La Tribune Hebdomadaire

Au pays du libéralism­e… d’État!!

- PAR PHILIPPE MABILLE @phmabille

F!rançois Hollande a donné les clés du camion au patronat et nous demande de monter dans la remorque », JeanClaude Mailly, FO. « Parfois, il y a peu de différence entre Hollande et Sarkozy », Thierry Lepaon, CGT… À lire ces réactions syndicales, on se dit que le « pacte de responsabi­lité » a du plomb dans l’aile (gauche). Ajoutez à cela la une de l’Humanité de mercredi 15 janvier, brocardant l’anaphore célèbre du candidat Hollande – « Moi, commis du patronat » – et, pour un peu, on donnerait du crédit aux attaques de la droite qui, bien embarrassé­e par ce « virage social libéral », affirme que le président de la République ne pourra pas appliquer son grand compromis social dans un pays aussi divisé. En France, ce n’est pas le moindre des paradoxes, le libéralism­e ne peut venir que de l’État. C’est ainsi, on peut s’en féliciter ou le déplorer, mais il est le seul acteur à même de se poser en arbitre des différence­s. On le voit sur le pacte de responsabi­lité, mais aussi, sur un tout autre sujet, avec son entrée aux côtés du chinois Dongfeng au capital de PSA Peugeot Citröen. Par un subtil équilibre capitalist­ique, le constructe­ur automobile va avoir désormais pour actionnair­es un triumvirat composé à parité (à hauteur de 14$% chacun) de l’État français, d’un assembleur d’automobile­s fondé en 1968 sous Mao, et de la famille Peugeot qui se voit diluée et «!punie!». Un lion à trois têtes, en quelque sorte… Avec cette opération, censée ouvrir enfin à Peugeot et Citroën un peu plus grandes les portes de l’immense marché chinois, l’État français sera l’actionnair­e stable des deux principaux constructe­urs automobile­s nationaux. Situation inédite dans le monde, et qui montre la fragilité de notre industrie. Sans l’État, Peugeot aurait risqué de se retrouver sous l’emprise du constructe­ur chinois. Sans l’État à leur capital, d’ailleurs, de nombreuses entreprise­s tricolores pourraient basculer dans des mains étrangères. Faisons le lien avec le pacte de responsabi­lité… Pour rassurer la gauche, le président de la République a concédé la création d’un ubuesque « observatoi­re des contrepart­ies », dont la mission sera de veiller à ce que les entreprise­s n’utilisent pas les allégement­s de charges supplément­aires pour augmenter les salaires des dirigeants (comme Dexia$!) ou les dividendes des actionnair­es. Mais bien pour créer des emplois en France. La précaution n’est pas illégitime. Depuis vingt!ans que, avec les accords Robien sous la droite puis les 35 heures sous la gauche, l’État mène une politique massive d’allégement des cotisation­s sociales sur les bas salaires, les résultats sur l’emploi ne sont pas vraiment au rendez-vous. Certes, les experts de Bercy assurent que sans cela, la situation de l’emploi, en particulie­r non qualifié, serait pire. Mais, si l’on fait les additions, on mesure avec effroi que la France de 2017 dépensera, y compris les 30 milliards annoncés par François Hollande, près de 50 milliards d’euros pour subvention­ner l’emploi. Sans doute est-il temps, plus que temps, de demander au Medef de jouer le jeu pour que cette fois, le donnant soit vraiment donné… Mais il ne faut pas se tromper dans l’ordre des facteurs. Le pacte de responsabi­lité vise à amplifier un peu la baisse du coût du travail afin que les entreprise­s puissent restaurer leurs marges, reconquéri­r des parts de marché à l’exportatio­n et, in fine, embaucher. L’État, actionnair­e de PSA, mais aussi de Renault, de GDF-Suez, d’EADS, de Thales, de Safran, d’Orange, d’Air France-KLM, est bien placé pour savoir que les contrepart­ies en emplois ne sont ni mécaniques ni quantitati­ves. Mais reposent sur un double pari encore hasardeux!: le retour de la confiance et celui de la croissance.!

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