L’HEURE DES « SILVERPLUS »
«!Silverplus », c’est le nom des personnes concernées par la « silver économie », l’économie des tempes argentées. Grâce aux apports des technologies de la communication et de la robotique, cette économie de proximité aux emplois non délocalisables, et qu
Dans un contexte de vieillissement de la population et de crise de la croissance avec un déficit public important, la tentation est grande de faire des retraités et des seniors des boucs émissaires. Pourtant, appréhender le vieillissement de la population au travers du strict coût financier est faux, injuste et empêche d’optimiser le rôle des seniors dans le modèle économique général. C’est révélateur d’une société en phase d’a"aiblissement de ses valeurs morales, incapable par ses réflexes égoïstes et ses tendances aux communautarismes sociaux et psycho-sociaux de penser une grande cohésion intergénérationnelle. Le « jeunisme » en est un avatar révélateur. Le problème intergénérationnel est traité sur le mode : les générations vieillies sont une charge pour les générations plus jeunes qui sont, elles, au labeur.
La réciproque est vraie et c’est un fait que les générations jeunes, en activité et au pouvoir, commencent à poser de sérieux problèmes aux générations considérées comme mises au rencart et ayant dételé. Il semble aller de soi que le changement technique ne peut être dominé que par des gens assez jeunes. Et l’on s’extasie sur la rapidité des pouces lanceurs de SMS ou la virtuosité des dix doigts manipulateurs d’Internet.
Mais l’avenir de nos sociétés ne dépend pas du nombre d’opérations réalisées mais du résultat de ces opérations. Et pour cette a"aire, il y a du souci à se faire. La multiplication des opérations quotidiennes exigeant une décision rapide oblige à une myriade de petites « expériences ». Car dans un domaine posé en termes neufs par une technique neuve pour prendre une décision rapide, il faut se résoudre à prendre un pari. À expérimenter. Ce n’est pas cultiver trop de sens critique que de faire remarquer que les médias remplissent chaque jour leurs programmes des bavures de ces expériences. L’actualité est alimentée par les dérapages d’un monde qui expérimente trop, trop vite et trop souvent en manquant de l’essentiel. En manquant de quoi#? D’expérience.
Voici vers quoi, il faut aller : l’expérience des vioques volant au secours des expériences des morveux, aurait pu dire Céline. Car voici bien l’essentiel. Ce monde neuf qui accumule les innovations ne fait jamais que transposer dans des techniques nouvelles des situations qui sont depuis toujours celles des humains. L’homme, dit-on, a toujours pensé aussi bien. Ou aussi mal#! Et l’homme de CroMagnon pourrait être PDG de Google.
Les gens d’expérience que l’on tient trop souvent pour des Cro-Magnon déconnectés ne se sentent en rien diminués intellectuellement par la nouveauté technique. Il est probable que si Einstein ou Pasteur revenaient, ils n’auraient aucun besoin de manier en virtuoses les claviers pour aider à résoudre les problèmes aigus du temps. Il faut le dire à nos sociologues fort préoccupés d’améliorer le sort collectif!: ne négligez pas « l’expérience ».
Le vieillissement de la population est un défi sociétal majeur, en raison des nécessités d’accompagnement des personnes et des aidants avec les questions de maintien à domicile, par les enjeux stratégiques en termes économiques et d’emplois de la «!silver économie!», en raison des risques humains et financiers de la dépendance. Mais au-delà de ces thèmes objectifs, son approche en dira long sur l’ambition de la société française quant à son modèle politique.
TROIS AXES POUR REPENSER LE CONTRAT SOCIAL INTERGÉNÉRATIONNEL
L’actualité de la réforme des retraites fait présenter les seniors comme des privilégiés#! La solidarité naturelle ne doit pas s’appuyer sur des présentations réductrices, voire injustes. Les retraités en question constituent au contraire un pivot intergénérationnel. En réalité, consommation importante (50#% de la consommation d’un territoire), épargne croissante avec l’avancée en âge et transferts intergénérationnels au profit des plus jeunes (estimés à 60 milliards) constituent des conditions d’équilibre. Sans parler du bénévolat ou de la mise à disposition de temps au profit des jeunes générations.
Deux ans gagnés d’espérance de vie se traduisent sur quinze ans par une épargne supplémentaire de plusieurs dizaines de milliards. Certes, il ne s’agit pas d’un chi"re net pour la société, mais il n’en demeure pas moins qu’un fléchage d’une partie de cette manne permettrait la mise en place d’une filière solidaire dans laquelle les services pour « un mieux vieillir » sont les bases d’un développement économique et d’emplois pour les jeunes générations. Ce sont les bases d’un pacte de génération macroéconomique. C’est la démarche engagée par la région Midi-Pyrénées, en particulier le Gers, et Toulouse métropole : filière économique et adaptation des territoires aux problématiques du vieillissement. De nombreuses expériences se développent dans les territoires. Il est temps de leur donner le cadre d’un modèle duplicable et de partager les bonnes pratiques expérimentées.
Il faut repenser la cohésion sociale intergénérationnelle. La problématique du vieillissement, comme la transition écologique, correspond à une profonde mutation sociale et à des conséquences économiques et financières stratégiques. Ce sont les « grands travaux » contemporains. Trois grands axes y participeront : − la mise en place d’une politique de prévention, de détection de fragilité. Ensuite l’accompagnement des personnes à domicile grâce aux technologies de la communication et à la robotique («!silver économie!»)#;
− le marché senior est mal exploité et nécessite des adaptations qui impliquent aussi bien les acteurs privés que publics. Ceci concerne par exemple la mobilité, comme la politique touristique, les produits alimentaires ou le fléchage de l’épargne… L’Allemagne, comme le Japon, a déjà pris à bras-le-corps ces sujets sous l’égide de l’État#;
− la réflexion sur l’harmonie générationnelle et une meilleure appréhension du rôle des seniors conduit à une société plus cohésive dans laquelle transmission et innovation constituent les deux faces d’une même pièce, le vrai sens du mot « moderne » contre celui de « modernisme ».
Le contrat social intergénérationnel consiste à marier les expériences et l’expérience. C’est le plus bel investissement d’avenir. Réformer les retraites dans l’adhésion passe aussi par ce consensus social bien compris.