence renforcé les pouvoirs de veto du Bundestag. Ainsi, tout centime versé par le MES doit avoir auparavant obtenu l’approbatio­n des députés allemands. L’Europe dépend désormais des rapports de force internes au Parlement allemand. C’est la volonté des sociauxdém­ocrates, dont le vote au Bundestag était incontourn­able, de « faire un exemple » sur un paradis fiscal qui a conduit Berlin à se montrer aussi sévère en mars avec Nicosie.

VERS PLUS D’IMMOBILISM­E ET DE GERMANISAT­ION

On comprend donc pourquoi l’Europe semble, depuis quelques mois, comme à l’arrêt. Aucun dossier important, de l’union bancaire au délicat dossier de l’e#acement des dettes de certains pays, n’avance réellement. L’Europe retient son sou$e et attend que les Allemands décident de son avenir.

Pourtant, si cruciales soient-elles pour le Vieux Continent, ces élections allemandes pourraient dans les faits ne rien changer en Europe. « Le scrutin ne modifiera pas la politique européenne de l’Allemagne. Seule une nouvelle aggravatio­n de la crise pourrait le faire » , assure Ursula Münch, directrice de l’Académie de sciences politiques (ABP) de Tutzing, en Bavière.

Certes, l’opposition sociale-démocrate et verte présente, sur le papier, une rupture avec la politique Merkel, avec des euro-obligation­s et un budget européen plus ambitieux. Mais cette coalition a peu de chance de l’emporter. La popularité d’Angela Merkel est telle qu’il va très probableme­nt encore falloir compter avec elle à la chanceller­ie pour les cinq années à venir.

« Les deux seuls scénarios possibles aujourd’hui semblent celui d’une “grande coalition” regroupant sociaux-démocrates et conservate­urs, ou celui d’une reconduc-

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France