«!Il faut se mettre “en mode projet” pour ces territoires!»
Le périurbain, la banlieue, le rurbain… ces territoires sont ( souvent mal aimés des pouvoirs publics. Comment expliquer qu’ils aient l’air aussi démunis dans ces territoires!?
VINCENT FELTESSE– E#ectivement, les espaces périurbains sont aujourd’hui encore largement méconnus et lorsqu’on en parle, c’est le plus souvent avec mépris. Par extension, ce sont aussi leurs habitants que l’on dédaigne, en stigmatisant leur cadre de vie… Ces territoires, résultat d’un étalement urbain qui n’a pas été contrôlé, font l’objet d’une planification territoriale défaillante. Ils ont été laissés à eux-mêmes, à leurs mutations. Les pavillons ont remplacé les fermes, les agriculteurs sont devenus ouvriers, employés, et ont peu à peu cédé la place aux «"travailleurs-navetteurs"» des villes, qui voulaient devenir propriétaires ou qui étaient contraints par les prix de l’immobilier. Aujourd’hui, le périurbain, c’est 15 millions de Français, qui sont encore ignorés de l’action publique, habituée à traiter de l’urbain – des centres-villes, des banlieues – et du rural. Et je vous parle d’expérience : je suis né dans ces territoires périurbains, dans l’Oise, j’ai grandi dans une cité de la Seine-Saint-Denis, et je vis aujourd’hui à Bordeaux, où la régulation urbaine est particulièrement développée… C’est ce logiciel, un peu binaire, qu’il est temps de remettre à jour pour faire face aux problèmes de précarité, d’accès aux services et aux emplois que connaissent le périurbain. La défaillance de l’action publique n’y est pas sans conséquences. Dans ces territoires il y a souvent une forte demande de ( protection et parfois un sentiment d’abandon qui expliquerait le vote FN de 2012. Comment envisager la « reconquête » et le développement territorial de ces territoires!? Les résultats des derniers scrutins ont fait réagir car ils ont montré que la ligne de fracture s’était encore élargie entre la France des centres urbains et celle des « marges urbaines », où l’extrême droite a largement séduit. Cela fait plusieurs années que nous alertons sur cette division du pays, notamment avec le groupe de réflexion « Les Métropolitaines », que j’ai créé avec Olivier Mongin. Pour cette population périurbaine, la plus éloignée de la ville et de ses services, la vie quotidienne n’est pas évidente : un temps précieux est perdu chaque jour en déplacements. La dépendance à l’automobile est quasi totale. Le rêve pavillonnaire peut facilement se transformer en piège pour les ménages à bas revenu quand l’emploi se fait rare et le pétrole cher. Ces territoires doivent être mieux connectés et intégrés : c’est une question d’égalité territoriale, et une responsabilité publique. Les modes de vie des habitants de ces territoires sont des modes de vie urbains. Vivre dans un logement confortable, dans un environnement sain, au milieu d’espaces publics intelligemment aménagés, avoir accès aux transports en commun, aux services, aux loisirs, tout cela ne doit pas être un privilège, c’est le droit de tout habitant d’une métropole, qu’il vive en centre-ville ou non. Pour cela, l’urba- nisation doit être repensée et mieux régulée : on ne peut plus laisser construire n’importe où et n’importe comment, loin des services, des transports et des emplois, n’en déplaise aux propriétaires fonciers, aux investisseurs immobiliers et aux maires. C’est là que l’on voit que l’urbanisme, à tort considéré comme pure a#aire de techniciens, est en réalité un outil politique majeur. Ne serait-il pas temps de revoir le niveau où concevoir les ( stratégies d’urbanisation du périurbain!? En e#et, il faut voir plus large et se placer à l’échelle de vie des habitants, dont les contours n’épousent pas toujours notre organisation administrative. Il est urgent de trouver les voies de cette nouvelle gouvernance et d’une nouvelle solidarité territoriale locale Il faut aussi se mettre en « mode projet » pour ces territoires : en termes de planification, d’aménagement opérationnel, d’habitat Les di#érents acteurs doivent se mobiliser : élus, monde agricole, aménageurs, agences d’urbanisme… Plusieurs dispositions de la loi Alur, qui sera discutée dès la rentrée parlementaire, vont dans ce sens en permettant une densification plus facile des zones urbaines, où se concentrent les besoins, en renforçant les Scot et en instaurant des PLU intercommunaux. Ils permettront d’appréhender le projet du territoire à l’échelle des « bassins de vie », pour apporter des améliorations concrètes à la vie de tous les jours des habitants.