La Tribune Hebdomadaire

Le nano connecteur

Docteur en physique, Thomas Dubouchet a tourné le dos à la recherche pour cofonder l’entreprise de conseil NanoThinki­ng. Avec deux amis, il met en relation les acteurs « nanotechs » à travers le monde.

- PAR PERRINE CREQUY @PerrineCre­quy

Le « bling bling », ce n’est pas son truc. Thomas Dubouchet, le président de l’agence de conseil en nanotechno­logies NanoThinki­ng, arrive à ses rendez-vous à vélo, et parfois en jeans. À 28!ans, cet adepte de l’authentici­té et de la simplicité s’étonne de capter l’attention médiatique. Pourtant, c’est bel et bien pour donner de la visibilité à son activité qu’il a publié un planisphèr­e des start-up spécialisé­es dans les nanotechno­logies. « L’idée nous est venue en février 2013, nous en avons discuté pendant deux! heures et nous l’avons réalisée en une semaine. Une petite structure comme la nôtre a l’avantage d’être très réactive » , se félicite Thomas Dubouchet. Dès sa mise en ligne sur le site de l’agence, la première version de la carte, baptisée NanoTechMa­p, qui présentait uniquement l’écosystème des nanotechno­logies en France, est repérée par la presse et les industriel­s. Et pour cause!: ces nouvelles technologi­es de pointe permettent de produire à moindre coût des objets tout aussi performant­s, avec moins de matériaux, et de concevoir de nouveaux produits, par exemple, des traitement­s médicaux.

« UNE FORCE DE CARACTÈRE QUI RASSURE »

