BERLIN, FUTUR N°1 DU DIGITAL!?
La politique volontariste de la villeÉtat de Berlin porte ses fruits : en dix ans, la métropole s’est fait une réputation et se rêve aujourd’hui en championne d’Europe des start-up.
Comment la capitale allemande attire les talents du numérique pour devenir la ville leader en Europe.
Nous avons regardé du côté de Londres, San Francisco, New York et Berlin. Notre choix s’est vite arrêté sur la capitale allemande!: il y a des jeunes talents, des loyers abordables, des opportunités de financement et une énergie incroyable!» , explique Johanna Brewer une des trois cofondatrices de Frestyl, une application spécialisée dans le référencement et l’offre de musique live. Quand la crise frappe l’Italie de plein fouet et que la récession balaie leurs dernières perspectives de croissance à Rome, cette Américaine de 33 ans et ses deux cofondatrices italiennes viennent suivre un programme de dix jours dans l’incubateur Bootcamp et plient vite bagage. Trois ans plus tard, l’équipe compte désormais dix employés et boucle une deuxième levée de fonds auprès d’une société de capital-risque. Frestyl fait partie des 5"800 entreprises spécialisées dans le numérique et les nouvelles technologies qui ont fleuri au cours de la dernière décennie dans la métropole berlinoise. Un relais de croissance inespéré pour la ville où le taux de chômage est historiquement élevé (13"% encore aujourd’hui). Entre# 2008 et# 2012, le nombre d’emplois liés à l’industrie numérique a ainsi progressé de près d’un quart. Cette mini-révolution n’est pas le fruit d’un hasard et a été permise par une politique volontariste de la ville, notamment dans un vaste plan de réindustrialisation lancé au début des années 2000. Historiquement, Berlin était pourtant une cité avec une forte industrie, notamment dans l’électrique et l’électronique, et qui a vu la naissance de conglomérats comme Siemens ou AEG. Mais les tournants de l’Histoire et la scission de la ville ont provoqué une fuite des forces vives vers l’Ouest. «!La première chose qui a été nécessaire fut de faire évoluer les mentalités, que les gens arrêtent de pleurnicher et croient enfin aux chances de cette ville. Nous avons ensuite lancé le plan industriel pour fédérer les forces vives et organiser la filière!», explique Frank Jahnke, député et porte-parole social- démocrate (SPD) de Berlin pour les questions économiques et technologiques. Les initiatives se multiplient dès lors#: la plate-forme «#créer à Berlin#» ( gründen in Berlin) organise un vaste réseau entre les créateurs d’entreprises, les universités et les centres de recherche. Plusieurs clusters voient progressivement le jour. Le quartier d’Adlershof, dans le sud-est de Berlin, est réaménagé par étapes en parc technologique sur une surface de 420 hectares. Douze institutions de recherche extra-universitaires et quelque mille entreprises technologiques y emploient aujourd’hui 15"000 personnes. En avril#2011, c’est de l’autre côté de la ville que le Centre d’innovation de Charlottenbourg (Chic) ouvre ses portes aux côtés de l’université technique et de l’université des arts de Berlin. En juin dernier, la Factory, un campus de 16"000#m² dédié aux start-up et entreprises technologiques voit le jour en plein centreville. Soutenue par le géant américain Google, elle héberge les équipes de Soundcloud et de Mozilla.
MOINS DE BUREAUCRATIE, PLUS DE FINANCEMENTS
Pour faciliter la création d’entreprises, les éventuelles lourdeurs administratives ont été gommées. Dans les différentes institutions publiques, un effort particulier a été porté sur la simplification des procédures, notamment pour les startuppers et les travailleurs étrangers. «#La bureaucratie a été réduite au minimum, avec un seul acte notarial pour fonder une société permettant une création sous trois jours#», explique un institutionnel. Petit à petit, le travail paie et la scène berlinoise éclôt. En octobre dernier, le cabinet McKinsey évoquait, dans une étude, la possibilité pour Berlin de dépasser les métropoles européennes d’ici à 2020. Il n’en faudra pas moins au fantasque maire berlinois, Klaus Wowereit (SPD), qui reprend à son compte la formule. «!Un écosystème s’est progressivement formé!: les grandes écoles et les différents cursus professionnalisants de qualité se sont complétés, la réussite des premières entreprises a provoqué une prise de conscience et favorisé la confiance des investisseurs!», explique Clemens Kabel, responsable des financements de l’IBB, la Banque berlinoise d’investissement. L’IBB est le bras armé financier de la ville pour répondre à l’enjeu crucial des financements. L’IBB propose de subventionner pour moitié les jeunes entreprises technologiques dans leur phase de démarrage, aux côtés d’un investisseur privé. Elle propose également un vaste éventail d’aides financières et opérationnelles allant de crédits avantageux à des services d’aide à la décision. «!L’Europe a encore du retard en matière de financements par les business angels et les sociétés de capital-risque. Dans un premier tour de levée de fonds, les montants atteignent environ un tiers des financements aux États-Unis!», note Johanna Brewer. Le problème résiderait, entre autres, dans la fiscalité touchant les sociétés de capitalrisque, moins «#compétitives#» en Europe que dans le reste du monde. La ministre de l’Économie du Land de Berlin, Cornelia Yzer, a récemment interpellé la chancelière Angela Merkel sur le sujet et doit rencontrer ses homologues des autres Länder dans le courant du mois de mai pour formaliser une proposition. « Dans les phases d’amorçage, les fondateurs sont plutôt bien lotis à Berlin. Il n’y a pas d’entreprise sérieuse qui ne trouve pas ses premiers financements. Cela peut devenir plus difficile dans les phases ultérieures, mais ce n’est pas propre à Berlin!», reconnaît Ingrid Walther, directrice du pôle nouvelles technologies du ministère de l’Économie de Berlin. «!Nous finançons jusqu’à 500$000!euros pour un financement de démarrage d’activité et jusqu’à trois millions au total. Avec la contribution de notre partenaire privé, nous arrivons parfois à des investissements finaux de dix millions, ce qui est conséquent pour une jeune entreprise! », explique Clemens Kabel, de l’IBB. Les efforts menés ces dix dernières années semblent en tout cas porter leurs fruits. D’après une récente étude de l’institut géographique de Münster, sur le milliard d’euros investi par les sociétés de capital-risque en Allemagne entre 2012 et la mi-2013, 505#millions de financements ont été injectés dans la capitale allemande. En glissement annuel, ce montant a plus que doublé. «!De plus en plus d’investissements étrangers se concentrent à Berlin, notamment en provenance des États-Unis. Il y a quelques années les sociétés de capital-risque se retrouvaient à Londres, aujourd’hui elles viennent toutes à Berlin. C’est un signe!» , conclut l’entrepreneuse américaine.