La Tribune Hebdomadaire

BONNE CHANCE, MANU!

- PAR PHILIPPE MABILLE @phmabille

Emmanuel Macron ne sera pas seulement un anti-Montebourg à Bercy. Il veut donner un coup de jeune au logiciel économique de la gauche.

Bonne chance, Manu ! » Dans un message un brin amer et à double sens autant adressé à Emmanuel Macron qu’à… Manuel Valls, Arnaud Montebourg a quitté la scène de Bercy avec le panache et sans doute les regrets de celui qui a brutalemen­t pris conscience que ce départ précipité n’est dû qu’à lui-même. De la chance, « Manu » en aura bien besoin, tant le contexte économique reste difficile. La zone euro est plus que jamais menacée de déflation et Mario Draghi lui-même reconnaît que la politique monétaire a perdu de son efficacité tant les taux d’intérêt sont bas. Mieux, même le président de la BCE souligne que la demande a besoin d’être ranimée par le soutien de l’arme budgétaire, non pas dans une relance aveugle, le niveau de la dette ne l’autorise pas, mais par des actions ciblées. De ce point de vue, le plan de la nouvelle commission Juncker qui plaide pour un soutien de 300 milliards d’euros sur trois ans en faveur de l’investisse­ment en Europe est la bonne nouvelle de la rentrée. Reste à en convaincre Angela Merkel, ce qui n’est pas à exclure, l’Allemagne commençant à son tour à être atteinte. La France elle aussi est attendue au tournant. Après deux ans et demi de mes- sages contradict­oires, la bonne nouvelle de ce remaniemen­t est de lever toute ambiguïté sur la ligne économique de la gauche qui gouverne. Avec Manuel Valls à Matignon et Emmanuel Macron à Bercy, François Hollande a enfin choisi son camp. Celui d’une gauche décomplexé­e, décidée à épouser son siècle, celui de la révolution numérique et des entreprene­urs, et à renoncer au nom de l’efficacité et de l’urgence économique­s à rechercher une impossible synthèse entre les courants du PS. La personnali­té du nouveau ministre de l’économie irrite à gauche de la gauche, mais elle séduit l’opinion. Le nouveau visage de Bercy donne un coup de jeune à un Bercy poussiéreu­x qui n’a pas produit une idée nouvelle depuis longtemps. Et puis, un troisième prix de conservato­ire de piano, âgé de 36 ans, qui fut assistant du philosophe Paul Ricoeur avant de s’enrichir (un peu) chez Rothschild en se frottant aux réalités du monde de l’entreprise, offre un casting rafraîchis­sant pour changer le logiciel économique du parti socialiste et l’adapter aux réalités du temps. « Il n’est pas interdit d’être de gauche et de bon sens » , a d’ailleurs humblement revendiqué Emmanuel Macron mardi 2 septembre dans sa première interview comme ministre, donnée à Ouest France – rappelant en cette occasion le mot de sa grand-mère : « Si on ne produit pas, on n’a pas grand-chose à distribuer. » Ce socialisme de l’efficacité, qui s’inspire du blairisme, a néanmoins un gros défaut : il n’a pas (pas encore) produit les résultats escomptés. Et c’est là que le discours d’Emmanuel Macron apporte du neuf, du moins si l’on se réfère à son autre interview, celle accordée au Point juste avant qu’il ne devienne (et sans doute n’imagine devenir) ministre de l’Économie. De cette interview, on a retenu la charge contre les 35 heures. Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt. Le plus neuf, dans cet entretien, est plutôt dans la critique que fait Macron du hiatus croissant que l’on constate entre les « droits réels » et les « droits formels » des travailleu­rs : selon lui, « historique­ment, la loi servait à protéger les plus faibles, alors qu’aujourd’hui la surabondan­ce de lois peut au contraire handicaper les plus fragiles ». Et favoriser un chômage de masse. Pour le ministre de l’économie, dont le premier acte à Bercy a été de recevoir les principaux leaders syndicaux, il est donc temps de sortir des « postures » et de « libérer l’initiative et l’esprit d’entreprise » . Avec un principe clair pour l’action : « Soit le dialogue social peut accompagne­r et concrétise­r cette volonté réformatri­ce, soit l’exécutif doit prendre ses responsabi­lités et ouvrir une nouvelle phase du quinquenna­t, comme Schröder a su le faire en Allemagne entre 2003 et 2005. » Pour la France, et pour François Hollande, le tournant, c’est maintenant!

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