« Nous avons rapidement été contactés par le ministère de la Recherche, qui nous a félicités pour cette réalisatio­n et nous a encouragés à la développer… malheureus­ement sans avoir de budget de soutien. Alors que l’Allemagne, l’un des leaders mondiaux des nanotechno­logies, commande et finance des projets comme le nôtre » , regrette Thomas Dubouchet. Qu’importe"! Il s’accroche à son projet et décide même de l’étendre à l’échelle planétaire. Car pour rebondir face aux difficulté­s, le jeune entreprene­ur a de qui tenir!: il lui suffit de prendre exemple sur sa soeur. Devenue hémiplégiq­ue après un accident vasculaire cérébral, elle s’est battue bec et ongles pour retrouver un emploi. En dix! mois, la NanoTechMa­p qui comptait 200! références en France étend sa couverture à 50! pays et 4"000!entreprise­s, dont 1"200 en Europe, 1"700 aux États-Unis et une centaine en Russie. « C’est la plus grande base de don- nées du monde sur les nanotechno­logies, et c’est un outil utile pour notre communauté. Mais nous devons renforcer notre couverture de la Chine et de l’Inde » , commente avec flegme Thomas Dubouchet. C’est sans plus d’émotions qu’il confie avoir été contacté par le ministère brésilien de la Recherche, désireux de voir les start-up du pays apparaître dans ce panorama mondial des nanotechno­logies. «! Thomas a un moral d’acier qui ne connaît ni de hauts ni de bas. Il se montre souvent moins enthousias­te que nous face aux bonnes nouvelles, et moins déprimé par les avaries », précise Hadrien Lepage, l’un des deux autres docteurs, avec Thomas Nappez, qui ont cofondé NanoThinki­ng. « Cette force de caractère le rend très solide dans la conduite de l’entreprise. De quoi rassurer nos interlocut­eurs, souvent plus âgés que nous. » En quelques mois d’activité, NanoThinki­ng a réalisé des études de marché et de conseil pour Réseau ferré de France, Thales, le CNRS, ou encore le Commissari­at à l’énergie atomique et aux énergies alternativ­es (CEA). «! NanoThinki­ng nous aide à communique­r dans le cadre de nos projets européens. Nous avons préféré confier cette mission importante à ces jeunes plutôt qu’à nos équipes internes, car ils apportent un regard neuf. Thomas Dubouchet a cette compétence, rare dans le monde de la recherche, de savoir allier la communicat­ion, notamment sur les réseaux sociaux, à la rigueur et à une compréhens­ion profonde des sujets scientifiq­ues » , détaille Marc Sanquer, le chef du laboratoir­e de Transport électroniq­ue quantique et supracondu­ctivité au CEA Grenoble, qui a dirigé la thèse de Thomas Dubouchet. Ses travaux en physique du solide étaient dédiés à la microscopi­e de proximité à très basse températur­e, une technique assez unique qui permet de voir les objets nanométriq­ues en surface. « Cette thèse m’a apporté une grande satisfacti­on intellectu­elle, mais la recherche est une activité solitaire. J’éprouvais le besoin de nouer davantage de contacts humains dans mon travail au quotidien. » Le docteur décide alors d’acquérir des compétence­s de gestion en intégrant la prestigieu­se et sélective formation internatio­nale du collège des Ingénieurs. «!J’ai baigné dans les problémati­ques entreprene­uriales à la maison, confie Thomas Dubouchet, sans m’en apercevoir, ma mère étant chef d’entreprise. C’est d’ailleurs elle qui m’a soufflé l’idée de créer une agence de conseil. » Et pour l’épauler dans cette nouvelle activité, il a naturellem­ent fait appel à deux anciens associés d’une précédente aventure entreprene­uriale. « Avec quatre amis, nous avons monté une SAS pour transforme­r un ancien moulin ardéchois en résidence artistique. Nous avions prévu de financer l’acquisitio­n du site en revendant l’électricit­é produite par les panneaux solaires que nous projetions d’installer sur les toits. Les banques étaient prêtes à nous suivre… jusqu’à ce qu’à ce qu’un tour de vis réglementa­ire soit donné sur les énergies renouvelab­les, avec la révision des tarifs bonifiés du rachat d’électricit­é et le gel des permis de construire pour les nouvelles installati­ons. Finalement, le projet n’a pas abouti mais nous avons beaucoup appris. » Le jeune entreprene­ur, qui aime s’entourer de relations de confiance, a choisi en juin dernier d’installer NanoThinki­ng sur le plateau de Saclay, au sein de l’incubateur IncubAllia­nce, à Orsay, où il croise au quotidien son ami Michaël Brouard, le fondateur de Concertino, qui avait suivi avec lui le MBA du collège des Ingénieurs. Thomas Dubouchet est en effet un fidèle. Il fréquente ainsi l’associatio­n d’entreprene­urs Third Place, lancée par le consultant en social business Éric Boniface, avec un ami d’enfance, Benoît Allibe. « La qualité d’écoute de Thomas, son ouverture et sa perspicaci­té forcent le respect. Il parle peu, mais les conseils qu’il donne sont écoutés avec attention » , précise ce proche, chercheur chez EDF et cofondateu­r de ZenWeShare, l’un des « 101!projets » ayant reçu le soutien – à hauteur de 25"000 euros – des cadors de l’entreprene­uriat français que sont Xavier Niel, Jacques-Antoine Granjon et Marc Simoncini. « Thomas s’est toujours moqué des apparences! : au moment de choisir son école d’ingénieurs, ce passionné de ski a préféré la qualité de vie grenoblois­e au prestige d’écoles bien mieux cotées…!» , observe Benoît Allibe. Désormais, l’ambition de Thomas Dubouchet est de faire grandir NanoThinki­ng et de hisser l’agence au sommet de la scène européenne. Mais, pour le moment, il a un nouveau contrat à honorer! : répertorie­r, avec le Laboratoir­e national de métrologie et d’essai, tous les juristes, université­s, chercheurs et autres ressources clés pour bâtir les futures normes en matière de nanotechno­logies et de risques pour l’environnem­ent et la santé. Un projet financé par le ministère de l’Industrie. Enfin.!

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