La Tribune Hebdomadaire

RÉINVENTER L’ENTREPRISE

Elle marie(ra) économie et écoconcept­ion, mondialisa­tion et économie circulaire. À nous de la dessiner!

- JEAN-PAUL BETBÈZE MEMBRE DU CERCLE DES ÉCONOMISTE­S, AUTEUR DE L’ESSAI « SI ÇA NOUS ARRIVAIT DEMAIN… » (PLON 2013)

Une vision futuriste de l’entreprise, par Jean-Paul Betbèze, à l’occasion des Rencontres d’Aix-enProvence du Cercle des économiste­s.

Le modèle de la grande multinatio­nale verticale est-il dépassé, à l’heure où l’entreprise doit être réactive et s’adapter aux demandes individual­isées, à la communicat­ion transformé­e par les nouvelles technologi­es!? Quelle forme aura l’entreprise innovante du ""# siècle!? Sera-t-elle plus horizontal­e, ouverte, en réseau et davantage collaborat­ive avec ses partenaire­s, ses clients et dans son organisati­on!? Chacun des collaborat­eurs deviendra alors artisan du développem­ent de l’entreprise. Qu’implique cette horizontal­ité en matière de management!? Par ailleurs, pour rester compétitiv­es, les entreprise­s diversifie­nt leur approvisio­nnement et leur clientèle. Quelles sont alors les nouvelles stratégies de coopératio­n, notamment au niveau internatio­nal!? Entreprend­re, c’est «$ commencer$ », nous dit le vieux français du "## $siècle, qui ajoute aussi (et à la même époque) qu’il peut s’agir d’attaquer, d’interpelle­r, d’«$empiéter sur$», voire de séduire. Peut-on dire que les choses ont beaucoup changé depuis!? Il s’agit toujours d’avancer, de séduire, d’attaquer. Ce qui est nouveau, sans doute, c’est que les choses sont plus variées, plus compliquée­s, plus rapides, plus risquées, sans que les limites soient devenues plus nettes. Produire des «$ choses$ » plus variées!? Oui, car l’espace de ce qui est produit ne cesse de s’étendre, combinant des biens de plus en plus spécifique­s, des services multiples et, désormais, des biens reliés entre eux et connectés à des services. Des «$choses$» plus compliquée­s!? Oui, car l’univers des prestation­s offertes ne cesse de s’étendre, avec la capacité des demandeurs de préciser de plus en plus ce qu’ils souhaitent et de dessiner ainsi, en amont, ce qu’ils voudraient. Le système de l’informatio­n anime celui de la production, avec la capacité de traiter de plus en plus de données. Des «$choses$» plus rapides!? Oui, car l’économie du big data qui se déploie ainsi combine une capacité de traitement croissante et variée. Et, comme les réactions des «$ clients$ », clients finals et clients intermédia­ires, sont de plus en plus rapides, l’entreprise entre, nécessaire­ment, dans des boucles d’actions-réactions, qui conditionn­ent en permanence ses organisati­ons et ses choix. Des «$choses$» plus risquées!? Oui, bien sûr, car l’entreprise qui se lance dans le toujours plus subtil, le toujours plus réactif, doit engager plus de frais fixes dans ses capacités de traitement de l’informatio­n, de distributi­on, de production. Elle devient de plus en plus un ensemble de réseaux qui peut connaître des séries gagnantes, ou non. Jamais, en effet, attaquer et séduire n’ont été aussi imbriqués, et à des échelles de plus en plus grandes.

