« La France, une surdouée qui s’ignore »
La France entrepreneuriale souffre d’une classe politique t o t a l e me n t déconnectée de la vie économique et de la réalité des entreprises. Un aréopage miné par l’hyperprofessionnalisation, gangrené par les logiques de carrière, de réélection, de statut social, de représentation publique, par la faute desquelles l’intérêt général est relégué. En témoigne quelque trajectoire qui permet de démarrer à 28 ans aux commandes de la mairie de Neuilly et de finir à l’Élysée. La compréhension de l’enjeu entrepreneurial souffre également d’un système qui propulse aux responsabilités politiques une majorité de fonctionnaires, dont le statut et les facilités d’exercice les isolent des réalités et, simultanément, écartent du jeu tout le reste de la population. Fonctionnaires dont il faut par ailleurs reconnaître, aussi bien dans les rangs des établissements publics qu’aux plus hauts postes de l’État, une qualité d’ensemble et un sens de l’intérêt général indiscutables, et même enviés à l’étranger, y compris aux États‑Unis. Ce contexte étouffe les singularités – facultés d’inventivité, d’innovation notamment – des entrepreneurs français, surtout il maintient dans l’impasse les expérimentations et l’ensemble des solutions qui pourraient sortir le pays de sa torpeur. En effet, ce cénacle fonctionnaire ne connaît que centralisation et jacobinisme, il est paralysé par la réalité de la mondialisation qui impose pourtant une dextérité intellectuelle et une agilité organisationnelle pour y concourir avec succès et y repérer toutes les opportunités, il est infecté par les réflexes technocratiques, archaïques et uniformisants qui dominent toute autre logique – numérique, décentralisée, moderne, responsabilisante. L’examen du traitement social du chômage et des politiques d’emploi l’illustre. Et ceux qui veulent bousculer l’édifice ne sont pas entendus. L’heure est à réinventer le fonctionnement de la vie politique, pour que ceux qui la pilotent reflètent la photographie identitaire, éthique, culturelle, professionnelle, mais aussi l’immense variété des intelligences qui caractérisent le pays. Autres facteurs clé de cette transformation : les entrepreneurs que le parcours réussi de créateur et de développeur au bénéfice des emplois et du territoire a enrichis personnellement, doivent être « Entreprendre, c’est être en vie. » honorés. Ils doivent aussi s’impliquer davantage dans le débat public et dans l’ensemble des strates de la société, afin de montrer la réalité de leur travail et ainsi amener l’opinion publique à casser ses préjugés. Leur réputation ne doit pas être victime de celle des apparatchiks de certaines grandes entreprises, affranchis de véritable risque, li(gu) és les uns aux autres par des intérêts personnels communs, et bénéficiaires de rémunérations totalement abusives. L’endogamie de ces fonctionnements doit être combattue, la gouvernance doit être redéfinie, la transparence des décisions de rémunération doit être appliquée, le pouvoir des assemblées générales doit être élargi. À ces conditions, l’exemplarité de ces dirigeants sera revitalisée, et les entrepreneurs seront clairement distingués au sein de l’opinion publique. La France est une surdouée qui s’ignore. Elle regorge d’atouts et de talents, et j’observe l’existence d’une grande envie d’entreprendre, d’une formidable énergie jusque dans les secteurs social et associatif. Tout cela doit faire l’objet d’une intensive promotion. Il est donc indispensable de travailler sans relâche à montrer les beautés de l’acte entrepreneurial, fondé sur le partage, la réciprocité et la progression des émotions au fur et à mesure que les combats, les conquêtes et les réalisations se succèdent. C’est, effectivement, d’autant plus essentiel dans une société que dominent matérialisme et individualisme. L’enthousiasme, l’inconnu, l’indépendance, le plaisir de se lever chaque matin avec énergie, celui d’impulser sans cesse, celui de cumuler d’extraordinaires souvenirs collectifs et de laisser une empreinte derrière soi, sont consubstantiels à l’aventure de bâtisseur. Et puis surtout, surtout, il y a la liberté. Entreprendre, c’est vivre et être en vie. »