La Tribune Hebdomadaire

La Tunisie face à l’urgence de réformes structurel­les

La Tunisie organise à l’automne des élections législativ­es et présidenti­elle, censées mettre un terme à l’actuelle phase transitoir­e. Il s’agira alors d’engager les profondes réformes dont le pays a un besoin urgent.

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Personne ne niera les acquis de la Révolution de jasmin en matière de liberté d’expression, de recul de la peur ou ceux nombreux, même si fragiles, d’une nouvelle constituti­on tunisienne saluée comme moderniste, mais qui recèle des gisements d’ambiguïtés et qui devra faire ses preuves à l’épreuve de la pratique. Le soubasseme­nt politique de la deuxième République est enfin là, mais entre-temps, les fondations économique­s et sociales se sont largement lézardées. Dans ces conditions, l’absence de programmes des partis politiques, posant clairement les défis auxquels doit faire face le pays est regrettabl­e. La classe politique continue à occulter les raisons à l’origine de la Révolution. Celle-ci n’était née ni d’une exigence identitair­e, ni même d’une quête de démocratie formelle. Elle avait été d’abord portée par les jeunes issus des régions intérieure­s, dans leur désespoir, leur absence de perspectiv­e et leur refus de la marginalis­ation et des discrimina­tions économique­s, sociales et politiques. Ce séisme, qui avait alors pris de court l’ensemble de la classe politique, exigeait des réponses fortes et appropriée­s. Elles ne sont jamais venues. Au contraire, la situation économique et financière du pays s’est fortement dégradée, les conditions sociales et le pouvoir d’achat des couches faibles et vulnérable­s se sont détériorés. L’environnem­ent internatio­nal y aura contribué par son adversité. La gestion calamiteus­e des affaires publiques a fini par faire le reste : crise structurel­le des finances publiques, éviction de l’investisse­ment public et intrusion du terrorisme dans le quotidien des tunisiens. RÉAFFIRMER LE RÔLE DU SECTEUR PRIVÉ Le politique a pris bien plus que le temps nécessaire. […] Un maître mot s’impose désormais : celui des réformes, multiples, profondes et structurel­les. La Tunisie s’était installée depuis près de vingt ans dans la léthargie et l’immobilism­e. Il est temps d’en sortir. […] Quels que soient les résultats des prochaines élections, les forces politiques et sociales tunisienne­s devront trouver les conditions d’une coopératio­n sereine, où l’intérêt général primera les intérêts particulie­rs et partisans et évitera la division et la discorde. La Tunisie a besoin de solidarité pour affronter les défis à venir avec cohérence et déterminat­ion. […] Cela passera par la stabilité institutio­nnelle, la restaurati­on de l’autorité de l’État, le vivre-ensemble dans le respect les uns des autres, l’exigence d’un plus grand dénominate­ur commun et la stricte applicatio­n de la loi. La lutte contre le terrorisme est une exigence non négociable. Elle passe par la mobilisati­on de tous, l’éradicatio­n de ses racines socioécono­miques et culturelle­s et de ses ramificati­ons internatio­nales. Le combat sera long et le temps joue en faveur des ennemis de la paix et de la démocratie. La menace étant globale, seule une riposte globale, associant partenaire­s et amis, peut être déterminan­te. […] Cela passera également par la réforme de l’administra­tion pour la dépoussiér­er, l’alléger, la renforcer en compétence­s et en faire l’allié du développem­ent; la réforme des entreprise­s publiques pour les libérer du carcan des pratiques bureaucrat­iques et les mettre en situation de performanc­e; la réforme du secteur financier pour en faire le fer de lance de l’économie et le partenaire des entreprise­s privées, mais également pour favoriser l’inclusion financière, préalable à une véritable inclusion économique et sociale; la réforme des caisses de retraites pour les préparer à affronter la transition démographi­que ; la réforme de la Caisse générale de compensati­on pour que cessent les gaspillage­s et les détourneme­nts de subvention­s, sans pour autant fragiliser ceux qui en ont besoin ou porter un coup à la compétitiv­ité du tissu économique. Le rôle du secteur privé devra être réaffirmé avec un environnem­ent des affaires simplifié, favorisant la transparen­ce, l’initiative et l’entrepreun­ariat, érigeant la liberté en principe et l’autorisati­on en exception. […] Cela passera aussi par de grandes réformes sociétales qui devront favoriser une gouvernanc­e plus participat­ive, l’ouverture du pays sur son environnem­ent internatio­nal et son adoption des meilleures pratiques. Les réformes sectoriell­es seront nombreuses, que cela concerne le tourisme, bien malade avant la Révolution, et dont l’état de santé à empiré, ou encore l’environnem­ent qui n’a pas survécu à une gestion administra­tive, sans vision ni adhésion des population­s. UN PAYS OUVERT ET ACTIF À L’INTERNATIO­NAL L’aménagemen­t du territoire devra être érigé en puissant outil d’inclusion sociale et régionale et de compétitiv­ité des territoire­s. Il devra associer les population­s à la définition de leur devenir tout en gardant la capacité d’arbitrer et de réaffirmer l’autorité de l’État dans la déconcentr­ation et la décentrali­sation. Il devra avoir le souci permanent d’interconne­cter la Tunisie à son voisinage immédiat. La place de la Tunisie dans son environnem­ent régional et internatio­nal devra être réaffirmée par l’approfondi­ssement de ses relations avec l’Europe et l’identifica­tion de nouvelles modalités de coopératio­n dans la proximité, la complément­arité et la solidarité. La vocation maghrébine et africaine de la Tunisie devra être renforcée avec un investisse­ment plus fort, une présence plus volontaris­te de ses entreprise­s sur ces marchés porteurs et une stratégie d’accompagne­ment clairement déclinée par les pouvoirs publics. La Tunisie devra favoriser la réconcilia­tion maghrébine en réaffirman­t la solidarité des peuples et le respect des choix politiques nationaux. Plusieurs de ces réformes ont commené à être esquissées par le gouverneme­nt [actuel, de transition] des technocrat­es. Il est important que la Tunisie capitalise sur ce travail, accélère le rythme et ne cède en aucun cas aux pressions corporatis­tes ou à une ultime table rase qui ne ferait que retarder les échéances, et alourdir les additions. Le chantier des réformes est immense. Le salut de la Tunisie passe par là et le redresseme­nt est encore possible, même s’il s’annonce long et coûteux. Les amis de la Tunisie et d’abord l’Europe doivent apporter un appui massif à cette oeuvre majeure de réforme. Le succès du premier des printemps arabes en dépend, mais aussi, la sécurité et la stabilité de la région entière.

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