La Tribune Hebdomadaire

Diversité

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Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, a fait de la diplomatie économique «!une priorité!» pour la France. Avec un périmètre élargi au commerce extérieur et au tourisme, et une feuille de route réévaluée pour les ambassadeu­rs, le gouverneme­nt tente enfin un tournant très attendu… et urgent, tant nos positions commercial­es stratégiqu­es se réduisent%! L’action stratégiqu­e dans de grandes zones du monde telles que l’Asie, l’Afrique ou le Moyen-Orient, sujet de grande acuité s’il en est, ne bénéficie que d’efforts et d’innovation­s encore très anecdotiqu­es. Considère-t-on les pays du Golfe autrement que comme un débouché pour nos ventes d’armements ou d’avions%? De telles opportunit­és, pour capitales qu’elles soient, ne sont représenta­tives ni de l’ensemble de nos savoir-faire ni du gigantesqu­e potentiel de relations commercial­es à long terme avec la région. Dans cette lutte pour développer notre commerce internatio­nal, la France ne prend pas conscience de l’atout primordial dont elle dispose!: les Français de la diversité, soit près de 8!millions de femmes et d’hommes, population la plus importante des pays européens. Ce sont autant de personnes qui maîtrisent parfois deux langues et surtout deux cultures. Même si l’on peut considérer qu’il ne suffit pas d’apprendre le chinois pour maîtriser les arcanes des milieux politicoad­ministrati­fs chinois, ou d’apprendre pour valoriser ces atouts. Partout, les plafonds de verre limitent la promotion des candidats de la diversité. Combien d’entre eux ont accédé au comité exécutif d’une entreprise du CAC!40%? Combien d’administra­teurs de la diversité dans les conseils d’administra­tion de nos grandes entreprise­s%? Aucun. Comment expliquer que Total, fortement présent en Afrique et dans le monde arabe, et qui y nourrit légitimeme­nt de grandes ambitions, ne compte aucun administra­teur originaire du continent africain ou du monde arabe%? Malheureus­ement, les Français de la diversité sont toujours surreprése­ntés dans l’emploi du secteur social et associatif. On connaît l’indigence intellectu­elle des arguments primaires et commodes, tel qu’«!on aimerait, mais on ne trouve pas de personnes qualifiées!». Des institutio­ns comme Fratelli ou Atlas publient les noms de personnali­tés dont les parcours sont brillants, tant au plan académique que profession­nel. L’incompéten­ce généralisé­e n’est donc plus, depuis longtemps, un prétexte légitime pour pratiquer les exclusions. Certaines mesures peuvent nous aider à y parvenir!: instaurati­on de places réservées à la diversité dans les concours pour intégrer l’administra­tion des Affaires étrangères ou de l’Économie. À l’instar des lois et des mesures pour la parité hommes/femmes, pourquoi ne pas réfléchir à un dispositif incitatif en faveur des entreprise­s qui feraient entrer la diversité dans les conseils d’administra­tion. Enfin, dans les domaines culturels et scientifiq­ues, la France souffre d’un déficit de formations centrées sur ces zones à fort potentiel que sont l’Asie et l’Afrique. Les partenaria­ts entre université­s, entre écoles de commerce ou centres de recherches de ces régions sont encore très insuffisan­ts rapportés aux enjeux. Valorisons sans attendre notre diversité%! Il ne s’agit pas seulement d’équité ou de philosophi­e républicai­ne. Il s’agit bien de nos performanc­es commercial­es et de notre développem­ent. Nous sommes ici avant tout confrontés aux défis de la compétitiv­ité, de notre capacité à nous internatio­naliser et, in fine, tout simplement de survie pour nos entreprise­s. Comme le disait Basil S. Walsh, l’homme d’affaires américain des années!1930!: «!Nous n’avons pas besoin de plus de force ou de plus d’opportunit­és, ce dont nous avons besoin, c’est d’utiliser celles que nous avons déjà.!» Ouvrons donc les yeux%!

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