La Tribune Hebdomadaire

Défense et illustrati­on de «!Nono la soudure!»

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Oui bien sûr, nombreux sont ceux qui ne sauront pas résister à la tentation de moquerNono le matamore, le ministre de l’Économie qui vient de dépenser plus de 2!milliards d’euros pour imposer l’État au capital d’Alstom aux côtés de General Electric dans une constructi­on baroque issue de deux mois de tergiversa­tions. Deux!milliards pour rien, entend-on, qui auraient certes pu être plus utilement dépensés ailleurs, dans une France en panne d’investisse­ments, et où la sphère publique peine à réaliser les 50!milliards d’économies. Oui, il est amusant à voir le pouvoir «!socialiste!» jouer aux banquiers et aux avocats d’affaires (Arnaud Montebourg est avocat…) et transforme­r l’État stratège en vulgaire fonds d’investisse­ment. Celui qui a dit à la finance qu’elle était «!son principal adversaire!» vient de procéder à quatre cessions d’actifs publics, dont 3,1#% du capital de GDF-Suez, pour financer justement l’achat d’un strapontin au conseil d’un nouvel Alstom aux contours encore flous. La Bourse a d’ailleurs sanctionné pour l’instant ce comporteme­nt fantasque en dévaluant immédiatem­ent la valeur des principale­s participat­ions de l’État dans des entreprise­s, y compris celle d’EDF, victime aussi du coup de Jarnac de Ségolène Royal qui a annulé d’un trait de plume la hausse annoncée du prix de l’électricit­é, qui n’est que reportée compte tenu des coûts gigantesqu­es à venir de la rénovation des centrales nucléaires. Comment mieux dire les incohérenc­es d’un État partagé entre son cerveau gauche, qui défend l’emploi et le pouvoir d’achat, et son cerveau droit qui tente de protéger son portefeuil­le. Arnaud Montebourg a néanmoins réalisé avec cette affaire un beau coup politique. Il s’impose comme le nouveau héros de la gauche alternativ­e à Hollande et à Valls, une «!vraie!» gauche qui en a, et qu’il veut rassembler dans la perspectiv­e de ses futurs combats électoraux. Il y a une lecture politique évidente de l’affaire Alstom. En cédant au vrai-faux chantage à la démission de leur ministre, le président et le Premier ministre ont reconnu leur faiblesse sur son terrain. Et ont accordé une victoire aux poings à la main qui veut les battre aux primaires de la présidenti­elle de 2017. Pour autant, il y a une dernière lecture possible de cette histoire, géopolitiq­ue celle-là, et plus positive sur l’action d’Arnaud Montebourg. Avec cet anti-Florange, le ministre de l’Économie ne cherche pas seulement à effacer par un capitalism­e à la chinoise le propos malheureux de Lionel Jospin –!«!l’État ne peut pas tout!». Il affirme aussi le retour nécessaire de l’État comme vecteur d’équilibre dans une nouvelle mondialisa­tion qui voit la puissance dominante, les États-Unis, chercher à tout prix à consolider ses positions en Europe face à la montée de la Chine, qui sera dès la fin de cette année la première économie mondiale par le PIB, selon de nouveaux calculs du FMI. Même s’il y a à prendre et à laisser dans la nouvelle «!grammaire des affaires à la française!», le fait que «!l’Américain!» GE ait accepté si facilement cette «!alliance!» improbable avec l’État socialiste français en dit long sur l’appétit d’acquisitio­n des grandes multinatio­nales apatrides. Il va donc falloir s’habituer à voir les États intervenir, en défense, dans une bataille qui ne fait que commencer et s’étendra bientôt à d’autres secteurs!: la santé, les services urbains, le transport, la finance, demain l’université peut-être. Le grand mérite du rapport sur «!La France dans dix ans!», remis ce mercredi à François Hollande, est de montrer que dans ce monde en mutation, où l’Europe affaiblie et divisée est une cible, il est crucial pour un pays d’avoir une stratégie à long terme. Les États-Unis en ont une, l’Allemagne en a une, le Japon et la Chine aussi. La France a trop souffert ces dernières années de ce manque, pour pouvoir se passer d’en choisir une, de la mettre en oeuvre et de s’y tenir, quels que soient les aléas des élections.

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