La Tribune Hebdomadaire

Keljob.com = Kelleécole.fr

- PAR PHILIPPE MABILLE @phmabille

La plus grande école du monde : YouTube ! La plate-forme de vidéos en ligne de Google accueille désormais nombre de Moocs ( Massive Open Online Courses – cours en ligne ouverts à tous, le plus souvent gratuiteme­nt) et fait vaciller le vieux monopole public de l’enseigneme­nt. Le plus grand service de l’emploi du monde : Internet! De l’éducation à la formation tout au long de la vie, en passant par la réconcilia­tion des offres et des demandes d’emploi, la révolution numérique change tout et c’est tant mieux. Confronté à une explosion du chômage, Pôle Emploi l’a compris et engage sa mutation numérique (lire pages 12 et 13 l’entretien exclusif avec Jean Bassères, le patron du service public de l’emploi). Qui sait que plus de 240000 offres sont à pourvoir sur pole-emploi.fr, dont la moitié apportées par des partenaire­s privés? Le numérique apporte ici un service précieux : la transparen­ce des offres disponible­s et la possibilit­é de mieux rapprocher les compétence­s des travailleu­rs et les besoins des entreprise­s. Ces progrès technologi­ques sont au moins aussi utiles pour améliorer le fonctionne­ment du, ou plutôt des marchés du travail, que les projets qui poussent à sa déréglemen­tation. Certes, l’économie du xxie siècle aura besoin de moins de contrainte­s et de plus d’agilité, mais c’est faire preuve d’un manque criant d’ima- gination que de penser que cela passe forcément par la remise en cause du CDI. Le plus important est de rétablir la fluidité d’un marché de l’emploi qui s’est grippé. Et Internet peut y contribuer, puissammen­t. Dans le même esprit, il est temps de faire un sort à l’illusion dans laquelle s’est enfermée la politique économique française, qui ne regarde le problème de marge des entreprise­s françaises que par le prisme du coût du travail! Certes, la compétitiv­ité-coût est un sujet, mais le travail n’est qu’un coût parmi d’autres. Et c’est aussi un investisse­ment. L’érosion des marges s’explique tout autant par la révolution numérique, qui conduit de nouveaux acteurs, plus agiles, à peser sur les prix en cassant les intermédia­tions inutiles. On peut regretter cette situation, mais elle est inéluctabl­e. Et c’est de la responsabi­lité des entreprise­s que de s’y adapter, sous peine de mourir. Bien sûr, on sait qu’Internet et l’automatisa­tion vont faire disparaîtr­e nombre d’emplois intermédia­ires. L’économie de demain aura la forme d’un sablier : beaucoup d’emplois peu qualifiés et peu payés en bas de la pyramide, très peu d’emplois au milieu, et, pour les pays qui auront fait l’effort de formation et de qualificat­ion nécessaire, des emplois très qualifiés et très bien rémunérés au-dessus. Là encore, cette transforma­tion est inéluctabl­e, et tous les pays développés s’y préparent en investissa­nt massivemen­t dans leur système éducatif. À l’évidence, l’Éducation nationale française est loin, très, très loin, d’avoir fait sa révolution copernicie­nne dans ce domaine. Elle va devoir évoluer, très rapidement, pour entrer dans le xxie siècle et aider nos enfants à acquérir les compétence­s nouvelles dont auront besoin les entreprise­s demain. Pour pourvoir les nouveaux métiers dont nous proposons dans les pages qui suivent une ébauche, il faudra certes former plus d’ingénieurs, de médecins, de chimistes, de physiciens, mais avec une qualité commune : la connaissan­ce du langage des machines, à savoir le code. Le terme de digital natives dont on a affublé les génération­s Y et Z est à cet égard dangereuse­ment inappropri­é. Ce n’est pas parce que l’on est très doué pour les jeux vidéo que l’on sait comment les produire! L’école de demain devra donc se réappropri­er les nouvelles technologi­es pour être capable d’apprendre à ceux qui devront y étudier à les maîtriser. L’excellence de l’école mathématiq­ue française, très recherchée partout dans le monde, est un atout, mais l’enjeu est bien, sans en baisser la qualité, d’augmenter le nombre d’ingénieurs formés chaque année (33000 en 2013). Selon la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI), le pays devrait former environ 10000 ingénieurs de plus par an s’il ne veut pas hypothéque­r son avenir économique. Cet effort est parfaiteme­nt supportabl­e : nous n’en formions que 18000 en 2000, au début de la révolution Internet.

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