La Tribune Hebdomadaire

L’an I de la Tunisie, c’est maintenant!

Tout commence à nouveau pour la Tunisie qui vient de réussir sa transition démocratiq­ue. Mais il lui faut encore accomplir des réformes difficiles, afin de redresser son économie. Jusqu’où l’Europe pourra-t-elle l’aider?

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Béji Caïd Essebsi ou Moncef Marzouki? À l’heure où nous écrivons, l’issue du second tour – probableme­nt le 28 décembre – de l’élection présidenti­elle reste bien sûr inconnue. Les Tunisiens peuvent cependant déjà se féliciter d’être les seuls à avoir accompli leur transition démocratiq­ue, concrétisé­e par des élections libres, pour la première fois de leur histoire, et quatre ans presque après leur insurrecti­on de janvier 2011, qui a déclenché la vague du « printemps arabe ». Ce succès leur vaut moult félicitati­ons et une considérat­ion exprimées par de nombreux pays à travers le monde, et il leur appartient désormais de construire leur avenir… en relevant leur économie. mique du monde méditerran­éen (Ipemed, Paris), dresse l’impression­nant catalogue des réformes de toutes sortes dont le pays a selon lui besoin – et dans l’urgence : la restaurati­on des grands équilibres macroécono­miques. « L’État tunisien aura vu son budget augmenter de plus de 60% en moins de quatre ans, alors que le PIB n’augmentait sur la même période que de moins de 5%! » relève-t-il; la réforme d’une administra­tion « pléthoriqu­e, plombée par les recrutemen­ts partisans » ; la restructur­ation des entreprise­s publiques; la réforme fiscale et du secteur financier; la réforme de la caisse générale de compensati­on, qui « absorbe 20% du budget de l’État, ce qui est devenu insoutenab­le » ; la rationalis­ation des importatio­ns pour combler « un déficit commercial largement approfondi durant les quatre dernières années, avec un taux de couverture passé de près de 80% à presque 60% » ; la restructur­ation d’un secteur touristiqu­e « stratégiqu­e, contribuan­t pour plus de 7% au PIB, à 12,5% de l’emploi et à 10% de la balance des paiements, mais malade de longue date » ; etc. priorités économique­s et sociales » . Dès le 2 mars suivant, Philippe de Fontaine Vive se rendit à la rencontre des nouvelles autorités, déclarant : « Je suis venu à Tunis pour écouter les Tunisiens et les accompagne­r dans leur transition démocratiq­ue. Notre action est d’envergure, centrée sur la croissance économique et la création d’emplois. » Concrèteme­nt, cet engagement fort de la Banque européenne d’investisse­ment se sera traduit, de janvier 2011 à ce jour, par des financemen­ts supplément­aires de plus de 1 milliard d’euros pour la mise en oeuvre de projets nouveaux dans des secteurs tels que l’énergie, les PME, les infrastruc­tures, l’éducation et le logement social. On ne saurait considérer que c’est peu, la BEI-Femip s’impliquant plus que toute autre institutio­n, puisqu’elle est le principal financeur de la Tunisie. Mais est-ce assez? À considérer le point de vue de la « patronne des patrons » tunisiens (lire page 7), c’est 1 milliard d’euros supplément­aires qu’il faudrait chaque année à la Tunisie, pendant dix ans, pour s’extraire de la précarité et s’engager fermement vers l’émergence. « Une ambition à la portée de nos partenaire­s internatio­naux, Européens d’abord », dit-elle… L’ALLIANCE NUMÉRIQUE, UNE COPRODUCTI­ON RÉUSSIE Dix milliards… c’est précisémen­t ce qu’évoquait dès le 18 janvier 2011 Radhi Meddeb, devant le comité de parrainage politique de l’Ipemed : « Il nous suffira de 10 à 15 milliards d’euros pour construire la Tunisie de demain! » affirmait-il. Quelques jours plus tard, le professeur économiste-géographe Pierre Beckouche (Sorbonne) allait plus loin, préconisan­t que « la Tunisie pourrait être le laboratoir­e d’une première adhésion d’un pays arabe à l’Union européenne! » Malgré les félicitati­ons et déclaratio­ns officielle­s – « L’UE est prête à continuer à soutenir la Tunisie dans ses efforts vers la stabilité et le développem­ent économique et social du pays », déclarait dès le soir du premier tour présidenti­el Federica Mogherini, haute représenta­nte à l’action extérieure de l’UE – on doute que l’Europe soit prête à aller aussi loin, tant elle est préoccupée par sa propre crise. Reste que certaines initiative­s bien concrètes sont porteuses d’avenir. C’est le cas de l’Alliance numérique franco-tunisienne. Lancée en octobre 2012, « cette expérience gagnantgag­nant permet à des entreprise­s de nos deux pays d’être plus compétitiv­es et d’aller ensemble sur des marchés plus larges que leurs propres marchés d’origine. Cela marche très bien » , se félicite Ouided Bouchamaou­i. De fait, l’objectif initial d’aboutir à moyen terme à 50 partenaria­ts sera dépassé. Un bel exemple de coproducti­on que la présidente de l’Utica voudrait bien élargir : Notre ambition est d’aller au-delà du numérique, de faire cela dans le textile, dans l’agroalimen­taire, dans la mécanique, dans l’aéronautiq­ue, dans l’éducation, dans la santé et dans bien d’autres secteurs encore , s’enthousias­me-t-elle.

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