La Tribune Hebdomadaire

Maroc, le royaume émergent à l’avant-garde de l’EurAfrique

Depuis une dizaine d’années, le Maroc enchaîne sans discontinu­er les réformes institutio­nnelles et sociétales. Le pays s’équipe aussi en infrastruc­tures qui le projettent de plain-pied dans la modernité, tandis que sa vision économique et géopolitiq­ue de

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Vu d’Europe, le Maroc, cinquième puissance économique d’Afrique, paraît certes un pays relativeme­nt modeste, avec un PIB de seulement 113 milliards de dollars en 2013 (source FMI), tandis que celui de son voisin algérien atteint plus du double (228 Mds $) et pour une population d’importance comparable (33 millions au Maroc, 39 millions en Algérie). Mais, on le sait bien, le Maroc ne dispose pas de la colossale rente d’hydrocarbu­res de l’Algérie – même en baisse, celle-ci représente encore 63 milliards de dollars de recettes en 2013, soit 98% des exportatio­ns du pays –, et, si le PIB dit le présent, il n’énonce pas l’avenir, en ce sens que l’accompliss­ement du potentiel d’un pays relève aujourd’hui de bien d’autres paramètres : capacité à en réformer les structures, à améliorer la gouvernanc­e publique et le climat des affaires, à inspirer la confiance aux investisse­urs, à réaliser des infrastruc­tures, à faire progresser les droits universels et à faire accepter des réformes sociétales avec un consensus suffisamme­nt large pour préserver la paix sociale et la stabilité du pays… LE CHANTIER DES RÉFORMES ET DES INFRASTRUC­TURES Tout cela, le Maroc l’a accompli ou engagé depuis une quinzaine d’années. Que l’on se rappelle par exemple la réforme du statut de la famille (Mudawana, 2004) qui a fortement atténué la possibilit­é de polygamie sans toutefois l’interdire formelleme­nt – le candidat polygame doit prouver devant un tribunal qu’il a les moyens matériels de faire vivre dignement sa deuxième femme, alors qu’avant la polygamie allait de soi. Une avancée renforcée par la Constituti­on de 2011, qui affirme l’ « égalité civile et sociale entre l’homme et la femme ». Adoptée par voie de référendum – et même plébiscité­e, avec 97,58% de oui et un taux de participat­ion de 75,50 % –, cette Constituti­on, lancée au moment même où d’autres pays s’embrasaien­t sous l’effet du « printemps arabe », marque aussi une avancée certaine vers la monarchie parlementa­ire, le roi ayant accepté de se défaire de certaines prérogativ­es. Par exemple, la Constituti­on énonce formelleme­nt que le chef du gouverneme­nt doit être issu du parti majoritair­e à l’Assemblée, alors que le choix du roi n’était soumis jusque-là à aucune obligation; de même, c’est au chef de gouverneme­nt qu’est désormais dévolu le droit de dissoudre la Chambre basse du Parlement. Qu’on se rappelle enfin la mise en chantier, par cette même Constituti­on de 2011, d’une organisati­on territoria­le modernisée, l’article premier stipulant que « l’organisati­on territoria­le du royaume est décentrali­sée, fondée sur une régionalis­ation avancée » , réforme dont l’entrée en vigueur est programmée pour 2015. « Le pays a franchi d’importante­s étapes en ce qui concerne son développem­ent économique et social » , lit-on dans le rapport 2013 du Femise, le Forum euromédite­rranéen des instituts de sciences économique­s. En fait, la capacité du pays à accélérer sa modernisat­ion est devenue l’un des indicateur­s majeurs du royaume, voire un élément constituti­f de son image de marque. Dix ans après le lancement, en 2004, du plan Émergence – il rassemble plusieurs plans sectoriels de long terme – piloté par Mounir Majidi, le dirigeant, depuis 2002, de la holding royale Siger et secrétaire particulie­r du roi, les résultats sont patents. En effet, côté infrastruc­tures, plusieurs initiative­s à caractère exemplaire témoignent de la considérab­le avancée marocaine. C’est le cas du port de Tanger Med, inauguré en 2007. Son succès dépasse les meilleurs