SÉVERIN MARCOMBES
Il commercialisera en septembre Lima, son dispositif qui unifie les mémoires informatiques. À 27 ans, après avoir collecté 1,2 million de dollars de commandes sur le site de crowdfunding Kickstarter, il vient de recevoir 2,5 millions de dollars de Partech
Entrepreneur de 27 ans, il va commercialiser un boîtier synchronisant la mémoire de tous nos appareils connectés.
Le calme avant la tempête. Séverin Marcombes, 27!ans, finalise les préparatifs du lancement commercial, en septembre, de son premier produit!: Lima, un boîtier qui tient dans une poche et qui permet d’unifier la mémoire de ses ordinateurs – Mac et PC –, smartphones et tablettes, en offrant la disponibilité du cloud computing, tout en gardant le contrôle de ses données. Plutôt que de se répandre en explications, le fondateur de la société Forgetbox, qu’on appelle désormais Lima, préfère lancer une vidéo de démonstration. En deux minutes, le film tourné à la mi-juin lors du festival du numérique Futur en Seine, montre comment le boîtier, branché sur une box Internet et sur un disque dur externe, devient la mémoire de tous vos appareils, vous permettant de récupérer en moins de deux secondes sur votre ordinateur au bureau la dernière version du document que vous avez créé à votre domicile puis annoté via votre smartphone. Tout en soulignant qu’il reste consultable sans connexion Internet.
« IL SAIT CE QU’IL NE SAIT PAS, N’HÉSITANT PAS À S’ENTOURER »
«! Dès cet été, nous allons livrer les premiers exemplaires produits!: une série spéciale, noire avec une bague bleue, pour nos “backers”, qui ont précommandé Lima sur Kickstarter! » , précise posément Séverin Marcombes, qui parsème volontiers son discours de termes anglais. Quand il a lancé sa campagne sur le site de crowdfunding américain, le 10 juillet 2013, refusant de se laisser décourager par ceux qui lui déconseillaient l’opération sur ce site, car «! trop compliquée pour un Français! », il cherchait à engranger 1#000! précommandes pour financer une première production de son appareil en Chine. L’objectif est atteint en 24! heures. Et, au terme de la campagne, deux mois plus tard, 13#000! précommandes ont été passées, générant 1,2!million de dollars de financement. De quoi hisser Lima au rang de «!projet français ayant levé le plus d’argent sur Kickstarter, mais aussi de 6e projet tech- nologique le plus financé sur la plate-forme de crowdfunding depuis son lancement, et le 35e toutes catégories confondues!» . «! 94"% des précommandes seront exportées, dont la moitié aux États-Unis. Nous sommes une entreprise française à l’ambition internationale! » , souligne l’entrepreneur, qui a vu son équipe passer de deux à seize personnes dès octobre 2013. Pour autant, ce démarrage international sur les chapeaux de roues a été ponctué de défis. Par exemple, le nom initial du produit a dû être modifié au cours de la collecte, à la suite du recours d’une entreprise utilisant un nom similaire. Barbara Belvisi, directrice financière de Lima, se souvient du coup de semonce provoqué par cette décision judiciaire!: «!Alors que toute l’équipe craignait de voir la collecte pâtir de ce changement de nom contraint, Séverin a réagi avec un sang froid bluffant. En deux jours, il a renommé le produit et a transformé cette avarie en opportunité pour fédérer encore davantage la communauté autour du projet.!» «!Séverin a une résistance au stress colossale. Il bouillonne d’idées, avec une vision très claire de ce à quoi il veut aboutir, tout en gardant du recul dans la réalisation de son projet. Et il sait ce qu’il ne sait pas, n’hésitant pas à s’entourer!» , confirme Gilles Labossière, directeur financier de Parrot et «! advisor !» de Séverin Marcombes de longue date. «!Séverin avait treize ans quand je l’ai accueilli en stage au sein de l’incubateur Republic Alley, que j’avais fondé. Il a tout de suite manifesté l’envie d’entreprendre. Mon premier conseil a été!: “passe ton bac d’abord, et finis tes études”. !» Persévérant, Séverin Marcombes tente, dès lors, année après année, de convaincre son mentor de l’accepter dans son incubateur. Le lycéen reprend consciencieusement le chemin de l’école tout en multipliant les projets parallèles. Ainsi, il donne des cours d’informatique aux seniors de son voisinage. Étudiant à l’ECE Paris, l’apprenti ingénieur en systèmes d’information embarqués consacre ses soirs et week-ends (et quelques heures de cours) à élaborer une technologie de comptage de passants pour la start-up Majority Report. «!À cette époque, je commençais déjà à plancher sur un projet de “machin” pour centraliser les données.! » Séverin Marcombes complète ensuite ses connaissances commerciales dans un Master à l’ESCP. C’est finalement en 2010 qu’il se lance, au sein de l’incubateur de l’école de commerce. Au bout de deux ans, il s’associe à Gawen Arab, rencontré chez Majo- rity Report, et entre au Camping. Stephan Ramoin, aujourd’hui président de Gandi, faisait partie du comité de sélection de l’incubateur parisien! : «! À l’époque, Séverin était seul et cela faisait peur. J’ai insisté pour qu’il soit retenu, car un profil technique comme le sien avec une telle connaissance de l’expérience utilisateur, c’est rare. Séverin ne se met aucune limite. Il fait partie des gens capables d’inventer des choses radicalement nouvelles. Il sait écouter les conseils et ne pas les suivre, pour mieux réaliser sa vision.!» Certains ont ainsi recommandé à l’ambitieux Séverin de renoncer à son projet de hardware, et de se concentrer sur un projet de moindre envergure. Appliqué, il réalise en neuf mois le système d’échange de fichiers qu’on lui suggérait. Avant de se recentrer sur son projet initial, Lima. L’engouement sur Kickstarter a rapidement validé son choix, et piqué la curiosité des investisseurs. Et, début juin, Séverin Marcombes a annoncé avoir levé 2,5!millions de dollars auprès de Partech Ventures. Séverin Marcombes n’est pas avare de conseils pour ceux qui veulent suivre ses pas. «!Nous voulons rassembler la communauté des entrepreneurs parisiens dans le hardware. Nous avons organisé une première rencontre consacrée à Kickstarter, qui a réuni une trentaine de personnes.!» Il accompagne plus particulièrement deux start-up, My Robotics, dans les objets connectés, et We Are Leka, qui fabrique un jouet robotisé et interactif pour les enfants autistes. «!Séverin est l’entrepreneur que j’aimerais devenir!: il réussit en développant sa propre vision du monde, et en restant humble et accessible. Mettre au point un produit physique, c’est autre chose que de construire une application numérique. Les discussions avec lui sont très enrichissantes, autant sur les questions de production que sur la vie de l’entreprise en général!» , salue Ladislas de Toldi, PDG et cofondateur de We Are Leka. Séverin Marcombes se réjouit que son exemple puisse inspirer d’autres entrepreneurs. Lui ne cache pas son admiration pour Archos, la société présidée par Henri Crohas. Un autre adepte de technologies pointues diffusées au grand public.!