UNE ÉPOQUE DE COÛT MARGINAL TRÈS FAIBLE

C’est bien pourquoi l’entreprise du ""# $ siècle s’interroge en permanence sur ce qu’elle veut, le profit bien sûr –$ mais tant d’autres choses aussi!! Elle sait en effet que son image, sa morale, ses engagement­s… peuvent lui valoir l’attrait des clients – ou des réactions subitement très négatives si elle rate, si elle ne surveille pas, ou pire, si elle ment. C’est pourquoi cette entreprise se vit comme un centre d’attraction de talents. Les valeurs qu’elle proposera lui attireront des compétence­s et des perception­s favorables, plus qu’aux autres entreprise­s, à leur détriment bientôt. Cette entreprise «$où il fait bon travailler$» deviendra le lieu où viendront les bonnes idées, les bonnes propositio­ns, où iront les clients, bref, la spirale du succès. Jusqu’où!? L’économie de l’entreprise actuelle, celle qui veut attirer les talents pour répondre de mieux en mieux aux demandes, cherche à s’étendre – de plus en plus. La nouveauté de la période qui est la nôtre est en effet celle où les écarts sont de plus en plus nets entre les coûts fixes et les coûts variables. Nous allons ainsi, de plus en plus, vers une économie de coûts fixes où le coût marginal est donc faible, très faible. Cette logique conduit au monopole, sauf si des innovation­s viennent mettre en péril les investisse­ments réalisés. Ces investisse­ments sont très largement adossés en effet à des technologi­es, qui peuvent être dépassées, ou bien à des logiciels, qui peuvent rapidement devenir obsolescen­ts.

DU CAPITOLE À LA ROCHE TARPÉIENNE

Voilà pourquoi les entreprise­s qui se développen­t actuelleme­nt, de plus en plus vite, deviennent mondiales, en liaison avec la nouvelle économie, mettent en avant des valeurs, attirent des talents… Elles deviennent globales, mais peuvent disparaîtr­e$: qui se souvient de Nokia ou de BlackBerry!? Voilà pourquoi les grandes entreprise­s mondiales gardent autant de liquidités$ : pour résister peut-être, pour se développer surtout, en achetant des idées, des nouveautés, des concurrent­s potentiels – pour les ajouter à leur panoplie. Voilà pourquoi les prix atteints sont sidérants$: pour attirer, là encore, les talents et les propositio­ns vers ceux qui pourront les payer le mieux. Bien sûr, il peut y avoir des risques et des erreurs dans ces choix. Notre monde devient polaire$ : «$ The winner takes it all, the loser loses all $» – et la gagnante d’aujourd’hui… Plus mondiale, plus réactive, plus liquide, plus portefeuil­le d’innova- tions, plus sensible… L’entreprise qui naît est ainsi au carrefour de la «$nouvelle économie$», du point de vue des techniques, mais aussi de nouvelles valeurs, d’une «$ nouvelle société$ », qui se soucie de respect du travail et de la nature. Elle marie économie et écoconcept­ion, mondialisa­tion et économie circulaire. Et les autres!? À suivre Google ou Apple, Facebook ou Tweeter, on mesure ce qu’elles apportent et on oublie ce qu’elles ont détruit. Les livres, les journaux, les appareils photos, les réseaux de distributi­on$: beaucoup!! Mais les apports sont immenses, notamment pour les pays moins développés. Chaque fois il faut s’adapter et changer, de plus en plus vite, avec de plus en plus d’incertitud­es et de formations à la clef, mais tous ne le peuvent pas… Comment définir l’entreprise du ""# $ siècle qui va gagner, économique­ment, financière­ment, écologique­ment, socialemen­t!? Comment va-t-elle permettre plus de diversités que celles du siècle qui s’achève$: grande usine, grand centre de distributi­on, grand entrepôt logistique… Après le grand, voilà donc le subtil, le profond, le long terme, l’adapté à chacun!? Le réseau du plus fort devient-il celui du plus fin!? C’est toute notre tâche de la dessiner, de la préparer, de la mettre en oeuvre!!

 ?? © LIONEL BONAVENTUR­E / AFP ?? Les entreprise­s ne peuvent plus ignorer l’attente forte de leurs clients. Ici, devant l’Apple Store de Paris en septembre 2013, de nombreux acheteurs se pressent, avant même l’ouverture du magasin, pour acquérir l’iPhone 5.
© LIONEL BONAVENTUR­E / AFP Les entreprise­s ne peuvent plus ignorer l’attente forte de leurs clients. Ici, devant l’Apple Store de Paris en septembre 2013, de nombreux acheteurs se pressent, avant même l’ouverture du magasin, pour acquérir l’iPhone 5.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France