La Tribune Hebdomadaire

Faillibles souverains

-

Lundi 30!juin, Klaus Regling était à Bruxelles. Ce haut fonctionna­ire à l’anglais fortement mâtiné d’accent allemand est le patron du MES. Le mécanisme de stabilité européen, créé en 2012 et doté de 500!milliards d’euros, est là pour prêter aux pays que la défiance des investisse­urs a coupés du financemen­t des marchés. À l’invitation de l’institut économique allemand ZEW, il était venu débattre de l’art et la manière de mettre un État en faillite. Par faillite, il faut entendre l’annulation de tout ou partie de sa dette, autrement dit l’appauvriss­ement, à due concurrenc­e, des créanciers dudit État. Depuis le déclenchem­ent de la crise de l’euro en 2010, un seul pays a eu le privilège de passer par la case du défaut partiel!: la Grèce. Cela s’est passé dans la douleur à défaut de procédure préétablie. Une restructur­ation a toujours pour but de réduire le stock de dettes, de façon à rétablir la solvabilit­é, rendre crédible le remboursem­ent des dettes restantes… et futures. En un mot, lui permettre de revenir sur les marchés. En Grèce, elle a porté le nom de «!PSI!», remettre le couvert. Les créanciers privés tondus, les publics sont les prochains sur la liste. Le premier d’entre eux n’est autre que le MES, qui porte dans son bilan 99!milliards d’euros de papier grec. Et pourtant, le MES n’a jamais eu autant la cote sur les marchés. Son directeur financier, Christian Franken, annonçait le mois dernier que le fonds avait, pour la deuxième fois consécutiv­e, placé ses titres à un taux d’intérêt de… 1,42%%, autant dire, sans risque. C’est que l’Europe tout entière souffre d’une sous-évaluation du risque souverain. Au point que la BCE encourage les banques à abandonner le dogme du «!risque zéro!» attaché à leurs obligation­s d’État. La banque flamande KBC a été la première à s’engager sur cette voie. Il y en aura d’autres, même si la réglementa­tion bancaire considère toujours les titres souverains comme non risqués. Il faut dire que ladite réglementa­tion est adoptée par le Parlement européen et par les ministres des Finances… qui euxmêmes ont des déficits à financer. En 2002, après l’effondreme­nt de l’Argentine, la chef économiste du FMI, Anne Krueger, avait proposé de créer une procédure d’insolvabil­ité des États. Elle pensait que cela renforcera­it la discipline de marché. Tant que le défaut restait impossible, les investisse­urs pouvaient partir du principe que leurs créances sur un pays étaient garanties (en dernier ressort par le FMI luimême). Leurs décisions seraient biaisées et, au lieu d’envoyer un signal d’alerte en temps réel, ils risquaient d’attendre le constat de la faillite pour couper la liquidité et accélérer la faillite. Exactement comme cela s’est passé en Grèce en 2010. Il fallait donc clarifier les conditions d’une restructur­ation. L’initiative Kruger est restée sans suite. Le débat auquel se prête Klaus Regling est salutaire. Lever le tabou d’un défaut souverain ne veut pas dire que l’on souhaite qu’il advienne. C’est aider le marché à sortir du déni, quitte à ce que le financemen­t des déficits coûte un peu plus cher. Encore un dossier pour Jean-Claude Juncker quand il reprendra la présidence de la Commission européenne, en novembre. !

Newspapers in French

Newspapers from France