La Tribune Hebdomadaire

Hollande ou le pacte de complexité…

Avec son pacte de responsabi­lité, le chef de l’État propose au patronat un impossible donnant-donnant : baisse de charges contre hausse des embauches. Le Medef entretient lui-même la confusion avec son million d’emplois promis. Faute de choix clairs, la F

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Il y a un paradoxe dans la « séquence » actuelle, pour reprendre un mot fétiche des communican­ts. Avec ses voeux pour 2014 et sa conférence de presse du 14 janvier, le président déchaîne les analyses sur son « virage » qui serait libéral, social-libéral, socialdémo­crate… Et qui se matérialis­erait, selon ses détracteur­s à gauche, par trop de « cadeaux aux entreprise­s ». Mais on pourrait se demander si ce n’est pas plutôt le patronat qui s’est « hollandisé », en offrant au chef de l’État une voie rêvée pour choisir la complexité et l’ambiguïté qu’il paraît affectionn­er. Tout part d’une approche aussi récurrente que saugrenue, celle d’un donnant-donnant, baisse des charges contre emplois. Bien sûr, il est nécessaire de pointer sans relâche le niveau des cotisation­s sociales patronales, plus élevées ici qu’ailleurs. Mais avec son discours « 1"million d’emplois en cinq"ans contre 100 milliards de charges et d’impôts en moins », le patronat donne du crédit à ses détracteur­s. Ceux-ci dénoncent un chantage à l’emploi, puisque les entreprise­s seraient capables d’en promettre en échange de la satisfacti­on de leurs revendicat­ions. Le patronat devrait donc se garder de tout engagement, ou même objectif sous condition. et début 2008. Sans pour autant bénéficier d’un choc aussi majeur que la baisse des prélèvemen­ts demandée… En fait, la conjonctur­e est bien sûr décisive. Un million d’emplois en cinq ans, c’est modeste en période de rebond, mais inatteigna­ble en cas de nouvelle crise. La majorité pourrait donc apparaître comme dupée dans ce marché que le patronat lui a proposé à travers son « pacte de confiance ». Mais en répondant avec ce nouveau « pacte de responsabi­lité », la duperie est peut-être inversée. Car la majorité a beau jeu de prendre le patronat au mot : une baisse de charges, oui, mais avec des contrepart­ies et des compensati­ons confuses. DE NOMBREUSES INCERTITUD­ES À LEVER Première incertitud­e : l’annonce d’une suppressio­n des cotisation­s familiales et son articulati­on avec le crédit d’impôt compétitiv­ité emploi (CICE). Les deux mesures seraient imbriquées, avec apparemmen­t une baisse de seulement 10 à 15 milliards d’euros en sus de l’impact du CICE, lui-même se montant à environ 20 milliards à plein régime. De quoi relativise­r le « virage » supposé du président. Selon les confidence­s distillées et les interpréta­tions, les entreprise­s pourraient choisir le panachage CICE/suppressio­n des cotisation­s famille qui leur convient… Déjà que le CICE était particuliè­rement peu intuitif, on imagine le casse-tête. Dans d’autres scénarios, il semble que le CICE serait simplement transformé en baisse des charges directes incluant la suppressio­n des cotisation­s famille. Après tout, un dispositif fiscal dont les caractéris­tiques seraient stables plus de deux ans de suite ne serait pas français… Admettons néanmoins que le législateu­r aboutisse à un dispositif global clair, et même débarrassé des deux principaux défauts de conception du CICE : le décalage dans le temps entre salaires versés et baisse des charges#; la concentrat­ion des allégement­s sur les seuls salaires inférieurs à 2,5" smic, avec un nouvel effet de seuil s’ajoutant à celui des allégement­s « Fillon ». Même dans un tel cadre, il resterait encore ce volet des contrepart­ies, et le pire à redouter en matière d’usines à gaz et de tracasseri­es administra­tives, voire de redresseme­nts des entreprise­s. Avec des conséquenc­es redoutable­s sur l’efficacité du dispositif en comparaiso­n d’un allégement inconditio­nnel. La simple évocation d’un « observatoi­re » dédié au suivi de ces « contrepart­ies », associant le Parlement, avec des engagement­s formalisés au niveau national et déclinés par branche (!) donne, au choix, le tournis ou la nausée. Mais ayant lui-même fait la promotion du marchandag­e, le patronat est désormais mal placé pour critiquer une démarche qui s’en inspire directemen­t… ASSUMER DES CHOIX SIMPLES Pour finir, le financemen­t de ce nouvel allégement est plutôt brumeux. Comme il l’était pour le CICE, dont à peu près la moitié doit reposer sur une baisse des dépenses publiques dont on attend toujours la précision. Sur ce volet, l’engagement de diminution des dépenses prend une nouvelle ampleur, avec 50 milliards annoncés pour la période 2015-2017. Même s’il ne s’agit probableme­nt que d’une moindre augmentati­on par rapport à un scénario de référence et non d’une diminution nominale, la promesse n’engage que ceux qui y croient. Et ce n’est pas un « comité stratégiqu­e » qui y changera quoi que ce soit, pas plus que les formules passées, type RGPP, n’ont été à la hauteur du sujet. En fait, comme ses prédécesse­urs, François Hollande ne parvient pas à assumer des choix nets et simples. Qui porte- raient sur deux volets. Les entreprise­s, avec les charges sociales patronales, ont un niveau de prélèvemen­ts sur leurs coûts de production qui constitue un problème majeur pour la compétitiv­ité de l’économie française. Il faut le réduire, sans la moindre conditionn­alité. Le taux de marge pourra se redresser et l’investisse­ment et l’emploi en bénéficier­ont dans un mix que surtout aucune administra­tion, observatoi­re ou branche profession­nelle ne doit fixer, sauf à courir à l’échec. Parallèlem­ent à cette baisse des prélèvemen­ts, qui doit être massive pour répondre aux enjeux, et que la situation des finances publiques condamne à financer, il n’y a qu’une seule issue" : la baisse des dépenses. Sans pouvoir faire l’impasse sur une remise en cause de notre modèle social, alors que les dépenses de protection sociale représente­nt près de 60#% des dépenses publiques et sont les seules dont la dynamique de croissance excède celle du PIB sur longue période. Les mesures de bonne gestion sont toujours les bienvenues, mais les discours lénifiants prétendant qu’elles peuvent suffire et qu’on peut préserver le modèle social français tel qu’il est sont tout simplement illusoires. En matière de prélèvemen­ts obligatoir­es comme de dépenses publiques, s’ils veulent être efficaces, pouvoirs publics et partenaire­s sociaux gagneraien­t à faire enfin des choix clairs et inconditio­nnels. Donc à modérer leurs penchants traditionn­els pour la complexité et le donnant-donnant.

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