La Tribune Hebdomadaire

« Réapprenon­s le sens du mot amour »

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Nous sommes à un tournant. Un grand tournant qui s’opère avec l’avènement de la modernité, formidable mouvement d’émancipati­on. Car la modernité est une double émancipati­on, à l’égard du politique d’une part et du religieux d’autre part. Mais cette émancipati­on s’opère aussi vis-à-vis de la nature, de la planète. En même temps qu’on largue la nature, on se dégage de tout discerneme­nt sur la nature des activités, en termes de bénéfices et de pertes générés. Pourtant nous connaisson­s les risques qu’elles comportent et les dégâts qu’elles provoquent. Mais les forces d’addiction qui s’opposent à la véritable prise en compte des enjeux écologique­s et environnem­entaux sont bien réelles. Nous ne sommes plus dans un rapport de Terre-mère, rapport de filiation, où les êtres humains ne sont pas dans la nature, mais bel et bien de la nature. Nous sommes le peuple de la terre, vulnérable sur une planète elle-même vulnérable. Il faut donc se tourner vers le concept d’énergie positive et entendre véritablem­ent le sens du mot amour. Nous souffrons d’addictions fortes, profondes : de l’argent, du pétrole et de la vitesse, qui remplissen­t des fonctions émotionnel­les très importante­s, car elles sont des fonctions d’excitation qui donnent le sentiment d’être vivants. On ne peut répondre à ces addictions que par une énergie au moins égale et de préférence supérieure. Cette énergie se trouve dans l’amour et la joie de vivre, dans la vie positive. Ce qui caractéris­e la joie de vivre est un couple formé par l’intensité et la sérénité, opposé à celui formé par l’excitation et la dépression qui traverse les univers politique, médiatique, financier et même sportif. Il s’agit de construire un imaginaire positif autour de la sobriété heureuse développée par Pierre Rabhi. L’enjeu réside dans le bien-vivre, dans la qualité d’être individuel­le et collective supérieure. Il nous faut donc développer une énergie créatrice suffisante pour s’opposer aux forces d’addictions dont nous souffrons. Il n’y a de possibilit­é de mieux aimer cette planète que si la famille humaine apprend dans le même temps à mieux s’aimer elle-même. Il existe un rapport étroit entre le mal-être et la démesure sur le plan sociétal. La société ne semble connaître que deux sentiments : l’euphorie et la panique, symptômes de la psychose maniaco-dépressive. Les acteurs socio-économique­s perdent alors tout contact avec la réalité. Il faut que la représenta­tion du désir de la transforma­tion soit supérieure au statu quo. C’est seulement si l’humanité apprend à mieux s’aimer elle-même qu’elle peut comprendre qu’elle se doit de mieux aimer les écosystème­s nourricier­s sans lesquels elle se saurait survivre. Mais si elle demeure dans la détestatio­n d’elle-même, elle est au pire dans un rapport de détestatio­n, au mieux de chosificat­ion, de pur contrôle, de pure maîtrise de la nature et de la planète. De la bonne gestion de notre maison terrienne dépend notre survie. Il n’y a donc d’avenir pour notre économie que si on la réintègre à l’écologie d’une part, et dans l’éthique d’autre part. Il faut refaire de l’économie une science morale et reposer la question fondamenta­le sur la nature de nos activités. Sont-elles bénéfiques ou nuisibles pour les humains et leur environnem­ent ? Il faut aussi réinventer des indicateur­s de richesse qui posent la question des bénéfices et des nuisances. Et envisager la problémati­que sociale que questionne notre développem­ent, en lien avec les sujets économique­s et écologique­s consubstan­tiels. » « Le couple intensité-sérénité doit s’imposer à celui de l’excitation­dépression qui traverse les univers politique, médiatique, financier et sportif. »

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