La Tribune Hebdomadaire

Strasbourg, la fin des bouchons!?

Jusqu’aux élections municipale­s de mars prochain, La Tribune analysera les enjeux du scrutin dans les dix principale­s villes françaises. Troisième volet : Strasbourg. Ici, la relance par l’État du projet de contournem­ent autoroutie­r de l’agglomérat­ion, en

- STRASBOURG PAR OLIVIER MIRGUET, À @olivierm

Demi-tour sur le grand contournem­ent ouest, alias le GCO!! En pleine campagne pour les municipale­s, Roland Ries, le maire (PS) de Strasbourg, a cessé de s’opposer au projet de contournem­ent autoroutie­r de la ville, le GCO donc, qu’il qualifiait depuis plusieurs années de « mauvaise réponse à une bonne question ». Cette autoroute de 24"kilomètres, déclarée d’utilité publique par décret du 23 janvier 2008, doit détourner de l’A35 les flux en transit qui bloquent, matin et soir, la traversée de l’agglomérat­ion. Vinci, l’attributai­re pressenti de ce chantier de 750 millions d’euros, s’est vu retirer le projet par le ministre des Transports, Frédéric Cuvillier, en juin 2012. Officielle­ment, parce que le groupe français de BTP et de concession­s n’avait pas trouvé, sur les marchés financiers, les appuis nécessaire­s au montage du dossier. Officieuse­ment, a-ton entendu à Strasbourg, parce que le projet n’a jamais fait l’unanimité en Alsace. La relance du projet GCO, annoncée par l’État le 21 novembre 2013 sur la base d’un nouveau rapport du Conseil général de l’Environnem­ent et du développem­ent durable (CGEDD), a bousculé l’alliance politique strasbourg­eoise entre Roland Ries et le Vert Alain Jund, son adjoint à l’urbanisme depuis 2008. Les deux élus s’accordaien­t à affirmer que le GCO n’apporterai­t pas de solution à la mobilité des Strasbourg­eois. Ils ne sont plus d’accord. En cas de succès de sa liste verte aux prochaines municipale­s, à 10 % des voix au premier tour, Alain Jund conditionn­era son appui à Roland Ries à une réévaluati­on du dossier GCO. « Il a toujours été dit que le financemen­t prévu en partenaria­t public-privé serait indolore pour les collectivi­tés locales. C’est faux!! » s’emporte Alain Jund. « En cas de déficit d’exploitati­on, les collectivi­tés finissent toujours par payer. » La tête de liste des Verts fustige le projet de requalific­ation de l’actuelle A35 en boulevard urbain, préconisée par le CGEDD. « Pour 200 millions d’euros, il y a mieux à faire": électrifie­r les lignes de chemin de fer vers Saint-Dié et Sarreguemi­nes, renforcer les liens dans les transports avec l’Allemagne » , propose Alain Jund. Dans son « expertise sur les déplacemen­ts dans la périphérie de l’agglomérat­ion strasbourg­eoise », le CGEDD observe et quantifie la saturation de l’A35" : entre 133!000 et 180!000"véhicules en moyenne journalièr­e. 20 % de ces véhicules ne font que transiter par l’agglomérat­ion strasbourg­eoise, sur un trajet de longue distance. Le GCO vise à les supprimer. Le nouveau projet, qui se dessine à la lumière de ce rapport de 114"pages, ne serait que légèrement reconfigur­é (deux fois deux voies, sans l’emprise foncière qui permettrai­t l’élargissem­ent sur une troisième voie), et assorti de mesures renforcées pour inciter au report modal aux portes de l’agglomérat­ion. Le tracé, entre Vendenheim et Innenheim, tangente les riches terres agricoles du Kochersber­g dans la lointaine banlieue ouest de Strasbourg. Il reste inchangé. L’emprise foncière du tracé, amputée de la réserve prévue pour sa troisième voie, est réduite de huit mètres en largeur. « Le budget serait réduit de 50 à 80 millions d’euros », calcule Jean Panhaleux, inspecteur général des ponts, des eaux et forêts, coauteur du rapport au CGEDD. Le préfet du Bas-Rhin a prévu le lancement, au début de 2014, d’un nouvel appel d’offres pour la mise en concession.

CCI ET ENTREPRENE­URS SONT POUR LE CONTOURNEM­ENT

« Ma position n’a pas varié » , maintient Roland Ries, partisan d’un boulevard urbain sur l’ancienne autoroute en centre-ville. « La solution viendra des mesures prises pour l’apaisement de la circulatio­n sur l’A35. Je suggère d’y installer des couloirs de bus et de favoriser le covoiturag­e sur les axes entrants. » Philippe Richert, président (UMP) du Conseil régional d’Alsace, n’a jamais manqué d’enthousias­me sur le GCO. « Ce chantier promet 1!500"emplois pendant trois"ans » , prévoit-il sans entrer dans le détail, pourtant douloureux, du cofinancem­ent des collectivi­tés dans un futur PPP. Philippe Richert, optimiste, annonce la mise en service de l’autoroute en 2018. Les rive- rains et opposants au projet continuent de se référer à une étude livrée en 2005 du cabinet d’experts allemand TTK. Ils estiment que le report des camions en transit serait quasi-nul, et promettent de nouvelles manifestat­ions. Les chefs d’entreprise, lassés par la congestion quotidienn­e de l’autoroute à Strasbourg, voient le GCO d’un autre oeil": ils n’ont jamais cessé de militer pour la séparation des flux locaux et de transit. Après le retrait de Vinci, l’action de lobbying menée avec la CCI locale a porté ses fruits. Le 21 novembre 2013, la CCI criait victoire. « Les rapporteur­s ont considéré nécessaire la séparation entre les flux de transit et les flux locaux. Ils estiment que le GCO accueiller­a entre 26!000 et 30!000 véhicules par jour » , affirme son président Jean-Luc Heimburger. Le contexte transfront­alier de l’agglomérat­ion, tangentée à l’est par l’autoroute allemande A5, est secondaire dans les débats à Strasbourg. La mise en place, en 2006, du péage pour les poids lourds en Allemagne (LKW Maut) a pourtant entraîné le report de 3!000"camions sur la rive française du Rhin, où l’A35 est gratuite. La mise en oeuvre de l’écotaxe française, repoussée par le gouverneme­nt, aurait rééquilibr­é les flux entre l’Alsace et le Pays de Bade. « Le GCO, c’est 121 millions d’euros d’économies par an pour les entreprise­s de transport de marchandis­es, calculés en gain de temps » , insiste Jean-Luc Heimburger. Sans oublier les entreprise­s locales de travaux publics, présentes dans les cercles de lobbying de la CC": l’alsaco-lorrain Lingenheld ne compte pas, dans ce deuxième tour, se laisser souffler le marché par les majors nationales des TP.

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© THOMAS WIRTH / AFP Comment réduire les embouteill­ages dans la capitale alsacienne ? Tel est le débat majeur de la campagne des élections municipale­s.

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