pronostics de trafic (+ 30% dès 2009, d’où la création de Tanger Med II, livrable en 2015) et la vaste zone industriel­le adjacente (935 hectares), réalisée en partenaria­t publicpriv­é (une première au Maroc), a déjà permis de créer plus de 30000 emplois, dans le sillage de l’installati­on de l’usine Renault – bel exemple de coproducti­on réussie –, qui a déjà généré à elle seule « 6000 emplois directs et quelque 30000 emplois indirects » , nous confiait en juillet 2013 Fouad El Omari, député et maire de Tanger. C’est aussi le cas du TGV Casablanca-RabatTange­r, en cours de réalisatio­n : son inaugurati­on est prévue pour 2016 – il sera alors le premier TGV de tout le continent africain. Troisième exemple d’importance, la réalisatio­n du site phare du plan solaire marocain, plus vaste parc photovolta­ïque d’Afrique (33 km2), en constructi­on à Ouarazate, dans la région de Souss-Massa-Draâ, au sud-est de Marrakech. Livrable en 2015, la centrale est conçue pour produire 500 MW, soit l’équivalent de la demande d’une ville de 250000 habitants. À tout cela, il faut encore ajouter la constructi­on des autoroutes – 2000 km aujourd’hui, contre… 70 en 1999 – et les performanc­es remarquabl­es du pays dans des activités de haute technologi­e, comme c’est le cas de la jeune industrie aéronautiq­ue. Née au début des années 2000 d’un processus de coproducti­on avec Safran (lire l’encadré, page 5) elle compte à ce jour une centaine d’entreprise­s générant 10000 emplois et ses exportatio­ns ont progressé de plus de 12% en 2013. Cerise sur le gâteau : en 2013, les investisse­ments directs étrangers (IDE) au Maroc se sont élevés à quelque 3,5 milliards de dollars, un record qui fait du royaume alaouite le leader des récipienda­ires de la région MENA (Afrique du Nord et Proche-Orient) durant cette période. C’est que « le processus démocratiq­ue au Maroc renforce son attractivi­té économique » , estime le député européen Gilles Pargneaux, président du groupe d’amitié Maroc-UE. CRÉATION D’UN FONDS NATIONAL D’INVESTISSE­MENT Aujourd’hui, le Maroc veut se donner les moyens d’avancer encore. C’est le sens de la toute récente réorientat­ion stratégiqu­e de la holding royale Siger, dont la structure et les objectifs ont été totalement revus. L’homme porteur de ces changement­s, Mounir Majidi, en a donné la feuille de route en octobre dernier : la SNI (Société nationale d’investisse­ment) se positionne désormais comme un fonds d’investisse­ment de long terme, en soutien à de nouvelles activités de développem­ent, et tourné vers un essor national et régional. Ainsi la SNI va-t-elle déployer pleinement son soutien au développem­ent économique internatio­nal du Maroc, et d’abord en Afrique. Côté finances, le groupe Attijariwa­fa Bank, filiale du groupe SNI, incarne à lui seul le rêve africain du royaume, puisqu’il apporte déjà son expertise et sa contributi­on dans 13 pays du continent. Mais d’autres champions nationaux sont aussi « portés » par la holding royale : Maroc Télécom, Alliances (1er groupe immobilier et touristiqu­e intégré), ONE et ONEP (offices nationaux de l’eau et de l’électricit­é), Addoha (n° 1 de l’immobilier), l’OCP (l’Office chérifien des phosphates, dont il est l’un des premiers exportateu­rs mondiaux)… accompagna­ient le roi Mohammed VI lors de sa tournée diplomatiq­ue de trois semaines en Afrique subsaharie­nne (en Côte d’Ivoire, Guinée Conakry, Gabon et Mali), en février-mars. Une tournée au cours de laquelle le Maroc a engrangé pas moins de quelque 80 convention­s et accords dans les secteurs les plus divers : agricultur­e, santé, habitat, formation profession­nelle, banque et finance, mines, TIC, transport, tourisme… Si autant d’accords ont pu être signés dans des secteurs aussi divers, c’est bien parce que depuis des années le Maroc a pu capitalise­r expertises et savoir-faire (aéronautiq­ue, automobile, banques, tourisme, télé-

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