Des villes entre mirages et réalité
Toute discussion sur les villes intelligentes passe – sans prévenir – du rêve, qui promet plus qu’il ne peut tenir, au désespoir de constater l’état de nos villes. Imaginez ce que peuvent penser les habitants du Caire auxquels on fait miroiter la perspective de Masdar (dans le désert d’Abu Dabi), qui promet d’être neutre en termes d’émissions de gaz carbonique et de déchets. Entre mirages et réalités, nous ne saurions ignorer les projets des architectes et des urbanistes qui, partout dans le monde, travaillent à l’amélioration de nos villes. Le site weburbanist.com, « magazine digital d’architecture urbaine, art, design, voyages et technologie », vient de leur consacrer un article stimulant. Tous font le pari de l’hyperdensité et de la « marchabilité », avec une touche de vert. Parfois intense. Des concepts dont certains ont déjà un début de réalisation. Les termes d’abord. L’hyperdensité caractérise les villes où la densité est suffisante pour que la construction d’un métro ait un sens (selon Vishaan Chakrabarti, professeur à l’université de Columbia et auteur d’un livre sur le sujet). Elle augmente à mesure que l’on construit des gratte-ciel et donne des agglomérations qui sont, selon le même auteur, « les moteurs économiques les plus efficaces, les plus durables dans leur de la population », entre autres. Sans oublier la « cyclabilité », qui gagne en acceptation. Tout est donc censé changer quand, au lieu de les ajouter comme autant de problèmes, on réunit hyperdensité, marchabilité et espaces verts dans des projets de villes nouvelles, comme le font les quatorze cas recensés par WebUrbanist dont voici quelques exemples. La ville chinoise de Chengdu (14 millions d’habitants), se lance dans la construction en pleine campagne d’un centre urbain de 80"000 habitants tout en hauteur. Les voitures en seront bannies, mais on pourra se rendre à pied du centre à la périphérie en 10#minutes. Ce qui devrait permettre de consommer 48"% d’énergie et 58"% d’eau en moins qu’une ville traditionnelle, et de produire 89"% moins de déchets solides. Les villes avoisinantes seront accessibles en transports publics. S’inspirant d’une antique passion chinoise, la ville de Guiyang (4 millions d’habitants) a décidé de lancer Shan Sui (ville des montagnes et de l’eau) sur le même principe d’une très haute densité avec accès piétonnier à tout ce qui compte : les espaces publics et verts autant que les écoles, les hôpitaux et les emplois. Le point commun, non dit, de la plupart de ces projets, c’est qu’ils concernent des nombres très réduits d’habitants. Et voir petit ne résout pas tout. Harvest City, ville flottante de 30"000 habitants, pourrait voir le jour en Haïti. Elle sera partiellement consacrée à l’agriculture, conçue pour résister aux cyclones… et, plus que probablement réservée à ceux qui ont les moyens. C’est pour cela que je trouve intéressante la notion de Multiplicity lancée pour Melbourne avec, en son coeur, celle de diversité. Le cabinet d’architectes John Wardle pense pouvoir allier l’hyperdensité et « des topographies urbaines comprenant la production de nourriture, le recueil des eaux de pluies et la génération d’énergie » . Vision d’autant plus séduisante qu’elle propose que « la forme [y] suive la fiction » . Mais n’ayons pas trop peur. Cette ville de rêve n’est envisagée que dans cent ans. Espérons que, d’ici là, ce cabinet propose des projets tout aussi bien conçus mais un peu plus réalistes.#