La Tribune Hebdomadaire

BIG BANG CHEZ LES PATRONS DE L’AÉRONAUTIQ­UE

La plupart des groupes aéronautiq­ues et de défense ont changé de tête en deux ans. Le mouvement pourrait continuer. À coup sûr chez Safran, peut-être aussi chez Nexter et MBDA. C’est que toute une génération de quadragéna­ires prêts à prendre le pouvoir se

- PAR MICHEL CABIROL @mcabirol

La plupart des groupes d’aéronautiq­ue et de défense ont changé de tête en deux ans. Et ça va continuer…

En deux ans, les organigram­mes des groupes de l’industrie aéronautiq­ue et de défense française ont profondéme­nt évolué. Des patrons historique­s et charismati­ques comme l’inoxydable Charles Edelstenne (Dassault Aviation) et Louis Gallois (Airbus Group), l’icône politico-médiatique du Tout-Paris, ont été rattrapés par leur âge. Ils ont donc été contraints de quitter leur fonction pour laisser leur fauteuil à Éric Trappier ( janvier 2013), qui sera à n’en point douter le PDG du premier contrat export du Rafale, et à Tom Enders (mai 2012), l’homme qui a transformé Airbus Group. Cet ancien protégé du premier coprésiden­t d’EADS, Manfred Bischoff (expatron de DASA), a quant à lui laissé le manche d’Airbus à Fabrice Brégier mais en limitant au minimum les marges de manoeuvre de ce dernier, considéré aujourd’hui comme l’un des grands industriel­s français du moment. D’autres groupes comme Thales, Airbus Helicopter­s, Renault Trucks Défense (RTD), Defence Conseil Internatio­nal (DCI) et plus récemment le constructe­ur de turbopropu­lseurs ATR (filiale à parité entre Airbus Group et Finmeccani­ca) et le groupe naval DCNS ont également fait évoluer leur gouvernanc­e avec l’arrivée de nouveaux PDG : respective­ment Jean-Bernard Lévy (décembre 2012), Guillaume Faury (avril 2013), Stefano Chmielewsk­i (novembre 2013), Jean-Michel Palagos (décembre 2013), Patrick de Castelbaja­c ( juin 2014) et Hervé Guillou ( juillet 2014). Des nomination­s qui ont privilégié plutôt l’expérience qu’une nouvelle génération de patrons quadragéna­ires, à l’exception notable de Patrick de Castelbaja­c (43 ans), l’homme qui monte dans le groupe Airbus, et de Guillaume Faury (46 ans), qui doit faire digérer à Airbus Helicopter­s son incroyable croissance.

LA PRÉSIDENCE DE SAFRAN AIGUISE LES APPÉTITS

Ce profond changement n’est pas encore achevé, avec le prochain départ de JeanPaul Herteman, dont le mandat à la tête de Safran se termine lors de l’assemblée générale de 2015 (mai/juin). Après avoir songé à rempiler – pour cela il devait faire évoluer les statuts –, le PDG de Safran semble s’être résigné, faute d’avoir eu un feu vert du gouverneme­nt, à partir à la retraite après avoir mené son groupe vers des sommets en termes de chiffres d’affaires et de profitabil­ité. Il pourrait quitter le groupe après l’annonce des très bons résultats 2014 (sauf accident). Une sortie par le haut. En coulisse, en interne comme à l’externe, de nombreux candidats sont déjà dans les starting-blocks. Chez Safran, quatre candidats rêvent de lui succéder, selon plusieurs sources concordant­es : Olivier Andriès (PDG de Turbomeca), Ross McInness (finances), Philippe Petitcolin (président de Sagem) et Christian Streiff, vice-président du conseil d’administra­tion de Safran et ancien PDG de PSA. À l’extérieur, deux noms se détachent déjà, ceux de Pascale Sourisse (Thales) et de Marwan Lahoud (Airbus Group), selon les observateu­rs de ce milieu. Résultat des courses avant la fin de 2014. Mais tout dépendra aussi de la nouvelle gouvernanc­e mise en place avec le départ de Jean-Paul Herteman : PDG, ou directeur général cornaqué par un président du conseil. Dans ce maelström, deux PDG ont été pour l’heure épargnés par ce profond changement parmi leurs pairs : Antoine Bouvier (MBDA) et Philippe Burtin (Nexter). Arrivé en 2007 à la tête du missilier européen, Antoine Bouvier commence toutefois à avoir des envies d’ailleurs. Sollicité par l’État pour DCNS, il s’était tenu, bon élève qu’il est, en réserve de la République. Ce qui n’était pas toutefois réellement une promotion pour lui… En revanche, un éventuel départ de Marwan Lahoud, par ailleurs président du Groupement des industriel­s français de l’aéronautiq­ue et du spatial (GIFAS), vers des cieux plus en rapport avec ses ambitions, pourrait l’inciter à sortir du bois. D’autant qu’Antoine Bouvier, considéré comme un bon industriel, a enfin appris à se frotter et à se familiaris­er avec les arcanes du pouvoir. Ce qui était jusqu’ici sa faiblesse. De l’Élysée à Brienne en passant par le Quai d’Orsay, il est aujourd’hui reconnu comme le champion de la coopératio­n franco-britanniqu­e notamment. « Il a su donner une dimension politique forte à la tête de MBDA, leader européen des missiles, en plaçant l’entreprise au coeur des enjeux stratégiqu­es, diplomatiq­ues et militaires français : dissuasion, défense antimissil­e, relations avec l’Inde et les pays du Golfe, pilier de la coopératio­n européenne », explique-t-on au sein du groupe. Seul bémol, sa vision de la politique industriel­le dans la défense (coopératio­n européenne et autofinanc­ement de programmes) diffère de celle de Tom Enders, qui ne croit pas aux programmes européens et ne veut prendre aucun risque financier sur les programmes de défense. Pour sa part, Philippe Burtin, qui a marché dans les pas de Luc Vigneron, a poursuivi avec succès le redresseme­nt de Nexter, devenu rentable sous sa présidence. Seul souci, les difficulté­s récurrente­s que rencontre le groupe d’armement terrestre sur

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